La parole à Hélène Elouard, représentante du Collectif AESH national CGT Educ'action et AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap) à l'Education nationale.
Handicap.fr : Vous êtes en colère car des AESH ont été sommés de se rendre au travail le 16 mars 2020…
Hélène Elouard : Oui, en effet, malgré l'annonce du Président et du Premier ministre, puis du ministère de l'Education nationale qui a déclaré aux organisations syndicales le 13 mars que « seuls les personnels indispensables à la continuité administrative devront être présents sur leur lieu de travail ». Le ministre Blanquer ayant dit le contraire sur les médias le 14 mars, les AESH recevaient des messages écrits et téléphoniques de leurs rectorats, DSDEN (Direction des services départementaux de l'Education nationale), chefs d'établissements, directeurs et directrices, principalement dans le primaire, les sommant de venir travailler lundi, sauf s'ils étaient malades ou avaient des enfants de moins de 16 ans.
H.fr : Que devaient faire ces AESH ?
HE : Eh bien assumer certaines tâches qui ne font pas partie de leurs missions. La créativité des employeurs est allée bon train : travail administratif, ménage, désinfection des lieux, plateforme téléphonique, etc. Le comble, pour certains, a été de devoir aider à l'installation du suivi pédagogique. Toute l'année, on nous fait comprendre que la pédagogie ce n'est pour nous mais, tout à coup, nous devenons essentiels à ce processus. Grâce au coronavirus, il nous est poussé un cerveau et des compétences ? Donc, face au manque de directives et par peur des sanctions, certaines (ce sont des femmes à 92 %) se sont rendues dans les écoles. C'est une situation aberrante et, comme souvent, certains directeurs d'établissements prennent des décisions sans tenir compte des consignes officielles ou alors n'ont pas été informés par l'IEN (Inspecteur de l'Éducation nationale).
H.fr : Le mardi 17, la situation est-elle rétablie ?
HE : Oui, après la pagaille du week-end, les syndicats sont montés au créneau et Jean-Michel Blanquer a fini par donner une directive formelle : seuls les « personnels essentiels » doivent être présents dans les locaux pour assurer l'accueil des enfants des professionnels du soin réquisitionnés pour faire face au coronavirus. La veille, j'ai reçu des centaines de messages mais beaucoup moins aujourd'hui. C'est bon signe. Le confinement annoncé par Emmanuel Macron hier soir a calmé tout le monde.
H.fr : Les AESH peuvent-ils tout de même participer à cet élan de solidarité (article complet en lien ci-dessous) ?
HE : Bien sûr, la CGT Educ'action estime qu'il s'agit d'une mesure de continuité indispensable du service public à condition qu'elle soit réalisée dans des conditions sanitaires adéquates pour garantir la sécurité des personnels concernés. Mais il faut insister sur le fait que c'est sur la base du volontariat, au même titre que les professeurs ou le personnel administratif.
Alors que le Président annonçait que les salariés, parents d'enfants de moins de 16 ans, pouvaient rester à la maison pour les garder, dans certains départements, des directeurs d'école et DSEN ont refusé de délivrer l'attestation d'absence aux AESH, en leur disant de venir sur leur lieu de travail… avec leurs enfants ! C'est tout simplement scandaleux !
H.fr : Mais si l'AESH accompagne d'ordinaire un élève en situation de handicap qui est lui-même enfant d'un personnel du soin ?
HE : Alors elle doit se rendre à l'école pour poursuivre cet accompagnement. (ndlr : Le gouvernement précise le 20 mars que seuls les AESH volontaires interviendront. Toutes les personnes présentant des fragilités face au virus ne doivent pas intervenir).
H.fr : Et si elle ne peut pas, pour des raisons personnelles ?
HE : Il faudra alors trouver une autre AESH mais, à ma connaissance, le cas ne s'est pas encore présenté.
H.fr : Certains évoquent la possibilité pour les AESH de se rendre au domicile de l'enfant en situation de handicap accompagné…
HE : Oui, j'en ai entendu parler mais ça ne me paraît pas du tout réaliste. Il n'y a, en tout cas, aucune directive officielle à ce sujet et ce serait d'ailleurs assez aberrant face à une telle pandémie.
H.fr : De quelle manière les AESH continuent-ils à travailler ?
HE : Comme de nombreux Français, en télétravail.
H.fr : Mais, pour les élèves en situation de handicap, ça se passe comment ?
HE : On ne va pas se mentir, c'est très compliqué. D'abord parce que tous ne sont pas munis de tablettes ou d'ordinateurs, pas plus que les AESH, personnels précaires. Ensuite, il faut réexpliquer les consignes par vidéo ou téléphone. En cas de handicap moteur, l'élève peut nous dicter ses réponses par téléphone. Logiquement, nous sommes mis dans la boucle des mails par les professeurs principaux. De plus, depuis dimanche, les logiciels nationaux de l'Education nationale buggent comme l'ENT (Espace numérique de travail). C'est l'outil de travail indispensable où les élèves reçoivent les cours, les devoirs, les informations. Il va falloir s'organiser autrement. Heureusement, les examens ont été annulés.
Mais la situation devient nettement plus compliquée lorsqu'il s'agit d'accompagner, via un ordinateur ou un téléphone, un élève autiste ou ayant des troubles du comportement, qui ne tient pas en place, a de grosses difficultés au niveau du suivi et est rapidement fatigable. Comment les aider alors que le côte-à-côte en classe est déjà très délicat ? Dans de nombreux cas, nous avons besoin de l'aide des parents, qui sont par ailleurs très sollicités pour leur propre job en télétravail. Compliqué, c'est peu dire…
H.fr : Vous accompagnez vous-même un élève ?
HE : Oui, une jeune fille de 15 ans en CAP esthétique. C'est très difficile pour les ateliers qui privilégient la pratique à la théorie, les parents devront servir de cobayes…
Coronavirus : les AESH font le job en télétravail!
Dans le contexte du confinement, quelle place pour les AESH ? Après des directives contradictoires durant le week-end, la situation revient à la normale. Ils doivent continuer à faire leur job en télétravail. Pas facile !
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