Fin août 2016, Manuel Valls avait laissé entendre dans un entretien à l'Express qu'une « mesure spécifique » pour le secteur non-lucratif était à l'étude dans le budget 2017. « L'objectif est d'aboutir à une mesure fiscale pour résorber le déficit de compétitivité des associations lié au CICE. Elle concernera le plus possible les associations confrontées à une concurrence du secteur lucratif », a indiqué à l'AFP le député socialiste Yves Blein, l'un des avocats de la mesure.
CICE : seulement pour les entreprises
Depuis l'entrée en vigueur de ce crédit d'impôt, réservé aux seules entreprises, une maison de retraite à but lucratif, par exemple, a vu le coût d'une partie de sa masse salariale diminuer de 4% puis de 6%. Le même établissement avec un statut associatif, lui, n'a bénéficié d'aucun avantage. « L'aide à domicile est devenue un marché très concurrentiel. Avec le CICE, nous souffrons d'un écart de compétitivité de plusieurs points. Or les bénéficiaires choisissent le prestataire le moins cher », déplore auprès de l'AFP Christophe Vaille, dont l'association Présence à domicile emploie 400 personnes dans le sud de la France.
« Demain, on embauche, bien sûr »
Guillaume Natton, qui dirige l'association Vivadom, fait le même constat : « Avec moins de fiscalité, nous pourrions diminuer notre déficit, ce serait une bouffée d'oxygène. Nous avons perdu des marchés et, dans le même temps, les dotations des départements (pour le financement des aides sociales) sont en baisse. » L'enveloppe globale de cette mesure à l'égard des associations pourrait s'élever à près de 500 millions d'euros, selon Yves Blein. Parmi les formules évoquées, celle d'un crédit d'impôt défalqué sur la taxe sur les salaires, à hauteur de 3% des rémunérations inférieures à 2,5 Smic. « Pour nous, cela reviendrait à environ 8 millions d'euros d'économies car plus de 70% de notre budget est consacré aux salaires. Demain on embauche, bien sûr », calcule Prosper Teboul, le directeur général de l'APF (Association des paralysés de France), qui emploie 14 000 salariés.
L'APF recruterait plus…
« Avec une telle somme, nous recruterions une centaine de personnes, notamment dans les établissements dédiés aux handicaps lourds, où les services sont notoirement insuffisants », détaille-t-il. « Nous pourrions aussi améliorer la formation des personnels, peut-être valoriser le point, gelé depuis des années, ou encore investir dans les innovations comme la domotique ». « Les associations créent forcément plus d'emplois avec la même somme car elles n'ont pas à rémunérer le capital, pas de dividendes à payer », rappelle Thierry Guillois, avocat spécialiste de l'économie sociale au sein du cabinet PDGB Avocats. « Mais si, dans le même temps, on augmente le niveau d'exonération des sociétés, alors cela maintiendra le déséquilibre entre les deux secteurs. »
Réformer la fiscalité associative
En 2014, déjà dans l'idée de compenser en partie le manque à gagner du CICE, les associations avaient bénéficié d'une augmentation de l'abattement sur la taxe sur les salaires. Il était passé de 6 000 à 20 000 euros. « Mais il s'agit d'un forfait, une prime à la petite structure. Au-delà de 20 salariés équivalent temps plein, l'avantage ne joue plus », souligne à l'AFP Vincent Vincentelli, de l'Union Nationale de l'Aide, des Soins et des Services aux Domiciles qui rassemble 800 structures d'aide à la personne, majoritairement associatives. « La mesure sera évidemment bienvenue. Mais nous aurions aimé une réforme plus profonde de la fiscalité des associations. Aujourd'hui, avec la taxe sur les salaires, plus j'embauche ou plus j'augmente les salaires, plus je suis taxé. C'est un impôt injuste, qui pénalise l'emploi et le développement », assure-t-il.
Que ce soit dans le sanitaire et social, le culturel ou encore l'aide au développement, les associations font travailler 1,8 million de personnes, soit environ 7,5% des emplois salariés dans le pays. « Au-delà de la bouffée d'oxygène, l'idée est de conforter le rôle du secteur associatif dans la société française. C'est souvent une prolongation des services publics, mais en laissant la place à l'initiative citoyenne. Et elle a toujours un coup d'avance », souligne M. Blein.
Par Hélène Seingier
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