* Revoir la chronique de Philippe Croizon sur les jouets dans le Magazine de la santé, sur France 5 dans le lien ci-dessous (25 min 25 secondes).
Philippe, c'est bientôt Noël alors vous avez décidé de retomber en enfance…
En effet, je vais vous présenter de jolies poupées et plein de figurines.
C'est très touchant, Philippe, de vous voir faire mumuse en direct mais j'ai peur que vous ne soyez un peu hors-sujet. Quel rapport avec le handicap ?
Vous allez comprendre… Je ne suis pas là pour vous parler de la sublime Barbie, aussi blonde, parfaite, qu'anorexique, ou du super-héros bardé de pectoraux mais de tous ces jouets qui sont conçus à l'image des enfants en situation de handicap.
Ah bon, cela existe ?
Oui, c'est une nouvelle tendance, un peu timide mais qui commence à prendre de l'essor au point que certaines multinationales du jouet s'y mettent. La plus emblématique d'entre elles, c'est Lego. En 2016, la célèbre marque danoise lance sa boite « City » dans laquelle les enfants pourront découvrir une figurine en fauteuil roulant. Qui a le sourire aux lèvres…
Comment est née cette idée ?
On la doit à une campagne menée en Angleterre, « A toy like me », c'est-à-dire, en français, « Un jouet comme moi ». Elle travaille sur la représentation positive des personnes handicapées dans la société et, parce qu'elle juge essentiel de sensibiliser les futurs citoyens dès l'enfance, promeut les jouets à l'image des enfants différents. Il a fallu la mobilisation du web et une pétition signée par plus de 20 000 internautes, lancée en 2015, pour que l'univers du jouet commence à prendre en compte cette question.
Un autre « monstre » du jouet s'empare également du concept, c'est Playmobil.
Oui, ce fabricant a, lui aussi, rejoint cette campagne et lancé des bonshommes en situation de handicap : figurines en chaise roulante ou tenant un chien-guide. Ses designers reçoivent une centaine de lettres et de dessins d'enfants par mois, qui expriment leur souhait sur les thèmes avec lesquels ils aimeraient jouer. Et pas seulement des pirates, des chevaliers et des princesses…
Vous avez reçu, par exemple, leur nouvelle boite « hôpital pédiatrique ».
Pour Playmobil, il s'agit d'un thème de la vie moderne, tout comme la boite « radiologie » ou « maternité ». Cela permet aux enfants de s'inventer des histoires ancrées dans la vie réelle, et éventuellement aux parents de dédramatiser une future hospitalisation ou de parler plus sereinement de problèmes de santé avec leurs enfants. Mais aussi de la manière de se comporter face aux handicaps des autres.
En Angleterre, un fabricant va encore plus loin en proposant des poupées sur mesure, avec un handicap au choix…
Il s'appelle Makies. Elles portent une tâche de naissance, une cicatrice, une prothèse auditive ou se déplacent avec une canne. Une version en fauteuil roulant est même annoncée par la marque. Le fabricant utilise des imprimantes 3D pour pouvoir proposer des modèles uniques ; les parents peuvent ainsi commander ces « Makies dolls » sur mesure au prix de 69 livres. Livrées en moins d'une semaine !
Mais ceux qui frappent très fort, ce sont les Suédois. Ils lancent une poupée « attardée » qui n'est pas du goût de tous.
Ce surprenant poupon porte le nom de Gil. Le message, affiché sur l'emballage, ne fait pas vraiment dans la dentelle : « Traitez-la comme une vraie débile » ! Elle est vendue par la Coopérative de Gothenburg pour la vie indépendante des personnes handicapées, spécialiste de la diffusion de matériel spécialisé. L'association, refusant toute forme de discrimination positive, a décidé de créer cette poupée « attardée ». Ce parti-pris a suscité, évidemment, une vaste polémique internationale mais, en attendant, plus de 300 pièces ont été écoulées.
Et pourquoi pas une poupée porteuse de trisomie 21 ?
Eh bien elle existe, depuis 2013. Cette idée inédite est celle de la maman de Hannah, une américaine atteinte de trisomie 21. Elle souhaitait que sa fille, âgée de 13 ans, puisse choyer un poupon qui lui ressemble. Après s'être assurée qu'aucun modèle n'existait sur le marché et face au succès rencontré par son prototype, elle a décidé de créer une ligne dédiée. Elle se décline en deux versions, boy or girl !
Maintenant, vous allez nous proposer la minute émotion….
C'est en effet l'histoire d'Emma, une petite fille texane qui reçoit le jour de son anniversaire une poupée qui lui ressemble (article et vidéo en lien ci-dessous). Elle est amputée d'une jambe, comme elle. Submergée par l'émotion, elle ne cesse de répéter « Merci ! Merci de l'avoir faite tout comme moi ! ». Cette commande sur mesure a été réalisée par une société spécialisée dans les prothèses… à taille réelle !
Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette option fait polémique puisque certains recommandent de ne pas offrir de jouet handicapé à un enfant handicapé…
En effet, de nombreux psys assurent qu'un enfant rêve de grandeur et de pouvoirs. Le super-héros ou la princesse incarnent une sorte d'idéal qui l'aide à supporter les frustrations et lui donnent envie de grandir. Or ce type de personnage, qu'il voit comme plus « faible », l'enfermerait dans son image de personne invalide. Il risque aussi de penser que ses parents, son entourage ne le voient que comme ça. En réalité, les jouets « handicapés » sont très utiles mais pour les enfants valides afin de les sensibiliser à la situation de handicap et ainsi en faire une situation « normale » !
Et puis, en dehors des « jouets en situation de handicap », il y aussi tous ceux qui sont conçus pour les enfants handicapés…
Oui, ils proposent des textures, des formes, des utilisations adaptées qui permettent d'éveiller les aptitudes des enfants, quelles que soient leurs fragilités. Il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les sens. Des distributeurs se sont spécialisés sur ce marché, en France, comme Hoptoys ou Oxybul.