C'était la grande répétition générale avant le Dakar ; le rallye du Maroc (du 2 au 7 octobre 2016) est l'une des épreuves les plus prestigieuses du circuit mondial de rallye raid. Au programme : 1 885 km dont 1 317 km de spéciales disputées par les pilotes les plus chevronnés. Après des mois d'entraînement, et déjà plusieurs tests en France et en Espagne, Philippe Croizon a relevé son pari avec son buggy entièrement modifié et parfaitement adapté à sa quadri-amputation.
Un prototype inédit
Sur place, une équipe de onze personnes, en « configuration Dakar » composée d'ingénieurs, de motoristes et de spécialistes de l'aménagement du véhicule mais également de sa compagne Suzanna, « sans laquelle rien ne serait possible », est à ses côtés pour assurer sa sécurité et son confort. Le bolide de 340 chevaux est piloté via une commande hydraulique, un mini-manche conçu pour restituer les particularités de la route. Le coude de Philippe est enfilé dans une emboiture en carbone qui lui permet ainsi de ressentir la piste grâce à la liaison mécanique. En cas de problème, le système est réversible ; le co-pilote reprend alors le contrôle, avec le volant et les pédales.
Une arrivée triomphale !
Après six jours intenses dans le désert marocain, Philippe Croizon franchit la ligne d'arrivée sous les ovations. Sur le finish, il est porté en triomphe par de nombreux concurrents qui ont tenu à être présents pour saluer la prouesse de ce concurrent atypique. Le buggy du team Croizon-Tartarin (un pilote qui compte déjà 18 Dakar) finit 15è sur 27 dans la catégorie auto Open. Lors de la cérémonie de clôture, un prix spécial lui est décerné. Philippe savoure son bonheur, soulagé d'avoir relevé ce défi insensé. Il a vaincu tous les obstacles inhérents au rallye raid : crevaisons, ensablement et autres sorties de route qui lui ont valu quelques frayeurs. « Tous les jours, on se disait que le but était de franchir la ligne d'arrivée et ça jusqu'au dernier mètre, explique Philippe. Mon co-pilote, Cédric Duplé, expert en courses d'endurance n'avait aucune connaissance des dunes au départ. Nous étions donc deux novices en la matière… Malgré cela, après deux jours de réglages, la cohésion était parfaite. Sur la dernière étape, je n'ai pas vu le temps passer. J'avais l'impression d'être sur un petit nuage. »
Comme un poisson dans l'eau
Cette épreuve marocaine lui a permis de prendre confiance en ses capacités : « Ce parcours était très instructif, et je me sens prêt pour le Dakar. Ceux qui l'ont déjà fait me disent que ce sera plus facile en termes de terrain mais plus intense en termes de rythme puisque les étapes ne feront plus 300 km mais jusqu'à 700. » Les trois mois à venir, son équipe va les consacrer aux derniers ajustements et Philippe à son entraînement physique et mental. Il pratique également l'hypnose avec un pilote de chasse pour apprendre à gérer son cœur, déclencher plus rapidement les réflexes et mieux contrôler les montées d'adrénaline. Une préparation à la hauteur de cette aventure exceptionnelle : 9 500 km en 12 jours. Départ le 2 janvier 2017 d'Asunción (Paraguay)... « J'ai vraiment hâte d'y être », conclut l'ex-nageur qui se dit « comme un poisson dans l'eau dans son buggy ». A la question « nager ou conduire », il choisit désormais, sans hésiter, de poursuivre au volant…
© Danger 3