Par Christian Panvert
Le décor est un peu nouveau pour lui... Après avoir traversé la Manche puis relié les cinq continents à la nage, Philippe Croizon, amputé des quatre membres, va devoir s'habituer à la terre du circuit Henri Belin à Rouillé (Vienne) pendant quelques mois. Et à un peu moins de liberté que ce qu'il avait dans l'eau. Dans son buggy spécialement aménagé pour le prochain rallye Dakar, son corps est sanglé au siège, ses cuisses fixées dans un caisson en carbone. « Comme je ne peux ni toucher le volant ni les pédales, je conduis grâce à un joystick hydraulique. Je dirige l'accélération, le freinage et la direction avec le moignon du bras droit. Avec le gauche, j'actionne un sélecteur. J'appuie sur un bouton pour parler à mon copilote, je pousse pour monter les vitesses, je tire pour les descendre, ça remplace l'embrayage. C'est comme un jeu vidéo ! », indique Philippe Croizon, 48 ans, originaire de Châtellerault (Vienne).
Ficelé comme un rôti !
Ainsi, « Je suis ficelé comme un rôti ! », lance-t-il, tout sourire, avant de faire rugir le moteur Nissan V6 de 340 chevaux. Dès les premiers tours de roues, bien harnaché dans son bolide, il fait quelques tête-à-queue dans un nuage de poussière avant de maîtriser pleinement la machine. Matthieu Bouthet, son copilote, parle d'une expérience hors norme : « D'habitude, je ne m'occupe que de la navigation. Là, je gère aussi le démarrage du véhicule, les clignotants, le klaxon, les essuie-glaces ». Les deux hommes synchronisent leurs gestes et peuvent atteindre des pointes jusqu'à 150 km/h, mais Philippe Croizon prévient : « Le but n'est pas de faire des temps. Mon rêve n'est pas de rivaliser avec Sébastien Loeb. Mais de franchir la ligne d'arrivée à Buenos Aires (NDLR: le rallye partira le 5 janvier pour arriver le 20). D'aller au bout de mon rêve. Ne pas faire partie des 51% qui abandonnent comme l'année dernière ».
Dans les dunes du Maroc
Le 11 avril 2016, il est parti s'entraîner à Merzouga, dans les dunes du désert marocain, avec Yves Tartarin comme manager de l'équipe, qui affiche 18 participations au Dakar, la course considérée comme la plus dure au monde des épreuves de rallye-raid. « Philippe restera calé entre 10 et 15 heures par jour sur son siège-baquet », explique Yves Tartarin. Philippe Croizon a huit mois pour se préparer : « Comme avant chaque aventure, je n'y vais pas la fleur au fusil. Je suis un gros entraînement de musculation, pour me préparer les bras, les fessiers », affirme celui qui a fait imprimer, en guise de clin d'oeil, un point d'interrogation sur son véhicule. C'est la place réservée à son ou ses futurs parraineurs. Car le budget, estimé à 600 000 euros, n'est pas entièrement bouclé. Il manque encore 200 000 euros...
© Jean-Daniel Ouvrard