2 janvier 2017, Asunción, Paraguay. Le Dakar s'apprête à vivre une grande première : un pilote quadri-amputé est engagé. L'insubmersible Philippe Croizon, après un an d'entraînement, est sur la ligne de départ pour mettre la gomme dans ce nouveau défi. Mais rien n'aurait été possible sans les équipes d'ingénieurs qui l'ont accompagné…
Un mini-manche complet
La prouesse est humaine, certes, mais également technologique, qui a obligé les spécialistes de l'aménagement d'automobile pour personnes à mobilité réduite à faire preuve d'une créativité hors-normes. Pour adapter le poste de conduite, c'est K-automobilité qui s'y est collé. Il a conçu un mini-manche qui centralise toutes les commandes : direction, accélération (mouvement en avant), freinage (mouvement en arrière). Celle du passage des vitesses, le klaxon et même les phares, indispensables pour les épreuves de nuit, sont actionnés grâce à un joystick par le coude gauche.
Une vieille histoire
Philippe Croizon et K-automobilité, c'est une vieille histoire. Tout a commencé dans une chambre d'hôpital. Philippe vient de survivre à l'impensable, une quadri-amputation. Il est sur son lit lorsqu'il voit un reportage sur l'ex pilote de Formule 1, Philippe Streiff, tétraplégique à la suite d'un accident, pour lequel vient d'être confectionné un mini-manche pour reconduire son véhicule personnel. Jean-Daniel Kempf est à l'origine de cette innovation. Philippe (Croizon) ne se démonte pas ; il appelle la société : « Je veux vous rencontrer. ». Il passe ensuite son « permis de conduire mini-manche » au sein du centre de rééducation de Kerpape, et c'est donc K(comme Kempf)-automobilité qui réalise les deux premiers véhicules qui lui permettent de conduire avec sa prothèse.
Pourquoi pas le Dakar ?
Pour ce Dakar 2017, rodé aux exigences de ce « client atypique », K-automobilité reste fidèle au poste. « Lorsque Philippe m'a annoncé qu'il voulait faire le Dakar, j'ai tout de suite pensé à un gros Toyota boite automatique et climatisé, explique Jean-Daniel Kempf, gérant de la société. Jamais je n'aurais imaginé qu'il oserait le buggy. Le défi est double : courir un rallye mythique et avec un vrai véhicule de course. ». Le pilote est quadri-amputé ? Un détail pour ses équipes qui vont tout de même devoir faire travailler leurs neurones avant de lui confier les manettes.
Sur un buggy : un première !
« Depuis 20 ans, nous avons l'habitude de réaliser des mini-manches pour des véhicules de tourisme, poursuit Jean-Daniel, mais c'est la première fois que nous planchons sur un buggy du Dakar, un engin hyper performant et pas très confortable. » En effet, avec la nécessité de ressentir le terrain, il faut abandonner le joystick et opter pour un système plus sensitif. À partir d'une commande hydraulique, ce mini-manche est conçu pour restituer les particularités de la route ; le coude de Philippe est enfilé dans une emboiture en carbone et il peut ainsi ressentir la piste grâce à la liaison mécanique. Au fil des tests, les ingénieurs perfectionnent le dispositif et surtout l'adaptent à sa morphologie afin d'assurer son confort de conduite. En cas de problème, le système est réversible, une clé permettant de le désactiver ; le co-pilote peut alors reprendre le contrôle, avec le volant et les pédales. Essai grandeur nature dès le 2 janvier… Et pourquoi pas une nouvelle piste pour d'autres fous du volant ?