Par Loic Venance, Arnaud Bouvier
A l'hôpital de jour Santos Dumont, à Paris, petite structure qui accueille habituellement 25 jeunes de 14 à 27 ans, chaque jour du lundi au vendredi, le nécessaire respect des gestes barrières ne permet pas le retour de tous les patients en même temps, explique sa cheffe de service, la psychiatre Loriane Bellahsen. Pendant deux mois, la plupart des jeunes sont restés confinés dans leur famille, et le lien - avec l'équipe pluridisciplinaire et entre patients – a dû être maintenu via des réunions téléphoniques, mais aussi des visites à domicile des psys et autres éducateurs, parfois dûment équipés de masques, charlottes et autres surchaussures. Seuls deux patients ont continué à venir chaque jour à l'hôpital car ils ont parfois "des crises d'angoisse à la maison qui peuvent se traduire par des gestes dangereux pour eux ou pour leur entourage", explique la psychiatre.
Un roulement instauré
Aujourd'hui, à l'heure du déconfinement, "tous les patients ou leurs familles souhaitent revenir quasiment à temps plein, mais ce n'est pas possible", déplore le Dr Bellahsen, qui "n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre". Pour respecter la distanciation sociale, un roulement a été instauré. Seuls 5 patients sur 25 passent la journée au centre, un jour sur cinq en moyenne. Une précaution d'autant plus nécessaire que beaucoup de ces jeunes sont "très tactiles", et "pour certains c'est extrêmement difficile qu'on ne puisse pas les toucher", explique la psychiatre. D'ici quelques semaines, "s'il n'y pas de deuxième vague épidémique et si les patients arrivent à ne pas se toucher les uns les autres, on pourra peut-être en accueillir davantage simultanément", espère-t-elle.
Très peur de masques
Le port de masques notamment peut être un problème pour certains jeunes autistes, explique la cheffe de service, citant le cas d'une jeune fille "qui ne supporte pas de nous voir avec un masque, ça lui fait très peur". Pour Alain Foujanet, éducateur spécialisé, "la plupart des jeunes n'en peuvent plus d'être confinés chez eux, de ne plus avoir d'activités". "Ils ont besoin de repères, d'un planning. Sans cela, pour eux c'est très compliqué", ajoute ce professionnel, également art-thérapeute, qui organise des ateliers peinture adaptés au déconfinement progressif : certains participants y prennent part physiquement, sur place, et d'autres depuis chez eux, par visioconférence.
Groupe de discussion
Le groupe de discussion consacré à l'actualité, le jeudi, est aussi désormais "mixte", certains le rejoignant par téléphone. Avec leurs mots, parfois déroutants, les participants y prennent des nouvelles les uns des autres, racontent leurs activités en détails, ou commentent l'actualité. Antoine, 26 ans, semble ainsi heureux de pouvoir annoncer à ses camarades que, à en croire le Premier ministre, les Français pourront partir en vacances cet été. Et répète volontiers que "le confinement, je n'en pouvais plus". Pour sa mère, Cécile, "heureusement qu'il y avait des rendez-vous téléphoniques réguliers, et des réunions avec les professionnels, qui font un boulot formidable". Elle confie avoir trouvé "un peu compliqué au début" de devoir cohabiter sept jours sur sept avec son fils, car "ça faisait des années que je n'en avais plus l'habitude". A partir du 11 mai, date du déconfinement, "bien sûr j'aurais préféré qu'il puisse retourner cinq jours sur sept" à l'hôpital de jour, "mais je m'attendais à très peu, voire rien du tout, donc je ne suis pas déçue", ajoute-t-elle.
Antoine, de son côté, se réjouissait de sa première journée à Santos Dumont après le confinement, mais en est revenu "un peu triste", car il n'y a retrouvé qu'un petit nombre de ses camarades, explique sa mère. Pierre, 17 ans, semble avoir trouvé un début d'explication à cette situation désagréable : "C'est la faute des scientifiques chinois de l'école de Wuhan, ils n'aiment pas les bisous", croit-il savoir.