Les enfants handicapés relevant de la protection de l'enfance sont « doublement vulnérables » et exposés à des dénis de leurs droits, souligne le Défenseur des droits dans un rapport annuel 2015 publié le 20 novembre consacré aux enfants handicapés (rapport complet de 130 pages en lien ci-dessous). Ce sujet est « peu connu et peu étudié », alors que 70 000 enfants seraient concernés, constate ce rapport intitulé « des droits pour des enfants invisibles », publié à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant. Ce chiffre, qui ne concerne que ceux dont le handicap est reconnu par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), représente près de 20% des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE). Comme tous les enfants relevant de la protection de l'enfance, ils peuvent être placés ou suivis tout en restant dans leur famille. Leurs handicaps sont principalement psychiques et mentaux, et certains ont des troubles importants du comportement.
Bénéficier d'une double attention
Ces enfants sont « doublement vulnérables », du fait de leur handicap et des défaillances de leur milieu familial, et devraient donc « bénéficier d'une double attention et d'une double protection », souligne le rapport du Défenseur des droits Jacques Toubon, et de son adjointe Geneviève Avenard, Défenseure des enfants. Mais ils vont « paradoxalement, parce qu'ils se trouvent à l'intersection de politiques publiques distinctes, être les victimes de l'incapacité à dépasser les cloisonnements institutionnels, de l'empilement des dispositifs et de la multiplicité des acteurs ». Leurs parcours sont morcelés, concernant l'accueil - la semaine en instituts, le week-end et les vacances scolaires dans des familles d'accueil et foyers qui ne peuvent apporter un accompagnement adapté à un enfant handicapé - ainsi que le soin et la scolarisation.
Contraints de rester à domicile
Soulignant le nombre d'enfants handicapés contraints de rester à domicile par manque de structures spécialisées, le rapport estime que « pour nombre de situations, l'entrée dans le dispositif de protection de l'enfance peut apparaître motivée par les carences institutionnelles » : certaines familles sont signalées car elles ont du mal à faire face, ou se tournent d'elles-mêmes vers la justice dans l'espoir d'obtenir de l'aide. Les signalements, ou « informations préoccupantes », au sujet d'enfants supposés en danger, peuvent aussi être motivés par « une représentation biaisée du handicap, et de la déstabilisation de la famille liée à ce handicap », soulignent les auteurs.
Un chapitre dédié aux enfants autistes
Un chapitre est consacré aux enfants atteints d'autisme et autres troubles envahissants du développement (TED). Selon les associations, ce domaine « illustrerait avec beaucoup d'acuité les possibles dérives d'un système de protection de l'enfance qui ne tiendrait pas suffisamment compte des spécificités du handicap ».
« Par manque de connaissance des symptômes et des conséquences de l'autisme sur le comportement des enfants comme sur les conditions de vie des familles, de nombreuses situations feraient l'objet d'informations préoccupantes, suivies ou non de mesures de protection de l'enfance ». Le défenseur des droits a ainsi été saisi du cas d'un nourrisson placé en famille d'accueil pendant six ans, avant qu'un autisme sévère soit reconnu. Une autre famille avait cherché de l'aide auprès d'un hôpital de jour car leur enfant autiste refusait de se laver depuis plusieurs jours. Les médecins ont diagnostiqué une « dépression liée à une relation fusionnelle à la mère » et ont fait un signalement aux services de protection de l'enfance.
12 propositions
Parmi 12 propositions, le rapport préconise une meilleure formation des professionnels (travailleurs sociaux, juges, enseignants…) sur le handicap et notamment les troubles autistiques. Ses autres préconisations visent notamment à faire évoluer les pratiques professionnelles (meilleure coordination des acteurs) et à remédier aux insuffisances en matière de soutien à la parentalité.
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