Décès de leur enfant annoncé sur répondeur : maladresse?

Les parents de Dahlan reprochent à l'IEM où il était accueilli d'avoir annoncé son décès via un message vocal, parlant de "maltraitance". Une "terrible maladresse" qui ne doit pas entacher l'investissement des équipes, répond l'asso gestionnaire.

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C'est par un message téléphonique laissé sur leur répondeur qu'ils ont appris le décès de Dahlan. C'était le 31 juillet 2022, au sein de l'internat de l'Institut d'éducation motrice (IEM) d'Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales). Atteint d'une maladie génétique rare, il avait 16 ans. Thierry Gaillard, son beau-père et aidant familial, qui « s'est toujours investi comme un père pour son fils », tient-il à préciser, et Paola, sa maman, étaient dans un avion ; ils ont pris connaissance de cette terrible nouvelle en touchant terre.

Un manque d'empathie

Le couple, le « cœur lourd », entend dénoncer les conditions de cette annonce et le « manque d'empathie et d'humanité » qui a suivi. En 2021, certaines familles avaient dénoncé l'arrêt de l'accueil séquentiel, une prise en charge régulière pour offrir du répit aux proches et socialiser les enfants au sein de cet IEM. Des discussions avec sa direction et l'ARS, après l'intervention du cabinet de la ministre en charge du handicap, avaient finalement permis de réactiver ce dispositif fin janvier 2022 (lire : Des enfants d'IEM privés d'accueil séquentiel ?). La relation entre familles et direction en avait-elle été impactée ?

« Qui peut faire cela ? »

Nonobstant, « Apprendre le décès de notre fils par simple message sur notre répondeur, sans autre égard ni considération, au lieu de nous demander de rappeler en urgence l'institut, qui peut faire cela ? », s'indignent les parents de Dahlan. Interrogé par le media Actu Perpignan, le directeur de l'IEM fait savoir qu'il a tenté « de joindre les membres de la famille durant toute la journée. Personne ne répondait. » Contactée par handicap.fr, Sylvie Bonetto, directrice de l'Ussap, association qui gère cet établissement, explique que les parents étaient partis pour un séjour sans avertir les équipes. Le père biologique de Dahlan a, de son côté, pu être informé mais, après de nombreuses tentatives vaines auprès de sa maman, le directeur a fini par laisser un message, « en désespoir de cause ». Si elle consent qu'il y a là « une maladresse qu'on ne peut que partager pour un message de cette nature », elle appelle à « contextualiser la situation » et témoigne d'un « investissement soutenu de l'équipe auprès de Dahlan, depuis son arrivée dans cet IEM en 2010 », ce que confirment d'ailleurs les parents dans plusieurs articles.

Ces derniers ajoutent que, « malgré la soudaineté de ce drame, aucun médecin de l'IEM n'a daigné (les) contacter ». Ils ont dû « aller à la pêche aux infos » pour trouver le médecin qui avait constaté le décès, jugeant cette attente « inappropriée ». Face au mutisme de l'établissement, le couple réclame une autopsie, que le parquet ordonne dans les meilleurs délais après une enquête de gendarmerie. Elle conclut à une « mort naturelle », possiblement en lien avec la maladie de Dahlan, ne permettant donc pas de la relier à un défaut de prise en charge.

Des procédures longues mais respectées ?

Le couple exige néanmoins la liste des médicaments administrés par l'institut mais, selon eux, la réponse est freinée par la direction, malgré la requête de la gendarme et l'intervention d'une avocate, les « laissant un peu plus dans l'incertitude et le désarroi ». « Pourtant, la loi est très claire, les patients, les usagers (et les parents d'un mineur) doivent avoir accès à leur demande à leur dossier médical, comme tout directeur d'établissement médico-social doit le savoir ! », s'indignent les parents qui n'ont reçu ce document que 72 heures plus tard. Même si elle consent qu'il est « difficile de demander à un parent de justifier de leurs droits », Sylvie Bonetto assure avoir respecté la procédure qui interdit, pour des raisons de sécurité et de confidentialité, la transmission d'un dossier médical par mail et impose un courrier en recommandé, « qui ne peut être d'ailleurs transmis qu'aux parents et pas à un avocat sans mandat ». « Le père biologique aurait pu alors nous reprocher tout manquement à cette règle », ajoute-t-elle. Une explication jugée « peu convaincante » par le couple. Ils affirment par ailleurs que la direction réclamait « avec insistance » quand ils comptaient récupérer les affaires de leur fils… pour « libérer la chambre ».

Pas d'accompagnement psycho

Le couple déplore également qu'« aucune cellule psychologique n'ait été mise en place ». On lui a néanmoins proposé de se joindre à un groupe de paroles avec le psychologue de l'établissement... et le directeur ! « Un vrai non-sens », selon eux. Le psychologue a ensuite attendu trois semaines pour leur donner les coordonnées de confrères « neutres » alors que ces parents réclamaient une aide urgente pour « traverser ce moment extrêmement douloureux ». « Nous avions besoin d'être accompagnés par l'institution car c'est aussi son rôle dans de telles situations », ajoutant que « dans (leur) malheur, le personnel très proche de (leur) fils au quotidien a été dans la bienveillance ». Sylvie Bonetto assure de son côté avoir proposé à la maman de Dahlan de la rencontrer à deux reprises, et reste en attente d'une proposition de date. « Mais seulement six mois après le décès et l'alerte auprès de l'ARS », précise la famille, qui se demande « à quoi bon pourrait servir cette rencontre maintenant ».
 
Le directeur de l'IEM explique à nos confrères d'Actu Perpignan avoir « du mal à comprendre ces accusations », assurant « avoir agi avec professionnalisme » et « été à l'écoute de la famille ». Quant à la présidence et la direction de l'Ussap, elles font bloc pour « assurer le directeur et les équipes de l'IEM, qui accueille une soixantaine d'enfants avec un investissement permanent, de leur complet soutien ».

L'ARS saisie du dossier

Dans ce contexte, le couple a demandé à l'ARS Occitanie de se saisir de ce « dossier ». Cette dernière a répondu le 3 février que ce « témoignage faisait l'objet d'une instruction par ses services » et sollicité l'établissement pour avoir des explications sur les « griefs évoqués ». Ses explications seront examinées de façon collégiale par la commission des réclamations médico-sociales qui doit avoir lieu seulement en juin 2023.

Il aura fallu plusieurs mois à ces parents endeuillés et « traumatisés » pour « poser ces mots », des mots forts, allant jusqu'à parler de « maltraitance ». L'objectif de ce témoignage, notamment sur les réseaux sociaux ? « Dire aux familles qui subissent des faits aussi inadmissibles qu'elles ne sont pas les seules ». Cette situation interroge plus globalement sur les conditions de l'annonce et le suivi des parents confrontés au décès de leur enfant. Les directions des établissements y sont-elles suffisamment formées et préparées ?

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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