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Déconjugalisation de l'AAH : quels seraient les perdants?

La déconjugalisation de l'AAH est en bonne voie mais cette mesure qui fait aujourd'hui consensus pourrait faire pas moins de 44 000 couples perdants. Qui sont-ils ? Et comment leur permettre de ne pas perdre au change ?

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Illustration article  Déconjugalisation de l'AAH : quels seraient les perdants?

DERNIERE MINUTE DU 17 AOUT 2022
La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a enfin été publiée au Journal officiel le mercredi 17 août. Dans son article 10, elle confirme que « toute personne qui bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés à la date d'entrée en vigueur (ndlr : fixée pour le moment au plus tard le 1er octobre 2023) peut continuer d'en bénéficier (…) dans leur rédaction antérieure à la présente loi jusqu'à l'expiration de ses droits à l'allocation, lorsque ces modalités lui sont plus favorables ».

DERNIERE MINUTE DU 28 JUILLET 2022
Et de deux ! Après l'Assemblée, le Sénat a voté le 28 juillet 2022 la déconjugalisation de l'AAH, sans aucune modification, ce qui va permettre, enfin, l'adoption définitive de cette mesure historique qui doit entrer en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023 (article en lien ci-dessous). Le Sénat acte également une augmentation de 4 % des pensions de retraite et d'invalidité et de plusieurs allocations (familiales, minima sociaux, dont l'AAH) avec effet rétroactif au 1er juillet 2022. L'AAH à taux plein passe ainsi à 956 euros par mois.  

DERNIERE MINUTE DU 21 JUILLET 2022
428 voix pour et 1 contre. Un débat de trois heures. Ça y est, la déconjugalisation de l'AAH (allocation adulte handicapé), revendication portée par les associations depuis des années, a été votée par l'Assemblée nationale dans la nuit du 20 au 21 juillet 2022 avec une rare unanimité (article en lien ci-dessous). Pour pallier la perte éventuelle pour 45 000 couples, un "dispositif transitoire" a été adopté. Mais c'est la date de son entrée en vigueur, au plus tard le 1er octobre 2023 qui fait débat. "Une réunion de travail technique" sera organisée, a promis Olivier Dussopt, ministre du Travail. "Si nous pouvons aller plus loin, nous le ferons".

Les députés ont également voté la revalorisation de 4 % des pensions de retraite et d'invalidité et des prestations sociales, dont l'AAH, à compter du 1er juillet 2022.

ARTICLE INITIAL DU 19 JUILLET 2022
La déconjugalisation de l'AAH (Allocation adulte handicapé) est sur les rails puisque la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé, lors de son discours de politique générale le 6 juillet 2022 devant les députés, se ranger à l'avis des partis d'opposition qui la réclament depuis des mois déjà. Pour autant, le processus risque de prendre un peu de temps... Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance (partis de la majorité) à l'Assemblée, a avancé, le 18 juillet 2022 sur une radio, la date du 1er octobre 2023 alors que certains l'espéraient dès le 1er janvier 2023 (article en lien ci-dessous). Pour quelle raison ? Parce que cette déconjugalisation dite « sèche » pourrait faire de nombreux perdants. Selon les estimations de la DREES, elle profiterait à la grande majorité des ménages. En effet, 196 000 d'entre eux sortiraient gagnants de la réforme, qui représenterait pour eux un gain moyen de 300 euros mensuels. Néanmoins, environ 44 000 couples seraient perdants et 21 % d'entre eux pourraient même ne plus bénéficier de l'allocation.

Alors comment cette mesure historique attendue de tous, qui permettrait de réduire la dépendance financière au conjoint, peut-elle s'avérer une mauvaise option pour certains ? En gros, ce risque concerne les allocataires AAH qui travaillent et dont le conjoint n'a peu ou pas de ressources. Mais, dans le détail, des explications s'imposent.

Un exemple concret de perdant

Kevin Polisano, auteur du blog « L'AAH pour les Nuls » a fait de cette allocation sa spécialité, chiffres à l'appui. En 2021, il passait au crible les arguments de Sophie Cluzel, à l'époque secrétaire d'Etat au handicap. Une analyse minutieuse en 15 points ; le 13e concernait justement ces « perdants ». Prenons un exemple concret…

Sophie, bénéficiaire de l'AAH, célibataire, travaille à temps partiel et perçoit 616 euros de salaire net par mois ; après différents calculs et abattements, il est complété par une AAH différentielle de 736 euros. Sophie dispose donc de 1 352 euros par mois.

Imaginons maintenant que Sophie vit en couple, avec un conjoint qui ne perçoit aucun revenu (ainsi l'assiette du conjoint ne vient pas affecter le montant de l'AAH versée). Dans ce cas de figure, la conjugalisation reste plus intéressante car l'assiette du bénéficiaire n'est plus déduite du plafond seul (= AAH à taux plein) mais du « plafond couple » significativement rehaussé, à savoir un coefficient de 1,81. Ainsi, dans notre exemple (1,81 x 920 - 736 = 929 euros d'allocation différentielle potentielle, pour ne pas dépasser le montant à taux plein), Sophie percevra 920 euros. Par conséquent, dans cette situation, elle conserve l'intégralité de son AAH, plus ses 616 euros de salaire, soit 1 536 euros par mois. Evidemment, plus son salaire augmente, plus le montant de l'AAH diminue, et inversement.

Un système complexe ou pas ?

Cet exemple n'en est qu'un parmi d'autres. La déconjugalisation peut aussi avoir un impact négatif lorsque les deux allocataires perçoivent l'AAH et que l'un d'eux travaille. Les cas de figure, multiples, méritent donc une analyse détaillée. Il faut aussi tenir compte du fait que le conjoint ayant un revenu nul ou presque est peut-être dans une situation transitoire et, s'il est amené à retrouver une activité, la déconjugalisation devient alors plus avantageuse. Aurore Bergé a fait valoir qu'il était nécessaire de « regarder les situations personnelles, individu par individu, famille par famille », permettant de justifier le temps nécessaire pour étudier cette mesure.

Un régime transitoire ?

Cette problématique ayant déjà été identifiée dans le rapport du sénateur Philippe Mouiller, lors des débats de 2021, le Sénat avait proposé un amendement qui visait à créer, pour ces couples, un régime transitoire durant dix ans leur permettant de choisir la formule la plus avantageuse et, donc, le cas échéant, le maintien de la « conjugalisation ». « Pourquoi transitoire ?, interroge aujourd'hui Kevin Polisano qui espère que les « amendements déposés à l'Assemblée seront plus satisfaisants sur le plan de la cohérence globale ». Selon lui, une « voie est parfaitement envisageable, où tout le monde serait gagnant ».


Pas le choix pour les nouveaux entrants ?

« Le gouvernement a bien l'intention d'instituer un dispositif transitoire permettant à un allocataire de l'AAH, qui serait susceptible de voir le montant de son allocation diminuer, de conserver le montant de cette allocation jusqu'à l'expiration des droits acquis », a en effet assuré Olivier Dussopt, ministre du Travail. L'amendement n°1111 (en lien ci-dessous), déposé le 15 juillet, stipule en effet que « toute personne qui bénéficie de l'AAH à la date d'entrée en vigueur » du texte (ndlr : a priori le 1er octobre 2023) peut continuer à bénéficier des modalités antérieures « jusqu'à expiration de ses droits à l'allocation, lorsque ces modalités sont plus favorables ». Il faut donc comprendre que les personnes en couple qui obtiendront un droit à l'AAH après le 1er octobre ne pourront pas avoir le choix et seront soumis, de facto, au principe de déconjugalisation, même si cette option leur est moins favorable. Un décret en Conseil d'État doit fixer les modalités d'application de cet article.


« A plus long terme, notre groupe (ndlr : Renaissance, celui de la majorité) a aussi la volonté de travailler sur des mécanismes qui permettraient de ne pas désinciter à l'emploi des personnes handicapées », concluent également les rapporteurs de ce texte.

Expiration des droits, ça veut dire quoi ?

Reste un « détail » qui mérite des éclaircissements, selon certains, notamment APF France handicap, c'est la notion « d'expiration des droits ». Si, pour ceux qui se voient attribuer des droits à vie, il n'y a pas de problème, Carole Saleres, conseillère ressources de l'association, fait valoir qu'il n'y a pas de renouvellement automatique de l'AAH pour ceux qui sont entre 50% et 79% d'incapacité et, à l'issue de la durée d'attribution, un dossier doit être redéposé par l'allocataire. Elle interroge : « Lors de la fin de la période de droits attribués pour ceux soumis à une période délimitée, basculeront-ils sur le nouveau régime lors de l'étude du renouvellement de leurs droits ? ».  La question a donc été posée par Handicap.fr au ministère délégué aux Personnes handicapées. Voici sa réponse : « La question de l'expiration des droits a bien été identifiée par les parlementaires. La déconjugalisation sèche a des conséquences multiples et durables. Les administrations étudient les dispositifs à déployer pour qu'il n'y ait aucun perdant, en particulier chez les plus précaires. C'est un travail complexe qui commence, d'où la nécessité d'avoir un délai préalable à sa mise en place. Nous devons travailler sur la cohérence des ressources attribuées aux personnes handicapées et nous poursuivrons ce travail avec les associations. » Affaire à suivre...

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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