« Faiblesse de l'âme, paresse, laisser aller », liés à des facteurs de stress exclusifs (problèmes professionnels, financiers, conjugaux)… De nombreux clichés circulent sur la dépression. Alors les injonctions de l'entourage ressemblent souvent à cela : « Fais preuve d'un peu de volonté, remue-toi ».
1 personne sur 5 touchée
Le 27 octobre 2020, c'est la Journée européenne dédiée à ce trouble psychique, le plus fréquent en France puisqu'on estime qu'il touchera près d'une personne sur cinq au cours de sa vie, à tous les âges, y compris dans l'enfance. Selon une enquête de Santé Publique France, en 2017, environ 8 % de la population active occupée a eu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois. Une différence importante est constatée selon le sexe, les femmes étaient deux fois plus concernées que les hommes (11 % contre 5 %) ; leurs conditions socio-économiques plus désavantagées constituent l'un des principaux facteurs de risque. Chez les plus jeunes, la prévalence des troubles dépressifs est estimée entre 2,1 à 3,4 % chez l'enfant et à 14 % chez l'adolescent. La dépression multiplie par dix le risque de suicide par rapport à la population générale. Les chiffres sont sans appel : en France, elle provoque 9 000 morts par an, un mort toutes les heures, une tentative de suicide toutes les trois minutes. C'est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans. C'est aussi une pathologie incapacitante, qui impacte fortement la vie personnelle, professionnelle et sociale.
Une prise en charge appropriée
La crise sanitaire actuelle et les contraintes sur nos vies (confinement, distanciation, fragilisations économiques et sociales) peuvent favoriser un sentiment d'angoisse qui ne fait qu'accentuer ce risque (article en lien ci-dessous). Certains symptômes apparaissent : anxiété, troubles du sommeil, tristesse, apathie… « L'indifférence à ce contexte serait anormale. Ces réactions sont propices à une authentique souffrance psychique qui, chez nombre de nos compatriotes, peut déclencher des états dépressifs », explique le ministère de la Santé. Souhaitant battre en brèche les préjugés et soutenir dans le contexte actuel ceux qui sont fragilisés, il lance un message, affirmant que « la dépression n'est pas un mal-être passager qu'il faut cacher mais une véritable maladie pour laquelle chacun peut accéder à une prise en charge appropriée, en surmontant les discriminations (…), le sentiment de honte ou la culpabilité ». « La dépression se prévient, se traite et s'accompagne, via des traitements efficaces, médicamenteux et psychologiques. Il ne faut donc pas avoir peur d'en parler et d'aller consulter », poursuit le ministère. Selon une étude de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) de 2017, le bénéfice résultant du traitement de la dépression et de l'anxiété, si l'on considère l'amélioration de la santé et de la capacité de travail, est quatre fois supérieur à la dépense investie.
Quelles mesures ?
Le gouvernement se dit « attentif à cette souffrance et mobilisé » à travers sa feuille de route « santé mentale et psychiatrie ». Elle prévoit, notamment, le dispositif VigilanS qui vise à recontacter des personnes ayant fait une tentative de suicide. Déployé pour le moment dans treize régions avant d'être étendu à toute la France avant la fin 2021, il a permis de contacter 11 000 patients depuis début 2020.
Dans le cadre du récent Ségur de la santé (article en lien ci-dessous), une autre mesure est dédiée au soutien psychologique des Français. Elle prévoit la mise en place du Numéro national suicide, la multiplication des plateformes d'écoute et d'orientation, ainsi que le renforcement de l'intervention de psychologues, dès la fin 2020 dans les Cellules d'urgence médico-psychologique (CUMPS) et dès 2021 dans les Centres médico-psychologiques (CMP) et les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). L'intégration dans ces dernières préfigure le lancement d'un dispositif de première ligne « médecin généraliste-psychologue » qui doit permettre le repérage et la prise en charge psychologique remboursés par l'Assurance maladie. Enfin, les troubles de l'humeur constituent également un axe de recherche majeur.
Ces engagements pour sauver cette spécialité médicale en naufrage, considérée comme le parent pauvre du système de soins français, sera-t-il suffisamment ambitieux ? La nomination, en avril 2019, d'un délégué ministériel, en la personne du Pr Frank Bellivier, et le train de mesures annoncées n'a pas suffi à calmer la colère des professionnels du secteur, plus alarmistes encore en ces temps de Covid.