En France, chaque mois, une femme met fin à ses jours dans la période allant du début de sa grossesse à l'année qui suit la naissance de son enfant. Si la maternité est une période heureuse pour beaucoup, elle peut aussi révéler des fragilités psychiques. Ces femmes sont victimes de « dépression périnatale » (c'est-à-dire avant et après l'accouchement), qui touche 12 % d'entre elles, soit plus de 100 000 chaque année. Pour faire face à cet « enjeu majeur et pourtant méconnu de santé publique », la fondation FondaMental soutient le développement d'une application du nom de LENA, qualifiée de « révolution », qu'elle dévoile le 27 octobre 2021 à l'occasion de la Journée européenne de la dépression. Objectif ? Mieux identifier et prendre en charge les femmes concernées par la « complication la plus fréquente de la grossesse ».
Dépression périnatale, c'est quoi ?
Au-delà de la menace de suicide, la dépression périnatale peut entraîner un risque de prématurité et des troubles du développement de l'enfant, une altération sévère de la qualité de vie de la mère ainsi que de sa relation avec son bébé, son conjoint et la fratrie. Troubles du sommeil, anxiété, inquiétude, difficultés à demander de l'aide et à récupérer... Concrètement, ces mamans n'arrivent plus à être disponibles et à s'occuper de leur bébé. Elles tombent alors dans une spirale qui mêle épuisement physique et psychique et culpabilité, avec de graves répercussions sur l'ensemble de la cellule familiale. A ne pas confondre avec le « baby blues » qui peut survenir dans les jours qui suivent l'accouchement. En cas de dépression, la période la plus critique se situe autour du troisième ou quatrième mois du nourrisson. « Elle pourrait être simple à traiter, assure FondaMental. Mais les tabous et la stigmatisation qui y sont encore attachés rendent difficile sa prise en charge. » La Fondation déplore le manque de formation des professionnels de santé, la prise en charge morcelée entre services obstétricaux et psychiatriques, la stigmatisation de ces troubles...
Le projet LENA
C'est là qu'intervient LENA. Ce projet innovant vise à mettre à disposition des femmes concernées aussi bien que des professionnels de santé une application mobile de prévention et de suivi qui doit permettre, grâce à ce lien étroit, « une prise en charge personnalisée de la maladie ». Lancé en 2020, il est en cours de développement. A ce jour, les premières étapes ont été franchies : les besoins des futurs utilisateurs (mères, sage-femmes, gynécologues-obstétriciens, pédiatres et professionnels de santé mentale) ont été recueillis, et les représentations, connaissances et attitudes des soignants et des patients vis-à-vis de la dépression périnatale sont en cours d'évaluation dans onze pays européens. « Reste à présent à développer l'application mobile pour un parcours intégratif et coordonné dans la dépression périnatale et à la tester auprès des utilisateurs afin d'évaluer son efficacité sur la santé des mères et de leurs enfants », conclut FondaMental.
Un repérage systématique dès 2022
Lors des Assises de la psychiatrie qui ont eu lieu fin septembre 2021 (article en lien ci-dessous), le secrétaire d'Etat à l'Enfance, Adrien Taquet, parmi trente mesures annoncées, a promis l'instauration d'un repérage systématique de la dépression post-partum dès début 2022. Un entretien systématique aura lieu à la 5esemaine après la naissance du bébé, avec des professionnels de santé formés à ce sujet. Si la mère est estimée à risque face à la dépression, un deuxième entretien interviendra à la 12e semaine. En cas de confirmation des symptômes, elle sera mise en relation avec un psychologue ou un psychiatre.
Un pôle dédié dans la Drôme
De son côté, le Dr Mottet, psychiatre, a créé une Unité de psychiatrie périnatale (UPP), La Cerisaie, dans la Drôme (article en lien ci-dessous). Les mamans peuvent notamment prendre part à des groupes de parole ou thérapeutiques orientés vers la rencontre de bébé, la psychomotricité, le deuil périnatal et l'art-thérapie. Des ateliers sont également réservés aux papas. En parallèle, depuis une vingtaine d'années, ce pôle mène un partenariat avec les maternités du secteur qui tentent de repérer, durant la grossesse, des femmes présentant des vulnérabilités afin de les inclure dans un parcours de soin.