10 %. C'est le pourcentage de pères susceptibles de développer un épisode dépressif au cours de l'année de naissance de leur enfant (contre 17 % des mères). Plus communément appelé « dépression du post-partum », ce trouble psychique, à distinguer du « baby blues » passager, n'affecte pas seulement les femmes. Ses symptômes (tristesse, fatigue, abattement, culpabilité…) peuvent persister dans le temps s'ils ne sont pas traités. Le congé paternité pourrait être l'une des clés pour prévenir ce trouble, d'après une étude menée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de Sorbonne Université, dont les conclusions ont été publiées le 3 janvier 2023 dans la revue scientifique The Lancet public health.
En France, un congé doublé
En France, depuis le 1er juillet 2021, la durée du « congé paternité et d'accueil de l'enfant », créé en 2002, a été doublée, passant de 14 à 28 jours (25 + 3 jours financés par l'employeur). Cette mesure avait été encouragée en 2019 par le Parlement européen notamment pour favoriser le partage égal des tâches parentales et domestiques entre les mères et les pères. De précédentes études avaient « déjà montré que, chez les nouveaux parents, le fait de se sentir soutenu socialement et de se déclarer globalement satisfait de sa relation de couple était associé à une réduction des risques de dépression post-partum », explique Maria Melchior, directrice de recherche à l'Inserm.
Le congé bénéfique à la santé mentale des pères
Pour « consolider les données existantes », l'équipe dirigée par Maria Melchior « a cherché à observer l'impact de la prise d'un congé paternité de deux semaines sur les risques chez les deux parents de développer une dépression deux mois après la naissance de leur enfant ». Les scientifiques se sont basés sur les données de l'Étude longitudinale française depuis l'enfance (Elfe), une cohorte nationale française de 18 300 enfants nés en France métropolitaine en 2011, de la naissance jusqu'à vingt ans. 13 000 mères et près de 10 000 pères participant à cette étude ont été l'objet d'une attention particulière. Résultat, 4,5 % des pères ayant pris un congé paternité et 4,8 % de ceux ayant l'intention de l'utiliser présentaient une dépression post-partum, contre 5,7 % pour les autres. A l'inverse, si la prise ou le projet de congé paternité sont associés chez les pères à une diminution du risque de dépression post-partum, chez les mères, la prise du congé paternité par le conjoint ne semble pas avoir d'effet bénéfique significatif. En effet, 16,1 % des mères dont le partenaire a utilisé le congé paternité présentaient une dépression post-partum, contre 15,3 % de celles dont le partenaire ne l'avait pas pris.
Dépression des mères : un dommage collatéral ?
« Cette association négative chez les mères pourrait être due à la répartition inégale du temps alloué à la garde des enfants et/ou à un biais de sélection* », analysent les chercheurs. Autre argument : le fait que la durée de deux semaines de congé « n'est pas suffisante pour prévenir la dépression post-partum des mères ». A ce titre, les effets du congé paternité rallongé devraient bientôt se faire ressentir. De nouvelles recherches, depuis les nouvelles mesures sur le congé paternité adoptées en 2021, devraient bientôt voir le jour, prévient l'Inserm. « Nos résultats soulignent cependant l'importance que peuvent avoir les politiques familiales ciblées sur les pères en matière de santé mentale des parents car elles peuvent faire progresser l'égalité des sexes sur le marché du travail et accroître la participation des pères à la sphère familiale », poursuit Maria Melchior.
*Une distorsion entre l'échantillon analysé et le groupe représentatif des populations censées être étudiées.
© Photo Omar Lopez / Unsplash (fourni dans le CP)