« Après obtention de 20 dérogations, une prime exceptionnelle de 3% proportionnelle à l'économie réalisée par le prestataire sera accordée au titulaire du marché, avec un maximum de 9 000€ ». C'est en ces termes que la commune de Villeneuve-Lès-Avignon, dans le Gard, interpelle les bureaux d'étude qui doivent plancher sur la mise en œuvre de son Ad'AP (Agenda d'accessibilité programmée) qui vise à rendre les ERP (Etablissements recevant du public) accessibles aux personnes handicapées. Le titre de l'appel d'offre est sans équivoque : « Dépôt de demandes de dérogation - ADAP » ! 14 de ses bâtiments sur les 33 programmés seraient concernés, au motif que certains sont des monuments historiques ou classés.
Pas illégal mais vicieux
En d'autres termes, cette municipalité recherche des prestataires capables de gérer un dossier d'accessibilité avec une nette propension à privilégier l'option dérogations. « Le taux de succès pour la demande de dérogation réside dans la capacité du concepteur à démontrer qu'il n'y a pas d'autre alternative que de recourir à une dérogation ». On parle bien de « succès » ! Cette « affaire », en date du 21 juin 2016, a été révélée par la délégation APF 30 (Association des paralysés de France). Certes, il n'y a rien d'illégal puisque les dérogations seront, in fine, décidées par une commission dédiée (ou pas !) mais le parti-pris de cette commune est, selon Sylvain Bosc, représentant accessibilité au sein de la délégation gardoise, « très maladroit, voire vicieux. »
Des solutions intermédiaires
En effet, poursuit-il, « plutôt que de chercher à mettre en place une véritable politique d'accessibilité (...), on découvre une seule volonté : obtenir un maximum de dérogations lors du passage des dossiers à la commission départementale d'accessibilité, placée sous la responsabilité du Préfet. A tel point qu'une prime est même subordonnée à cette condition ! Le cahier des charges est édifiant mais tellement explicite. Plutôt que d'investir dans l'accessibilité, on rémunère celui qui aide à s'en affranchir ! » L'APF a donc demandé à la mairie de Villeneuve-Lès-Avignon « le retrait de cet appel d'offre cynique qui aboutit à la négation pure et simple des objectifs visés par la loi du 11 Février 2005 ». Et de rappeler que des solutions intermédiaires existent lorsque des travaux d'envergure sont trop contraignants ou coûteux.
La mairie aux abonnés absents
Malgré plusieurs relances téléphoniques auprès du cabinet du maire depuis une quinzaine de jours, Sylvain n'a obtenu aucune réponse. « Nous sommes surpris car nous sommes plutôt partisans du dialogue ! » Cette « perle » émane du siège de l'APF qui a trouvé la démarche suffisamment singulière pour l'adresser à sa délégation locale avec un immense point d'exclamation. Un cas unique ?