Macron VS Le Pen au 2e tour de la Présidentielle. Match retour lors du grand débat le 20 avril 2022 à 21h sur plusieurs chaînes. Les Français ont déjà connu cette configuration en 2017, qui inquiète ceux qui redoutent de voir l'extrême droite arriver au pouvoir. Alors, depuis le 10 avril, certaines associations et organisations font fi de toute neutralité en alertant les électeurs sur les conséquences d'une victoire de Marine Le Pen. C'est notamment le cas dans le champ du handicap... Ceux qui s'expriment invitent à voir au-delà des apparences et, en dépit de la campagne de « dédiabolisation » du Rassemblement national, pointent des mesures qui continuent de porter la marque de l'extrême droite. Dans un tweet, le Collectif handicaps déplore « l'absence de vision handicap des deux finalistes » ; mais il ne peut cautionner l'un des projets, « à l'encontre de ses valeurs (...) qui se construit sur des principes d'exclusion ». Le 21 avril, une tribune rendue publique, signée par de nombreuses personnalités du champ du handicap, a pour credo : L'extrême-droite, danger pour un égal accès de tous aux droits universels ».
« Aucune voix à l'extrême droite »
Parce que « la société inclusive, laïque, plus juste et solidaire, ne peut se construire en divisant et excluant », l'APAJH souhaite de son côté « qu'aucune voix ne soit donnée à l'extrême-droite », encourageant les électeurs à « exprimer (leur) attachement à ce qui nous rassemble en tant que société ». Même argument pour APF France handicap qui appelle à un « choix clair », « contre une politique qui stigmatise et divise ». Elle déplore que « la banalisation de la vision politique du Rassemblement national, la défiance grandissante envers la classe politique, les chocs successifs qui ont éprouvé la société française » aient « ouvert une brèche inquiétante dans le front républicain ». Pascale Ribes, sa présidente, encourage à ne pas « rester silencieux face à ce risque », au motif que « le projet de société que porte APF France handicap et ses valeurs sont menacés » face à une candidate qui fonde notamment sa politique sur un « principe de préférence nationale », « oppose les populations les unes aux autres » et aura pour effet de « mettre à mal le vivre ensemble ». Le 16 avril, l'association appelait à des rassemblements populaires dans toute la France, avec pour credo « Pas de Marine Le Pen à l'Elysée ».
Traités internationaux non respectés
Selon APF, ce sont aussi les traités internationaux qui garantissent les libertés et droits fondamentaux qui pourraient « être remis en question ». Marine Le Pen promet en effet d'ouvrir plus de places en institutions alors que la CIDPH (Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées) de l'Onu encourage vivement à la désinstitutionalisation. Menace partagée par Trisomie 21 France qui tente de sensibiliser les électeurs en situation de handicap mental qui, pour certains sous tutelle, voteront pour la première fois librement à une élection présidentielle. Pour ce faire, la fédération fait le choix de publier son communiqué en Facile à lire et à comprendre (FALC) : « Marine Le Pen ne respecte pas la CIDPH ; elle dit que les enfants avec une déficience intellectuelle ne peuvent pas tous aller à l'école ordinaire » et « préfère qu'ils soient dans des établissements spécialisés ». Il ajoute qu'elle « refuse aussi d'aider les personnes avec un handicap qui arrivent en France », puisque la candidate indique vouloir réserver les prestations sociales aux nationaux.
La solidarité menacée ?
D'autres organisations dans le champ de la solidarité se sont exprimées : la Fondation Abbé Pierre assure que l'accession au pouvoir de Marine Le Pen aura « des conséquences très concrètes sur le quotidien de tous les Français, peut-être même dramatiques pour une partie d'entre eux ». A son tour, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) appelle les personnes accompagnées, les travailleurs sociaux, les bénévoles à une « mobilisation générale ». Quant à l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), qui se définit pourtant comme « organisation non partisane », elle estime que ses « valeurs sont mises en danger par le programme de la candidate d'extrême droite », citant la « préférence nationale, l'accès à certains services publics ou au logement social » contraire à « l'inconditionnalité de l'accueil des plus démunis sur notre territoire ». Elle appelle à la « conscience du danger pour la démocratie et des conséquences irréversibles que représenterait l'accession de l'extrême-droite au pouvoir ». Rappelons néanmoins que Marine Le Pen (avec Anne Hidalgo), était la seule à se déplacer en personne lors de Handébat qui, le 23 mars 2022, réunissait les principaux candidats ou leur représentant au sein de la Maison de la Radio (article en lien ci-dessous).
Pas de caution à Macron pour autant
Il ne s'agit pas pour autant, à travers ces prises de position catégoriques, de donner un blanc-seing à Emmanuel Macron. APF assure que son « appel ne constitue en aucun cas un soutien à la politique menée par le président sortant » dont elle trouve le « programme handicap très réduit ». L'Uniopss se dit « critique vis-à-vis du bilan social du président de la République ». L'APAJH assure « demeurer une vigie lors du prochain quinquennat ». Le Collectif handicaps attendait un « programme handicap plus ambitieux de la part d'Emmanuel Macron pour aller au-delà des trois mesures annoncées dont on ne peut se contenter ». Arnaud de Broca, son président, juge que « les copies des deux candidats sont à revoir », affirmant que « cela ne laisse rien présager de bon pour les cinq prochaines années ». Toutes les associations appellent notamment le président sortant à revoir sa copie en faveur de la déconjugalisation de l'AAH (Allocation adulte handicapé), puisqu'il est le seul candidat à encore s'y opposer.
Du nouveau pour l'AAH ?
Peut-être ont-elles été entendues puisqu'Emmanuel Macron se disait, le 15 avril 2022, prêt à « bouger » sur cette question, jugeant ce « couperet absurde ». Il s'exprimait pour la première fois à contre-courant de l'action de la majorité durant cinq ans. Il n'a pas pour autant annoncé de mesure concrète mais, après de telles déclarations, tous l'attendent au tournant (article en lien ci-dessous). « Peut-être cela nous évitera-t-il lors du débat d'entre deux tours, une indignation malsaine de part et d'autre, faisant du handicap, comme en 2007 et 2017, le sujet qui fait basculer une élection, sans que les choses derrière n'aient réellement bougées. J'aimerais que l'on s'occupe réellement du handicap et que ce ne soit plus juste un sujet à revendiquer comme une carte maîtresse pour l'emporter sur les autres », conclut Anthony Martins-Misse, co-organisateur de Handébat.