Difficultés avec l'administration? Faites appel au médiateur

Parmi les 1 852 médiations menées au sein des juridictions administratives, 54 % ont abouti à un accord. Quel est le rôle du médiateur administratif ? Où le trouver ? Focus sur cet intermédiaire particulièrement utile en cas de handicap.

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Des difficultés avec Pôle emploi, votre Caisse d'allocations familiales (Caf) ou encore votre Maison départementale des personnes (MDPH) ? Les médiateurs administratifs sont là pour vous aider. Il n'en existe pas un mais une multitude, dans la plupart des services publics. Parmi eux, le Défenseur des droits qui vise « l'égalité de tous dans l'accès aux droits ». Une utopie pour bon nombre de familles concernées par le handicap, qui demeure le premier motif de discrimination pour la quatrième année consécutive (article en lien ci-dessous) ? En effet, le développement de l'administration numérique, la complexité de certaines règles de droit ou encore la multiplicité des procédures administratives occasionnent parfois des différends, qui peuvent se régler autrement que par une décision de justice. Depuis 2017, 4 327 médiations volontaires ont ainsi été réalisées, dont la moitié a permis d'aboutir à un accord. Cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a autorisé la mise en œuvre du médiateur administratif, Amaury Lenoir, délégué national à la médiation pour les juridictions administratives, revient en détail sur les missions de cet intermédiaire méconnu et pourtant particulièrement utile, notamment pour les personnes en situation de handicap. L'enjeu majeur étant de désengorger les tribunaux.


Handicap.fr : Quel est le rôle du médiateur administratif ?
Amaury Lenoir : L'article L213-3 du code de justice administrative définit la médiation comme « tout processus structuré (...) par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ». On parle de médiation administrative lorsque l'une des parties au moins est un service public ou une administration. Le médiateur permet ainsi aux « parties » de nouer un dialogue dans un cadre moins formel qu'une salle d'audience, avec un objectif commun de recherche d'un compromis acceptable pour les deux parties.

H.fr : Quelle différence avec le conciliateur de justice ?
AL : La conciliation et la médiation sont deux modes amiables de résolution des conflits, différents... mais pas si éloignés que ça dans l'esprit. Les deux font intervenir un tiers indépendant, neutre et impartial. La principale différence tient au fait que le conciliateur cherche et propose une solution, du moins rend un avis ou une recommandation, alors que le médiateur agit comme un facilitateur de communication pour aider les parties à penser et co-construire par elles-mêmes la solution.

Par ailleurs, il n'y a pas de conciliateur de justice dans le champ des litiges administratifs. Ces missions de conciliation peuvent parfois être assurées par un conciliateur « administratif » dédié, comme par exemple les conciliateurs des Maisons départementales de personnes handicapées, ou, de manière plus transversale, par un délégué du Défenseur des droits.

H.fr : En quoi ce dispositif représente-t-il une alternative particulièrement intéressante pour les personnes handicapées qui rencontrent souvent des difficultés dans la gestion des démarches administratives ?
AL : La médiation offre une véritable opportunité pour les acteurs concernés de créer ou renouer du lien social, de résoudre voire de prévenir un litige. Elle offre un cadre structuré et dynamique qui permet à chacun de s'exprimer dans l'espoir que cela permette aux acteurs de s'entendre, au sens plein et complet.

La médiation engagée en amont de la saisine du juge administratif permet bien souvent au réclamant (usager, allocataire, agent...) d'obtenir des informations, des précisions et de faire valoir utilement certains aspects ou certaines spécificités de sa demande, ce qui ne serait pas possible dans le cadre d'une simple lecture administrative de son dossier. La médiation permet d'introduire des notions d'équité dans le respect de la légalité. C'est une véritable opportunité à saisir, d'autant plus si le médiateur est facilement accessible.

Si d'aventure l'affaire a été portée devant le juge administratif, une médiation reste possible. Le juge en appréciera l'opportunité et pourra proposer aux parties l'organisation d'une mission de médiation qu'il confiera alors au médiateur dont le profil répond au mieux aux attentes et exigences de l'affaire.

H.fr : Dans quelles circonstances précises peuvent-elles solliciter le médiateur ?
AL : Lorsqu'elles souhaitent contester une décision de l'administration qui leur est personnellement défavorable (usagers ou agents). Voici quelques exemples :
- Refus d'accorder à un contractuel un congé non rémunéré pour élever un enfant de moins de 8 ans, pour donner des soins à un enfant à charge, à son époux, à son partenaire de Pacs, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou porteur d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne ;
- Refus (total ou partiel) d'une demande d'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de son complément ;
- Refus (total ou partiel) d'une demande d'accompagnement dans les actes de la vie quotidienne ou dans l'accès aux activités d'apprentissage (Accompagnant d'élèves en situation de handicap, par exemple) ;
- Refus de délivrance d'une carte mobilité inclusion (CMI – priorité / stationnement / invalidité) ;
- Décision administrative individuelle défavorable concernant l'accès ou le maintien en emploi d'un agent en situation de handicap ;
- Décision administrative individuelle défavorable concernant la conservation des équipements contribuant à l'adaptation du poste de travail d'un agent en situation de handicap ;
- Décision administrative individuelle défavorable concernant l'aménagement des conditions de travail en vue du reclassement d'un fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions.

H.fr : Quels sont les différents types de médiateur ?
AL : La médiation, jeune profession, n'est pas, pour l'heure, une profession réglementée répondant à des exigences clairement établies ou soumise à un ordre dédié. Idem pour les formations à la médiation, chaque jour plus nombreuses, qui ne sont pas obligatoirement certifiées ou homologuées.

Il existe donc aujourd'hui un « maquis de la médiation », dans lequel nous pouvons distinguer plusieurs « grandes familles » : le Défenseur des droits (notamment pour les situations relevant de la lutte contre les discriminations), les médiateurs institutionnels ou territoriaux (médiateur régional de Pôle emploi, médiateur administratif des Caf, médiateur de la ville de Paris, etc.), les médiateurs associatifs membres de centres ou associations de médiateurs (Association nationale des médiateurs, Fédération française des centres de médiation, Chambre nationale des praticiens de la médiation, etc.), les médiateurs libéraux (notamment parmi les avocats, notaires, experts).

H.fr : Comment se passe une médiation, concrètement ?
AL : La durée varie en fonction de la situation, des enjeux, des spécificités de l'affaire et de la disponibilité des uns et des autres. Par exemple, généralement, les missions de médiation ordonnées par le juge administratif sont réalisées sur une durée de trois mois, renouvelable. La médiation se déroule dans les locaux professionnels du médiateur ou tout autre lieu convenu avec les différentes parties. Au regard des contraintes liées au contexte sanitaire actuel, les échanges peuvent également se faire en visioconférence.

H.fr : Cette aide est-elle payante ?
AL : En général, oui et cela tient à la rémunération du médiateur, qui fixe généralement son montant avec les parties lors de leur première réunion. Ces frais sont la plupart du temps partagés à parts égales entre les parties, sauf convention contraire entre elles. A noter qu'en cas d'aide juridictionnelle, les frais peuvent être pris en charge par l'Etat jusqu'à un certain montant. A contrario, le médiateur institutionnel ou territorial, tout comme le Défenseur des droits, interviennent gratuitement.

H.fr : Où trouver un médiateur ?
AL : Plusieurs possibilités : directement auprès de l'administration concernée (médiateur institutionnel, territorial...), du tribunal administratif, du Défenseur des droits ou encore des centres et associations de médiation (en particulier ceux référencés par la Fédération française des centres de médiation). Il existe également des listes officielles de médiateurs établies par les cours d'appel mais elles ne concernent que ceux étant compétents pour les litiges civils et commerciaux et non administratifs.

H.fr : Quel est l'enjeu de la médiation préalable obligatoire (MPO) ?
AL : L'obligation de tenter une médiation, avant le dépôt d'un recours en justice, a été expérimentée, entre 2018 et 2021, pour un certain nombre de litiges (fonction publique, contentieux sociaux, logements) sur une partie du territoire. Cette expérimentation a permis de mener à terme 4 364 MPO dont 76 % ont abouti à un accord avant la phase contentieuse. L'efficacité du dispositif est particulièrement probante pour les litiges liés à Pôle emploi, avec 98 % d'accords sur 2 644 médiations terminées. A la suite des recommandations formulées par le Conseil d'Etat, la MPO a été pérennisée depuis la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et son décret d'application du 25 mars 2022 (n°2022-433). L'enjeu majeur est d'accélérer et de consolider le développement de la médiation dans ces domaines en consacrant un véritable « espace-temps » dédié à la médiation après la phase de réclamation et avant toute éventuelle saisine contentieuse.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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