Le 8 avril 2021, le verdict est tombé pour Amélie. Pas en sa faveur… Pas en faveur de l'inclusion des élèves handicapés non plus. Le même jour, Emmanuel Macron lance sa grande consultation citoyenne en ligne sur les discriminations. Pas de sujet tabou, promet le gouvernement. Les Français sont invités à contribuer, notamment sur le handicap qui, pour la quatrième année consécutive, reste le premier motif de discrimination avec 21 % des saisines, selon le Défenseur des droits qui a lui-même lancé une plateforme de signalements dédiée en février (articles en lien ci-dessous). Dans ce combat, toutes les planètes semblaient donc alignées. Et pourtant…
Rappel des faits
En 2016, cette lycéenne atteinte d'une pathologie réduisant fortement sa mobilité demande à l'administration du lycée Molière, à Paris, où elle est élève de Khâgne, un aménagement simple : le transfert de la salle de classe, située au 2ème étage sans ascenseur, au rez-de-chaussée et le passage par une porte permettant d'éviter quelques marches. Refus catégorique. Amélie ne doit son salut qu'à la mobilisation massive de ses camarades, la pression médiatique et le soutien, à l'époque, du ministre de l'Education nationale. L'étudiante décide néanmoins de porter plainte contre son lycée. L'audience s'est tenue à Paris le 4 mars 2021 (article en lien ci-dessous). La discrimination n'ayant pas été retenue, la proviseure est relaxée.
Des propos « consternants »
APF France handicap juge les propos entendus lors de l'audience « consternants », à commencer par ceux de la présidente de tribunal qui « s'interroge sur le bien-fondé de la procédure engagée par Amélie ». Il est également évoqué que sans PAI (projet d'accueil individualisé), il n'était pas possible de déplacer une salle de cours ou encore que cela « allait à l'encontre de l'intérêt général de l'ensemble des élèves ». La direction a également fait part à cette étudiante de sa volonté d'un transfert vers un établissement qui n'était pas adapté à ses choix scolaires mais à son handicap… « On leur paie même des taxis pour y aller », a affirmé la proviseure à la barre. Et cela « au mépris du souhait de l'élève de rester dans ce lycée qui propose un enseignement qu'elle a choisi et dont certaines spécialités ne sont pas dispensées ailleurs », s'indigne l'association.
Lettre ouverte et indignée
Le 12 avril 2021, APF France handicap, qui a soutenu Amélie durant son combat, adresse donc une lettre ouverte au gouvernement, principalement à Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, pour lui demander de réagir « publiquement » à cette décision jugée « inacceptable »... Et qui n'est malheureusement pas isolée puisque, selon elle, régulièrement des élèves et des étudiants ne peuvent poursuivre leur parcours scolaire ou universitaire en raison de locaux inaccessibles ou parce que les directions refusent de procéder à des « aménagements raisonnables ». « Vous ne pouvez pas garder le silence ! », interpelle APF, rappelant à Eric Dupond-Moretti ses « engagements pour le respect des droits fondamentaux à l'égard des personnes en situation de handicap, de la lutte contre toutes les formes de discrimination intentionnelle ou non, de l'école inclusive ».
Le gouvernement sommé d'agir
Elle lui demande que le parquet interjette appel. Ce procès s'étant tenu dans le cadre d'une citation directe, ni Amélie ni l'association, constitués en partie civile, ne peuvent en effet réaliser cet appel eux-mêmes. « Les discriminations à l'égard des personnes en situation de handicap doivent être enfin entendues, reconnues et leurs auteurs condamnés », conclut l'association. Même indignation pour le Collectif handicaps. Ses associations reçoivent au quotidien des témoignages de personnes qui préfèrent abandonner toute procédure en raison des difficultés ou de la lenteur. « Il ne s'agit ni plus ni moins d'un encouragement à discriminer, une impunité claire dans la quasi-totalité des situations », s'indigne le Collectif qui somme le gouvernement « d'agir ». Il dit attendre des ministres « une prise de position claire dans le dossier d'Amélie, pour lequel le parquet doit faire appel ».