DERNIERE MINUTE DU 6 JUIN 2023
« Nous avons partagé 47 disparitions en deux ans, sans compter celles dont nous n'avons pas connaissance. Il est temps que les choses bougent, trop de personnes vulnérables sont perdues », scande le Collectif Secur'autisme. Fin mai 2023, il adresse donc une lettre ouverte à Emmanuel Macron. Objectif ? L'alerter, ainsi que ses ministres, sur le fait qu'une « personne autiste sur la voie publique est particulièrement vulnérable et ne pourra certainement pas trouver des ressources comme manger, se protéger des violences diverses, demander son chemin ». En dehors du « stress intense » vécu par les familles, le Collectif redoute aussi des « décès ».
Il demande donc aux autorités compétentes de prendre en compte la disparition de ce public et de mettre en place des mesures adéquates via un « dispositif sérieux et rapide ». Elle rappelle l'existence du « Pack Sécur'autisme », « simple et gratuit » qui a été téléchargé plus de 3 000 fois, réclamant qu'il soit « reconnu et nationalisé ». Enfin, associations réunies exigent « que les médias traitent de manière égale toutes les disparitions, sans distinction de handicap ou de vulnérabilité ».
ARTICLE INITIAL DU 3 AOUT 2021
29 juillet 2021. Un ado de 15 ans avec autisme est porté disparu dans l'Ariège. Grâce à une très forte mobilisation, il est localisé quelques heures plus tard, sain et sauf. 23 juillet 2021. Nezar, 26 ans, a été vu pour la dernière fois Porte de la Chapelle à Paris. Il réapparait cinq jours après. Mais l'issue n'est pas toujours aussi heureuse. Le 8 juillet, Kelyan, jeune autiste de 22 ans, est retrouvé mort sous une tente utilisée par des consommateurs de crack dans l'Est parisien.
Une pétition en ligne
Cette tragédie a ravivé la mobilisation. Une pétition est alors mise en ligne (en lien ci-dessous), à l'initiative de l'association All inclusive, avec le soutien d'autres consœurs, comme Approche globale autisme, et quelques personnalités. Fin juillet 2021, elle a déjà recueilli près de 15 000 signatures. Elle interpelle Emmanuel Macron et Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, pour une meilleure prise en compte des disparitions et protection des personnes particulièrement vulnérables, qu'elles soient autistes, avec trouble cognitif ou psychique sèvères, adultes ou enfants, dans l'incapacité de se retrouver. Ce sont des fugues, des errances, plus rarement des enlèvements mais qui peuvent avoir des issues fatales. Kelyan n'en est, malheureusement, pas la première victime. « Sept âmes perdues en deux ans », selon All inclusive, qui organisait d'ailleurs une marche blanche en hommage au jeune homme le 18 juillet dernier.
Un GPS généralisé
Si un dispositif « Alerte disparition personne vulnérable » à l'instar des alertes enlèvement pour mineurs est réclamée depuis plusieurs années (article en lien ci-dessous) et si les asso exigent que les disparitions des majeurs vulnérables soient traitées par la police avec la même réactivité que celles des mineurs, c'est aussi le financement d'un GPS spécifique qui pourrait permettre de sécuriser ce public. En 2020, l'association Toupi interrogeait les parents d'enfants autistes à ce sujet (article en lien ci-dessous). Les résultats sont sans appel. 47 % des répondants estiment qu'il y a un risque élevé que leur enfant échappe à leur vigilance lorsqu'il est dehors et 72 % qu'il peut se mettre en danger s'il est seul. Surtout, 47 % disent l'avoir déjà perdu. Et si seulement 10 % utilisent un GPS de géolocalisation, ils sont 79 % à penser qu'un tel outil pourrait être utile.
« Des solutions efficaces et peu coûteuses existent », explique Paula, l'une des signataires de la pétition. « Il n'y a pas d'âge pour se perdre et je suis toujours sur sa trace, donc un moyen pour le repérer serait un soulagement », complète Cherifa, maman d'un enfant autiste de quinze ans. Pour Maryvonne, une grand-mère, « la vigilance étant une priorité, de surcroît avec des enfants non verbaux ou handicapés mentaux, un GPS n'est pas un luxe mais une nécessité ».
Aladin, une balise dédiée
A l'initiative de l'association Louis, Jules et Compagnie, un système a été conçu par une entreprise du Var, Innovmobile, qui couple une balise de géolocalisation et une appli. Son nom ? Aladin. Elaboré depuis deux ans, il est spécialement dédié aux enfants et adultes avec autisme, malades d'Alzheimer ou toute personne qui, passive et sans notion du danger, a du mal à réclamer de l'aide en cas d'errance. Cet outil a la taille d'une pièce de deux euros et pèse seize grammes. Il permet de repérer son porteur à cinq mètres près mais également de définir un périmètre dans lequel il pourra évoluer. S'il en sort, le dispositif se met à biper. Grâce au soutien de nombreux partenaires et associations, Aladin a été présenté en janvier 2021 et devrait être commercialisé « très prochainement ». Si Daoud Tatou, directeur du Silence des justes et parrain d'All inclusive, salue ce système « bien fait et très bien pensé », il souhaite aller encore plus loin, avec le recueil d'informations sur le rythme cardiaque : « Le jeune est-il vivant ou mort, est-il en train de courir ou de marcher, est-il près d'un danger, par exemple un lac, un point d'eau ? ». D'autres modifications doivent être apportées pour qu'il soit adapté à ce public, par exemple une batterie miniature rechargeable « et qui dure longtemps » ou la « possibilité de le porter dans un vêtement pour les jeunes qui ne supportent pas les colliers ou les montres ». Ce qui repousserait la mise sur le marché de la version améliorée à fin 2022, voire 2023… Il ne s'agit évidemment pas de pucer les gens sous la peau.
Freins financier et éthique
Un tel outil se heurte néanmoins à certains obstacles, notamment le coût du matériel et l'abonnement au service, qui, selon les associations, devrait être pris en charge par l'Assurance maladie au motif qu'il s'agit d'un « enjeu de santé publique ». Un autre frein est d'ordre éthique. Se pose en effet la question du respect des libertés, que pointe la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). « Où se situe la limite entre 'surveiller' et 'protéger' ?, questionne Daoud Tatou. C'est un débat de fond qu'il va quand même falloir entamer ». Il réclame la possibilité de « pouvoir déclarer un majeur vulnérable comme un mineur » mais consent que ce n'est pas une « prise de position politique vraiment évidente ».
Une proposition de loi
Est-ce pour cette raison que les négociations avec le gouvernement n'ont « pas avancé » ? Selon Daoud, « la question des personnes vulnérables n'est pas une priorité ». Interrogé au cœur de l'été, le secrétariat d'Etat au Handicap n'a pas été en mesure de nous apporter une réponse sur ce sujet « complexe ». L'intervention de Stéphane Peu, député de la Seine-Saint-Denis et président des questions Autisme à l'Assemblée nationale, est, elle aussi, restée sans réponse. Pour faire bouger les lignes, All inclusive compte déposer une proposition de loi à la rentrée 2021.
Un Collectif sur le front
D'autres associations planchent également sur ce sujet depuis des années. Le Collectif des 16 « Alerte disparition personne handicapée, dépendante et vulnérable » a été à l'initiative dès février 2019 d'une pétition en ce sens qui compte, à ce jour, plus de 29 250 signatures. Un travail a alors commencé autour des dysfonctionnements recensés, et une synthèse de solutions et de mesures de prévention possibles (dont la puce GPS et la montre connectée) a pu être présentée au Gouvernement. Ce Collectif a immédiatement invité tous les acteurs concernés à s'unir autour de ce projet, « l'union faisant la force », précise-t-il. Le C16 dit n'avoir, depuis, « cessé de rallier à lui toutes les personnes et associations volontaires, et de relancer le Gouvernement ». « En vain », selon lui. Il a alors organisé une vente de porte-clés afin de financer ce projet qu'elle préfère garder « discret » pour le moment mais comprenant une puce GPS.