70 % des personnes atteintes de douleurs chroniques ne bénéficient pas d'une prise en charge adaptée, révèle la Haute autorité de santé (HAS). Ces douleurs persistantes ou se reproduisant pendant plus de trois mois altèrent la qualité de vie de plus de 12 millions de Français, impactant, dans un même temps, fortement l'entourage. En effet, elles peuvent avoir des retentissements importants sur le plan physique, psychologique, social, professionnel ou scolaire, et être source de handicap. Pour changer la donne, la HAS* publie un guide qui propose un nouveau parcours de santé permettant d'apporter une réponse « graduée et adaptée ». L'objectif ? Renforcer la prévention, améliorer les délais et favoriser la coordination de l'ensemble des acteurs impliqués.
Délais importants et inégalités territoriales
« Si les trois plans nationaux de lutte contre la douleur (1998 à 2010) ont permis de progresser, la prise en charge de la douleur chronique et la formation des professionnels sont encore à améliorer », estime la HAS. Deux problèmes majeurs : des délais de prise en charge trop importants au regard des critères internationaux et des inégalités territoriales d'accès aux soins spécialisés persistantes, notamment pour les populations les plus vulnérables. « Or, plus la prise en charge est tardive plus la situation est complexe et les possibilités d'amélioration limitées », souligne la HAS dans un communiqué publié le 14 février 2023.
Le médecin traitant, pierre angulaire de la prise en charge
Ce guide propose une organisation des soins centrée sur les besoins du patient afin de réduire le handicap, corollaire de la douleur, et prévenir une désinsertion sociale, professionnelle ou scolaire. Pour être plus précis, la HAS propose une prise en charge graduée en trois niveaux, en réponse à la complexité de chaque situation. Chaque niveau propose des soins en équipe pluri-professionnelle et pluridisciplinaire. Amenés à prendre en charge le plus grand nombre de patients, les professionnels de santé de premier et second recours en ville constituent ainsi le premier niveau de prise en charge de la douleur chronique. « Il est le coordonnateur et responsable de ce parcours et s'appuie sur une équipe de soins primaires qui comporte idéalement un infirmier, un masseur kinésithérapeute, un pharmacien et un psychologue, et mobilise si nécessaire des médecins spécialistes de ville », explique la HAS. Première étape (sauf exception) : réaliser une première évaluation en utilisant la « grille d'évaluation d'un patient douloureux chronique en soins primaires » et « l'auto-questionnaire du patient douloureux chronique en soins primaires ».
Des interfaces pour soutenir les médecins traitants
En cas de difficultés, le médecin traitant peut solliciter le soutien des consultations d'évaluation et de traitement de la douleur de leur territoire via une interface qui s'appuie notamment sur des services de télésanté : hotline dédiée, téléconsultations, télé-expertises, réunions de synthèse pluri-professionnelles et réunions de concertation pluridisciplinaires en visioconférence, outils de partage des données et services de partage et de diffusion des savoirs. « A terme, cette interface doit permettre la prise en charge de plus en plus complexe de patients douloureux chroniques par les médecins en ville et une meilleure coordination avec le deuxième niveau », indique la HAS.
Douleurs rebelles : orientation en service hospitalier...
Pour les personnes souffrant de douleurs chroniques rebelles qui ne répondent pas aux traitements conduits en niveau 1, le médecin fait appel au deuxième niveau de prise en charge. Le patient est alors adressé pour un diagnostic, une évaluation ou une prise en charge spécifique soit vers une consultation d'évaluation de traitement de la douleur chronique, soit vers un service hospitalier de spécialité selon le type de douleur, par exemple en neurologie pour une céphalée ou une douleur neuropathique ou en rhumatologie pour une douleur musculo-squelettique.
... puis vers un centre d'évaluation ou un hôpital
Lorsque les patients présentent des situations trop complexes pour une prise en charge de deuxième niveau, ils peuvent être orientés vers un centre d'évaluation et de traitement de la douleur chronique pour une réunion de concertation pluridisciplinaire, une évaluation complémentaire ou un acte technique spécifique réalisable uniquement en niveau 3, ou une hospitalisation. « Tout au long de son parcours, le patient doit pouvoir monter ou descendre d'un niveau en fonction de l'évolution de sa situation clinique mais aussi psychosociale », rappelle la HAS. Par ailleurs, « quel que soit le niveau de prise en charge, il est essentiel que le médecin traitant continue de suivre ses patients et d'assurer la coordination de ses soins ».
Le soutien par les médecins nécessaire
L'autorité de santé rappelle également que la prise en charge d'une personne avec une douleur chronique doit être élaborée et mise en œuvre avec son accord et sa participation. « Cela peut en effet nécessiter un changement de son mode de vie, un reclassement professionnel ou un engagement dans un nouveau projet de vie », souligne-t-elle. La HAS considère qu'un accompagnement par des professionnels est nécessaire pour maintenir voire renforcer son autonomie, l'aider à gérer elle-même sa maladie et ses traitements et la soutenir dans ces bouleversements. « Le médecin doit savoir s'appuyer sur les aidants et les familles pour les patients fragiles ou dyscommunicants, en particulier les personnes âgées dépendantes et celles en situation de handicap physique, sensoriel, psychique ou intellectuel », conclut-elle.
* en partenariat avec le Collège de médecine générale (CMG) et la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD)