Duoday, c'est quoi ? Un salarié et une personne en situation de handicap forment un duo le temps d'une journée. Tous les Duoday européens ont lieu, pour la première fois cette année, durant la même semaine afin de favoriser une meilleure résonnance du projet. La 3e édition du Duoday France est planifiée le jeudi 26 avril 2018 mais c'est la première fois qu'elle est diffusée à l'échelle nationale (article complet et site de l'évènement en lien ci-dessous).
Handicap.fr : Pourquoi avoir accepté cette proposition ?
Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix-Rouge française : Pour plusieurs raisons mais, la plus simple, c'est que c'est une cause qui me touche et à laquelle je suis attentif. Alors j'ai dit oui tout de suite car je veux vraiment participer au changement de regard que l'on porte sur les personnes en situation de handicap. Cette rencontre entre deux personnes qui découvrent ensemble les compétences et le monde de l'entreprise, de l'établissement, du service, en posant un regard différent, c'est l'occasion de valoriser son métier pour le salarié et de découvrir de nouvelles perspectives pour la personne en situation de handicap et de faire valoir ses compétences.
H.fr : En tant que directeur général, votre engagement était indispensable ?
JCC : Oui et c'est la deuxième raison. J'ai une responsabilité en matière d'exemplarité. J'avais envie de montrer qu'une personne handicapée peut aussi faire mon métier.
H.fr : Qui est la personne qui doit vous accompagner ?
JCC : Il s'appelle Martin Lochmann. Il a 30 ans, est actuellement agent polyvalent. Martin a une dyslexie sévère et une dysphasie.
H.fr : L'avez-vous déjà rencontré ?
JCC : Non, je ne le connais pas. Nous devons nous appeler pour préparer cette journée.
H.fr : Quel programme est prévu le 26 avril ?
JCC : Une journée tout à fait ordinaire, composée de rendez-vous, avec des proches collaborateurs, en interne, en externe.
H.fr : Vous allez également faire une petite visite dans un ministère...
JCC : Oui, en effet, je serai reçu, dans l'après-midi, par Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture. Martin m'accompagnera, bien évidemment.
H.fr : Vous n'êtes pas le seul à vous engager au sein de la Croix-Rouge française...
JCC : Non, bien sûr. Plus de 100 duos vont être constitués. Au siège, une formation aux premiers secours adaptée, nommée « Autrement capable », leur sera, notamment, proposée.
H.fr : Comment avez-vous sollicité les participants en situation de handicap ?
JCC : La Croix-Rouge française gère une centaine d'établissements médico-sociaux, tous handicaps confondus. Nous avons pu les mobiliser. Nous avons également fait appel à notre réseau de partenaires associatifs, à des ESAT de proximité... Ce fut aussi l'occasion d'aller à la rencontre d'autres acteurs avec lesquels nous n'avions pas eu encore l'occasion d'échanger.
H.fr : Avez-vous eu suffisamment de volontaires ?
JCC : Oui, ils étaient nombreux, très enthousiastes, même si certains manifestent une certaine appréhension. Mais l'objectif de ce Duoday c'est justement de leur donner confiance en eux et de leur permettre de comprendre qu'ils sont capables d'exercer n'importe quel métier, même si certains auront besoin de la présence d'accompagnants. L'objectif de cette initiative c'est de faire tomber les tabous dans la tête du grand public, des employeurs mais également des personnes handicapées elles-mêmes. Nous avons prévu d'organiser un retour d'expériences à l'issue de cet évènement pour avoir le ressenti de celles qui se sont engagées.
H.fr : L'engouement a été identique du côté des accueillants ?
JCC : Ah, çà, oui ! Il y avait même trop de postulants. Ce Duoday est un excellent outil de sensibilisation. J'ai même été très étonné par ce niveau d'appétence mais il est vrai que, depuis plusieurs années, la Croix-Rouge française mène de nombreuses actions au niveau national sur la promotion de la diversité. Il y a eu un gros travail d'acculturation et de transversalité de la part de nos équipes. Cet enthousiasme montre que les choses ont évolué positivement.
H.fr : Certains reprochent à cette action de n'aller que dans un sens et de ne pas permettre à des personnes valides d'aller à la rencontre de travailleurs handicapés sur leur lieu de travail...
JCC : Il est vrai que j'étais assez méfiant sur l'approche un peu paternaliste, voire condescendante, de cette action mais j'ai été rassuré sur la façon dont elle allait être menée. De notre côté, nous avons mis en place un programme de pair-émulation du nom de Handeway, et des salariés en situation de handicap qui accueillent des collègues valides c'est donc quelque chose que nous faisons déjà dans le cadre de modules de sensibilisation de nos équipes. Ils invitent nos professionnels (administrateurs, techniciens au siège, comptables...) qui ne sont pas d'ordinaire en contact avec les personnes en situation de handicap à aller à leur rencontre au sein de leurs établissements. Cela permet à chacun de vivre pleinement son engagement ; c'est vraiment la raison d'être de notre organisation.
H.fr : Une journée sur 365, c'est tout de même assez réducteur ?
JCC : C'est une petite musique que l'on installe dans la tête de chacun, et je crois que ça va être un moment fort où des liens vont pouvoir se créer. Il y aura peut-être des personnes en situation de handicap qui auront envie de changer de parcours après cette expérience. Je suis optimiste même si j'ai bien conscience que ce n'est pas en une journée que tout va changer. Mais cela participe au mouvement et je suis certain qu'il y aura de belles histoires à raconter et à accompagner...