Après l'ordonnance n°2014-1090 sur les Ad'ap (Agenda d'accessibilité programmée), voici l'amendement AS 1488 qui suscite à son tour la polémique. Cet amendement additionnel à l'article 21 (lien ci-dessous) est en effet venu se glisser dans le projet de loi Santé qui est débattu à l'Assemblée par les députés à partir du 30 mars 2015. Selon un collectif d'associations mené par Handi'Gnez-Vous !, Parents en Colère et Handicap et Scolarité, outre le fait qu'il a été introduit sans aucune concertation avec les associations concernées, il est jugé « dangereux pour le quotidien des personnes handicapées et leur choix de vie ».
Que prévoit cet amendement ?
Le rapport Piveteau « Zéro sans solution » remis en juin 2014 a formulé des propositions pour assurer une réponse accompagnée aux personnes handicapées et à leurs proches, tout au long de leur parcours de vie et sans rupture, notamment par le biais d'un dispositif permanent d'orientation, en effet prévu dans cet amendement. Comme il le précise, « ce dispositif repose sur la création, sur décision de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), d'un groupe opérationnel de synthèse chargé de mettre en œuvre la réponse à la situation de la personne handicapée sur la base d'un plan d'accompagnement global défini à partir des besoins de la personne handicapée et des ressources mobilisables ». Et c'est là que certains commencent à tiquer, d'autant que ce plan pourrait être révisé lorsque « l'évolution du parcours de vie de la personne handicapée ou l'état des ressources mobilisables le justifie ».
Question de ressources ?
« Ressources mobilisables » ? Comment l'interpréter ? Pour le collectif, la situation est claire : cet amendement AS 1488 donnerait la possibilité aux professionnels (gestionnaires d'établissements et services notamment sanitaires, sociaux, médico-sociaux et éducatifs) réunis dans ce « groupe de synthèse » de se substituer aux personnes handicapées pour demander une orientation (ou une réorientation), non pas par rapport à leurs besoins réels de compensation, d'accompagnement mais selon les moyens disponibles. Le fait que ce texte précise que la décision « doit avoir reçu l'accord de la personne handicapée ou de ses parents » ne semble pas calmer la fronde.
Et les situations critiques ?
Par ailleurs, selon le collectif, ces « groupes opérationnels de synthèse ne sont en réalité que le nouveau nom donné au groupe 'situations critiques', créé fin 2013 (article en lien ci-dessous) afin de résoudre les situations les plus complexes pour les personnes handicapées sans solution ». Qui se sont, selon lui, « révélés incapables de remplir leur mission ». Et de poursuivre : « Il est donc illusoire de croire qu'en changeant simplement de nom », ils parviennent à trouver des « solutions en adéquation avec l'offre et la demande ». Le collectif redoute que cet amendement, s'il était voté, légitime les « orientations forcées de l'école vers les institutions médico-sociales ou vers des structures non-adaptées aux besoins de compensation et d'accompagnement ». D'autant que l'amendemant prévoit que « ce groupe opérationnel de synthèse sollicite, dès que nécessaire, une révision de la décision de la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) », celle-ci étant « revue en tout état de cause à minima une fois par an ». Et de se demander si cela est bien raisonnable lorsqu'on connait le retard accumulé par les MDPH ? Selon le collectif, « il ne s'agit pas d'un nouvel organe pour traiter des dossiers sans solutions mais bien d'un nouvel organe d'orientation permanent qui pourrait être saisi à la demande de la MDPH, pour n'importe quel dossier, par n'importe qui, n'importe quand, pour orienter n'importe où. »
Une pétition en ligne
L'Unapei monte elle aussi au créneau. Christel Prado, sa présidente, s'insurge et redoute les « exils en Belgique et la fin des orientations pour lesquelles les pouvoirs publics refusent de mobiliser les moyens nécessaires ». Dans l'urgence, l'Unapei propose aux parlementaires un amendement qui limite la portée de l'article 21 bis en demandant qu'il ne soit réservé qu'aux situations pour lesquelles il existe une difficulté de mise en œuvre de la décision d'orientation.
Cet amendement sera examiné le 31 mars 2015 en commission puis du 1er au 14 avril en séance plénière. Dans l'urgence, le collectif a donc décidé de se mobiliser, par le biais d'une pétition en ligne, pour alerter les députés du Gers et du Lot-et-Garonne. Deux départements pas choisis par hasard puisque certains des « lanceurs d'alerte » sur cet amendement sont des anciens salariés de l'IME Moussaron (à Condom) qui avait défrayé la chronique fin 2013 en révélant les mauvais traitements infligés aux résidents. Ils défendent donc, à travers cette mobilisation, des solutions pérennes, adaptées et de qualité.