Ecoles adaptées pour élèves sans-solution : un espoir ?

Faute de solutions, des parents d'enfant handicapé créent leur propre école mais elles restent hors contrat, un statut précaire. Un nouvel amendement pourrait leur permettre de faire leurs preuves à titre expérimental. Le point avec Olivia Marchal*.

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* Présidente de la Fneca (Fédération nationale des écoles adaptées)

Handicap.fr : Vous êtes présidente de la Fneca qui regroupe aujourd'hui plus d'une dizaine d'écoles adaptées dans toute la France. Mais elles sont fragilisées par le fait qu'elles restent hors contrat…
Olivia Marchal : Oui, elles risquent de mourir parce qu'elles n'arrivent pas à passer sous contrat au bout de 5 ans, contrairement à ce que prévoit la loi. Je pense notamment à celle de Saint-Nazaire, qui a maintenant 6 années d'existence et vient d'essuyer un refus net.

H.fr : Pour quel motif ?
OM : Parce que la loi dit que pour avoir un contrat il faut suivre le programme ou être un IME (Institut médico-éducatif). Mais, le programme, c'est un peu compliqué avec des enfants autistes ou avec déficience intellectuelle. Je le dis souvent : « Je ne vais pas enseigner le théorème de Thalès à des jeunes trisomiques ». Il faut arrêter l'hypocrisie... Il n'y a que l'école Tournesol de Paris qui est passée sous contrat en France.

H.fr : Et la dizaine recensée à ce jour ne reçoit pas la réponse espérée ?
OM : Non. Elles ont vu défiler les différents ministres de l'Education nationale, et reçoivent toujours les mêmes réponses. Cette alternative ne doit pas exister. Quand on sait que seulement 20% des élèves autistes sont scolarisés dans notre pays, l'adaptabilité des programmes est une demande urgente de toutes les familles connaissant cette difficulté.

H.fr : Un nouvel amendement voté par l'Assemblée pourrait permettre de passer par une phase transitoire (article en lien ci-dessous).
OM : Oui, car celui pour élargir la loi aux écoles adaptées n'a pas pu être déposé. L'autre option, c'était de s'appuyer sur l'article 8 de la loi « Ecole de la confiance » engagée par Jean-Michel Blanquer, qui leur permettrait de rentrer dans un dispositif expérimental. La députée Cécile Rhilac (LREM), qui nous soutient, a dû mener une âpre bataille. Grâce à sa collègue Sylvie Charrière (LREM), c'est finalement passé, contre l'avis du gouvernement.

H.fr : Et maintenant ?
OM : Ce texte doit être soumis au Sénat, et rien n'est gagné. ... C'est tout de même un premier pas et un grand espoir pour toutes les familles de nos établissements qui rêvent d'avoir une reconnaissance expérimentale durant cinq ans, si le texte est adopté définitivement.
 
H.fr : Ces écoles sont créées à l'initiative de parents ?
OM : Oui, bien sûr en majorité, faute de solution pour leur enfant. Les ruptures de parcours classiques sont les sorties de primaire et de collège. Il n'y a alors pas pléthore de solutions : soit l'IME mais qui n'a souvent pas de place et n'accepte pas toujours les enfants avec des profils autistiques, soit l'école ordinaire qui n'est pas adaptée pour tous, soit sa propre école, soit la Belgique, mais il faut en avoir envie.

H.fr : Combien d'élèves comptent-elles en moyenne ?
OM : Ça dépend. A la Chrysalide, à Saint-Nazaire, il y a 8 élèves plutôt dans le spectre de l'autisme mais on en compte 50 à Annecy avec une liste d'attente de plus de 30 jeunes. A Tournesol, il y a 30 élèves par an et toujours une liste d'attente.

H.fr : Dans les écoles adaptées, c'est du plein temps ?
OM : Chez moi, à Tournesol, oui, et dans la plupart des autres écoles. Alors que dans les IME et au sein de l'école ordinaire, c'est souvent du temps très partiel, surtout au collège.

H.fr : Le fait de passer sous contrat amène quel type d'avantages ?
OM : C'est énorme ! Bien sûr, cela permet le financement d'un enseignant alors que, dans nos EA, ce sont les parents qui payent. Mais c'est presque accessoire ; ce qu'il faut regarder, ce sont les droits que ce statut procure aux familles, et notamment en matière de transport. Dans les écoles hors contrat, leur prise en charge est impossible, notamment pour les taxis. Et c'est le malheur de la Chrysalide ; dans ce département, ils ont référencé 1 900 « sans solution » mais, en l'absence de transport, seuls 8 d'entre eux peuvent accéder à cette école. Ce sont les parents qui doivent faire les allers-retours, parfois de Nantes, et, ce, chaque jour. Une autre école avait ouvert dans les environs d'Aix-en-Provence, qui n'a pas perduré parce qu'elle était inaccessible.

H.fr : Un autre avantage ?
OM : Oui, le droit de pouvoir mettre en œuvre des PPS (projets personnalisés de scolarisation) et la présence d'un enseignant référent qui fait le lien avec la MDPH. Pour les écoles hors contrat, pas d'évaluation et d'analyse des besoins spécifiques. Les familles sont à nouveau mises hors du système, c'est une politique d'exclusion difficilement tolérable pour les parents....

H.fr : Combien coûte la scolarité dans une école adaptée ?
OM : Environ 7 000 euros par an et par élève, à la charge des parents. Il faut savoir qu'un collégien en coûte environ 8 000 au contribuable, un jeune en IME environ 60 000 à la Sécurité sociale ou 30 000 s'il est envoyé en Belgique. Il ne s'agit donc pas d'un problème financier mais d'une volonté politique.

H.fr : Comment expliquer cette réticence de l'administration ?
OM : L'argument, c'est : « Hors contrat = hors système ». Il y a un amalgame avec certaines écoles religieuses qui souhaitent se mettre en marge de l'Education nationale, avec leurs propres méthodes. Il est normal que l'école de la République ne cautionne pas ce genre d'établissement. Mais ce n'est pas du tout notre cas -par définition, les écoles de la Fneca sont laïques et associatives sans but lucratif-, c'est juste que nos parents n'ont pas le choix.

H.fr : Elles peuvent parfois être un tremplin vers l'école ordinaire ?
OM : Oui, bien sûr. Près de 50% des jeunes réintègrent le système ordinaire et poursuivent des études après un passage dans nos écoles adaptées. Il s'agit de faire alliance avec les pouvoirs publics pour pallier une carence de solutions pour des jeunes déscolarisés, de fait, à cause de leur handicap cognitif ou mental. La Fneca souhaite se baser sur une charte qualité construite et validée avec l'Education nationale pour un enseignement adapté qui reste dans un dispositif de droit commun. Il s'agit d'introduire de la souplesse dans un système normatif pour des enfants extra-ordinaires qui n'ont pas trouvé leur place. C'est cet argument que la députée Rhilac a utilisé face aux députés. Alors, oui, on ne propose que des programmes « adaptés » mais ce n'est que du bon sens !

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