* Affections de longue durée
Imaginez devoir renoncer à un soin faute de pouvoir le financer. C'est la réalité de nombreuses personnes handicapées, frappées de plein fouet par les coupes budgétaires dans le secteur de la santé. Ces décisions s'inscrivent dans une stratégie gouvernementale de réduction des dépenses publiques. Face au déficit annuel de la Sécurité sociale qui devrait atteindre 22,1 milliards d'euros en 2025, selon la Cour des comptes, l'exécutif entend réaliser plus d'1,56 milliards d'économies sur l'Assurance maladie cette année et 3,9 milliards la suivante, en transférant une partie du coût vers les complémentaires santé et les assurés. Mais cette logique budgétaire, pensée pour « responsabiliser les patients », pèse surtout sur les plus vulnérables.
Les associations dénoncent les contradictions du gouvernement
« Avant l'été, le gouvernement avait annoncé prendre à bras le corps le sujet des difficultés d'accès à la santé pour les personnes en situation de handicap. Priorité de courte durée : les annonces et remous politiques des dernières semaines ne vont qu'aggraver la situation déjà accablante des personnes malades, handicapées et/ou précaires », insiste le Collectif handicaps, qui regroupe 53 associations. Il dénonce les « contradictions, passages en force et manœuvres du gouvernement » avant le vote de confiance du 8 septembre.
Assurance maladie : des remboursements revus à la baisse
Première conséquence : en 2025, l'Assurance maladie prévoit de raboter ses remboursements. Pour les consultations, la prise en charge passera de 70 % à environ 65 %, et pour les médicaments, les taux baisseront de 5 points (pour atteindre 60 %, 25 % ou 10 %, selon le type). Ces ajustements, inscrits dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025, entreront en vigueur au fil de l'année, une fois les décrets d'application publiés.
Ce qui semble modeste sur le papier devient concret dans le porte-monnaie : les mutuelles héritent du reste à charge, et leurs cotisations risquent de bondir. Or, 12 % des personnes bénéficiant de l'Allocation adulte handicapé (AAH) n'ont pas de complémentaire santé, selon APF France handicap. Résultats : l'accès aux soins se dégrade et les besoins spécifiques des personnes handicapées (soins spécialisés, appareillages, suivis réguliers) deviennent de plus en plus difficiles à couvrir.
Franchises doublées, ALD menacées...
Une autre mesure frappe de plein fouet les assurés : le doublement des franchises médicales. Déjà multipliées par deux au printemps 2024, elles pèsent désormais lourd dans le quotidien. Cela signifie concrètement qu'un médicament ou une consultation demande un reste à charge accru, cumulable à chaque acte. Pour les personnes qui nécessitent des soins fréquents, cela devient un obstacle permanent.
Certaines réflexions visent également à redéfinir le périmètre des Affections de longue durée (ALD), ce qui mettrait en péril la couverture à 100 % pour des pathologies chroniques. « Pire encore : le Premier Ministre entend faire passer certaines de ces mesures par voie règlementaire avant le vote de confiance, sans vrai débat et contre l'avis du conseil de la CNAM (Caisse nationale de l'Assurance maladie) », s'insurge le Collectif handicaps.
Une population déjà fragile financièrement
En l'absence de véritables concertations, il demande au gouvernement de ne pas publier les décrets visant à doubler les franchises médicales (Franchises médicales : vers un coût doublé pour les patients). Les personnes en situation de handicap sont déjà prises en charge tardivement ou renoncent aux soins « par crainte de restes à charges trop élevés », rappelle-t-elle. Fragilisées financièrement (plus d'un quart vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % des personnes « valides »), elles creusent l'écart d'accès à la santé avec la population « valide ».
Manque d'accessibilité, de formation : d'autres freins
Ces freins ne se limitent pas aux aspects financiers : elles concernent aussi l'accessibilité des lieux, la formation des professionnels, la coordination des soins. Le Collectif alerte : sans prévention ni dépistage précoce, beaucoup de patients passent à côté de soins essentiels.
Mission « santé & handicap » : espoir ou simple « alibi » ?
En mai 2025, le gouvernement lançait une mission dédiée à améliorer l'accès aux soins pour les personnes handicapées. Une lueur d'espoir ? Le Collectif redoute surtout que cela reste un prétexte dilatoire : « Ce rapport sera-t-il un énième lot de préconisations utiles mais jetées aux oubliettes ? Encore une fois, l'instabilité politique fait perdre du temps, alors que les besoins sont criants. » Et de conclure : « Améliorer l'accès à la santé, donc les conditions de vie des personnes handicapées, nécessite une vision à long terme : investir dans notre système de santé et de protection sociale, c'est investir pour une société en meilleure santé et plus autonome demain. »
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