Un enfant transi de froid, mangeant son sandwich, debout, seul... Depuis une semaine, cette photo fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Cet enfant, c'est Olivier, 10 ans, autiste de haut-niveau. En moins d'un an, il s'est fait exclure trois fois de la cantine de l'école où il est scolarisé en dispositif Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) après avoir fait une « crise entre les temps scolaire et périscolaire, au moment de la sonnerie ». Très vite, le témoignage vidéo poignant de sa mère, Cécile, réalisé par Handicap.fr avec la participation de Chams-Ddine Belkhayat, président de Bleu network, atteint plusieurs millions de vues avant d'être relayé dans les médias. Ce père d'un jeune garçon autiste revient sur ce « cri du cœur » qui révèle « les failles d'une société inadaptée aux personnes en situation de handicap ».
Handicap.fr : Que s'est-il passé depuis la publication de cette vidéo réalisée par Handicap.fr ?
Chams-Ddine Belkhayat : Nous avons continué à médiatiser la situation d'Olivier et à la diffuser sur les réseaux sociaux afin de sensibiliser au maximum et d'interpeller les pouvoirs publics. Mon post initial sur LinkedIn a dépassé plusieurs millions de vues et a énormément été repartagé, ce qui nous a permis de témoigner dans plusieurs médias. C'est ensuite arrivé aux oreilles de la mairie de Lyon qui nous a contactés le 1er décembre pour organiser une réunion le 5 afin de « discuter de la situation d'Olivier ». Entre-temps, la mairie avait appelé Cécile en proposant de lui ouvrir une salle pour déjeuner. Nous avons décliné cette fausse solution et avons été très fermes, nous n'étions pas là pour trouver un compromis ou une solution temporaire mais une solution définitive.
H.fr : Que réclamez-vous ?
CDB : La seule et unique solution qui vaille, à savoir respecter les droits d'Olivier de façon pérenne et ainsi lui permettre de retourner à la cantine avec l'AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap) auquel il a droit puisqu'il a reçu une notification de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). C'est non négociable !
H.fr : Comment la mairie de Lyon explique-t-elle cette situation ?
CDB : Le maire met notamment en cause la responsabilité de l'Etat et le manque de moyens. Ce à quoi nous avons répondu : « Il en va également de la responsabilité de la collectivité territoriale dont nous attendons une réponse ». Nous leur avons, par ailleurs, assuré que s'ils avaient des difficultés, ils pouvaient nous contacter, tous (la famille, les professionnels, l'association), afin de discuter autour d'une table pour voir comment nous pouvions faire ensemble. Mais ils ne peuvent pas justifier l'exclusion arbitraire d'un enfant en situation de handicap du temps périscolaire au motif que sa prise en charge est « trop difficile ».
H.fr : Avez-vous obtenu gain de cause ?
CDB : La mairie de Lyon s'est effectivement engagée à réintégrer Olivier et dit avoir pris en compte la nécessité d'adapter l'environnement à ses besoins spécifiques. Il retourne dès ce jour (ndlr : le 6 décembre 2022) à la cantine. Une victoire qui n'est ni plus ni moins qu'une application de la loi...
H.fr : Comment s'assurer qu'Olivier ne sera pas de nouveau exclu ?
CDB : Une autre réunion est prévue en janvier 2023 pour faire un point sur sa situation. La directrice de l'éducation de la ville, Marianne Sackur, a par ailleurs promis de formaliser l'engagement de non-exclusion par écrit.
H.fr : Comment expliquer que le cas d'Olivier ait eu un tel retentissement médiatique ? Quelques mois plus tôt, en octobre, un autre article (en lien ci-dessous) dénonçant des milliers d'élèves handicapés privés d'AESH durant la pause méridienne, étant parfois contraints de manger dans la voiture de leurs parents, était passé sous silence...
CDB : C'est un tout. D'abord parce que c'est un cas concret, de terrain. Ensuite, le texte que j'ai publié montre l'injustice, ça touche les gens parce que c'est sincère, c'est vrai. Ce texte, en tant que papa d'un garçon autiste, je l'ai écrit avec le cœur. La photo d'Olivier est aussi très poignante. Un enfant handicapé laissé dans le froid à cause des failles du système, ça interpelle, ça marque les esprits.
H.fr : Malheureusement, le cas d'Olivier est loin d'être isolé...
CDB : Effectivement, Olivier est le porte-étendard de milliers d'autres enfants qui sont dans la même situation, privés d'accompagnement sur le temps périscolaire ou même parfois scolaire. Toutes les associations sont confrontées à ce problème chaque jour et nous devons continuer de nous mobiliser pour eux !
H.fr : Vers qui les familles concernées peuvent-elles se tourner ?
CDB : Il faut tout d'abord acquérir ses droits, en faisant une demande auprès de la MDPH, puis les faire valoir auprès de la collectivité. Si cette dernière refuse, les familles peuvent la mettre en demeure, voire la poursuivre en justice. En cas de difficultés, les proches peuvent se tourner vers les associations spécialisées dans le champ du handicap, les juristes, les avocats et manifestement les médias... Aujourd'hui, le droit est très clair, il n'y a plus d'excuse pour ne pas l'appliquer !