Les ergothérapeutes interdits d'école ? Plusieurs d'entre eux se sont vu refuser l'accès à des établissements scolaires où ils devaient prodiguer des soins à des élèves en situation de handicap, et ce malgré des prescriptions médicales. Face à ces difficultés, l'ANFE (Association nationale française des ergothérapeutes) met en place un observatoire en ligne (en lien ci-dessous) afin de recenser ces refus.
Contraire à la volonté politique
« Certains établissements objectent que l'école n'est pas un lieu de soin mais d'éducation », se désole Nicolas Biard, directeur technique de l'ANFE. Selon l'association, cette impossibilité d'agir au plus près des lieux de vie de l'enfant, fondement même de l'intervention en ergothérapie, est contraire à la volonté politique affichée de rendre l'école inclusive et en désaccord avec les modalités d'intervention proposées par le forfait intervention précoce pour les troubles du neuro-développement instauré par la stratégie nationale autisme au sein des TND. La rentrée scolaire 2019 a en effet plus que jamais été placée sous le signe de l'école pour tous par le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, tandis que Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, a fait de la collaboration accrue entre l'école ordinaire et le médico-social l'un de ses chevaux de bataille.
Des bienfaits manifestes ?
La présence des professionnels du médico-social au sein de l'établissement permet, notamment, d'échanger avec les équipes enseignantes, d'aménager l'environnement scolaire et de proposer des modalités d'intervention ad hoc ; elle évite, surtout, les ruptures dans l'emploi du temps des élèves concernés et offre donc une prise en charge plus efficiente. Nicolas Biard déplore que certains parents soient obligés de prendre une demi-journée de congé pour venir chercher leur enfant à l'école et l'emmener à sa séance en ville. « C'est du temps perdu pour tous… », assure-t-il. Il observe ce type de réticences surtout en primaire mais également au collège, dans le public comme dans le privé.
Pas de PPS, pas d'école !
Certains chefs d'établissements justifient leur décision en s'appuyant sur une circulaire de 2016 qui autorise les interventions des professionnels du médico-social au sein de l'école à condition que les enfants disposent d'un PPS (plan personnalisé de scolarisation). Ce texte précise : « Les soins par des professionnels libéraux se déroulent prioritairement dans les locaux du praticien ou au domicile de la famille. Lorsque les besoins de l'élève nécessitent que les soins se déroulent dans l'établissement scolaire, c'est-à-dire lorsqu'ils sont indispensables au bien-être ou aux besoins fondamentaux de l'élève, ce besoin est inscrit dans le PPS. L'intervention de ces professionnels fait l'objet d'une autorisation préalable du directeur ou du chef d'établissement. ». Interrogé sur cette question, le cabinet du secrétariat d'Etat au Handicap confirme que c'est la condition sine qua non pour pouvoir intervenir au sein de l'école. Et prenant en exemple les orthophonistes, il précise que leur fédération nationale a, pour sa part, souhaité limiter l'intervention dans les établissements scolaires au strict respect de l'inscription de l'intervention au PPS. « Pourtant, certains enfants, notamment les plus jeunes, n'ont pas de PPS, argumente Nicolas Biard, notamment parce que les familles n'ont pas encore finalisé d'interminables démarches auprès de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Cette rigidité nous empêche d'intervenir de façon précoce. » Il déplore une « drôle d'injonction paradoxale ».
Besoin de cas concrets
Selon l'ANFE, d'autres professionnels sont confrontés aux mêmes réticences, notamment les psychomotriciens, qui ont joint leurs forces pour interpeller Jean-Michel Blanquer. Le secrétariat d'Etat au Handicap admet que « concernant les élèves qui ne relèvent pas encore du PPS, il serait intéressant d'en échanger avec les représentants des ergothérapeutes » et, contacté par l'ANFE, dit vouloir agir à partir de cas « concrets ». C'est donc à dessein, pour « faire remonter des informations factuelles », que cet observatoire en ligne a été lancé. Il restera ouvert « autant de temps que nécessaire, jusqu'à ce que ces situations n'apparaissent plus sur l'ensemble du territoire », selon l'ANFE. En 24 heures, une cinquantaine de professionnels se sont déjà manifestés « mais nous attendons davantage de remontées dans les dix jours à venir », espère Nicolas Biard. L'ANFE prévoit d'adresser un courrier à Jean-Michel Blanquer pour débloquer la situation.