Depuis plusieurs semaines, des parents d'enfants handicapés de Loire-Atlantique ne décolèrent pas. Le 25 juin 2024, ils étaient dans la rue pour protester contre une décision unilatérale du Conseil départemental qui menace de mettre le bazar dans leur vie à la rentrée 2024. En effet, le 30 mai, Michel Ménard, président du département 44, et Ombeline Accarion, vice-présidente aux personnes en situation de handicap et à l'autonomie, annoncent la suppression du transport adapté (taxis individuel ou collectif) pour les élèves en situation de handicap scolarisés en Ulis (Unités localisées pour l'inclusion scolaire) qui habitent à moins de 5 km de leur école primaire et 10 de leur collège (ou lycée et université).
Raisons budgétaires et de bilan carbone
Pour quelles raisons ? Budgétaires, évidemment, -le transport adapté, ce sont des millions d'euros chaque année, selon le département-. Mais c'est aussi le « bilan carbone » qui est invoqué. Même si de nombreux départements sont à l'agonie financièrement, avec un élargissement de leurs champs de compétences, on ne peut pas nier que ce ciblage des enfants handicapés est particulièrement « maladroit ». Le collectif Handicap44 en danger, mené par Laetitia Lohéac, monte au créneau et alerte les médias en masse.
Pour tout savoir, lire notre article complet : 44 : des élèves handicapés privés de transport adapté.
Transport en commun ?
Quelles options sont proposées aux familles ? En priorité, les transports en commun pour les ados les plus « débrouillards » avec la prise en charge de leur abonnement (et celui d'un accompagnateur). Mais, sur les exercices scolaires 2022-23 et 2023-24, les proportions des élèves ayant « bénéficié » de l'expérimentation de l'autonomie dans les transports en commun sont assez proches du plancher des vaches, puisqu'entre 83 et 90 % ne seraient pas autonomes. Reste la solution du recours à un éducateur dédié, financé par la Prestation de compensation du handicap, mais qui risque de grignoter les heures accordées et laissera de toutes façons un reste à charge aux familles. « Et encore faut-il en trouver ! », souligne Laetitia Lohéac.
Un dédommagement pour les parents
Autre faveur : un dédommagement pour indemnités kilométriques (900 euros par an pour moins de 5 km et 2 000 entre 5 et 10) pour les parents qui accepteraient d'assurer eux-mêmes le transport, soit environ 450 estimés, contre 160 jusqu'à maintenant ! Mais c'est demander toujours plus à des parents souvent à bout, alerte le Collectif.
Des centaines de familles sont donc sévèrement impactées par cette décision qui n'a jamais fait l'objet d'aucune concertation et surtout d'aucune étude d'impact -en gros, quelles sont réellement les économies à venir ?.
Qui décide ?
Au-delà de la brutalité de l'annonce, les circuits internes des départements sur le dossier « transport adapté » peuvent-ils prendre de telles décisions sans le concours d'autres instances ? Cette disposition prise unilatéralement ne contourne-t-elle pas le rôle souverain de la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au sein de la MDPH) qui a la charge de notifier les droits et les révisions potentielles de l'autonomie pour chaque enfant ? En réalité, dans ce cas de figure, cette commission se contente de donner un « avis médicalement établi » mais n'a pas de compétence en termes de décision. Un certificat médical peut d'ailleurs suffire, selon les pratiques en vigueur dans chaque département. Faudrait-il que les choses changent pour mieux protéger les droits ?
Le collectif Handicap44 en danger
Sous le feu des médias et d'une pétition en ligne qui tire à boulets rouges, le département 44 finit par entendre l'émoi. Première victoire ! Le 21 juin, il propose au CCAPH 44 (la coordination des associations représentatives dans le champ du handicap et de l'autonomie) d'engager un « travail commun », promettant de « trouver des solutions alternatives pour soutenir l'évolution des besoins » et « l'identification des familles concernées pour faciliter la prise en compte des situations nécessitant une attention particulière », notamment « pour raisons médicales ». Il rappelle dans son communiqué que « les familles ont la possibilité de faire un recours qui sera étudié avec attention et bienveillance ». « Mais ils ne le seront qu'au cas par cas, et ne pourront pas satisfaire toutes les demandes », s'inquiète Laetitia Lohéac, qui se dit « perplexe » face à ce « début d'élan bienveillant ». « Surtout, cela ne règle pas le problème de fond qui risque de se représenter à la rentrée 2025 si ce nouveau règlement n'est pas aboli », selon elle.
Saisir la justice…
A ce jour, le formulaire de demande de prise en charge de transport adapté pour l'année scolaire 2024-2025 propose bel et bien trois options : transport adapté, en commun ou indemnités kilométriques ! Les parents ont jusqu'au 5 juillet pour cocher la bonne case mais, dans ce contexte incertain, la confusion est de mise. Le CD 44 entend, par la suite, « présenter un bilan aux partenaires fin septembre 2024 afin d'ouvrir les discussions sur d'éventuels ajustements d'ici à la rentrée 2025 ». Pas question d'attendre un an pour régler le problème, s'insurgent les familles. Certaines, dans l'impasse, comptent bien ne pas en rester là et envisagent de saisir la justice.
© Collectif Handicap44 en danger