Franklin Roosevelt était atteint de poliomyélite, cloué dans un fauteuil. N'a-t-il pas été président de la plus grande puissance mondiale ? Près d'un siècle plus tard, où en est-on ? La France serait-elle prête à élire un candidat compétent mais handicapé à une élection législative ? Voire nationale ?
Le handicap, grand absent !
Si, dans cette campagne 2017, la relative absence des débats sur le handicap, le manque d'accessibilité des meetings ou les carences d'accès à l'information pour certains électeurs en situation de handicap soulèvent de nombreuses questions, il en est une particulièrement éludée, c'est l'accès des personnes handicapées à la candidature politique. On compte les élus concernés sur les doigts de la main. Damien Abad (LR), premier député handicapé à siéger à l'Assemblée, ou encore le conseiller régional LR Pierre Deniziot. D'autres noms ? Cherchons, cherchons…
Un candidat pas légitime ?
Et citons le cas de Matthieu Annereau, 38 ans. Il est secrétaire national au handicap pour Les Républicains. Conseiller municipal, chef de file de l'opposition dans la 3ème circonscription de Loire-Atlantique, commune de Saint-Herblain près de Nantes (le fief de Jean-Marc Ayrault) et non voyant, il n'a pas été investi par son parti pour les législatives de 2017. Pourtant son envie ne fait pas l'ombre d'un doute et, de l'avis de certains de ses administrés, il est "fin connaisseur des enjeux locaux et nationaux", poursuivant "depuis plusieurs années un extraordinaire travail de terrain". En avril 2016, lors de législatives partielles organisées dans la 3ème circonscription, il réalise 44,56% au second tour face au candidat PS remplaçant Jean-Marc Ayrault appelé à de hautes fonctions au sein du gouvernement. Malgré ce score honorable (historique ?) dans la région, son parti semble lui préférer un candidat valide mais totalement inconnu.
Une pétition en vain
Une pétition a pourtant été mise en ligne dès décembre 2016. Pas par lui mais par une habitante qui réclame de "se prononcer sur la révision immédiate de la candidature de Matthieu". Moins de 400 signatures au final mais la conviction d'une profonde discrimination à l'égard d'un homme qu'elle qualifie de "légitime, compétent et combattant". "En refusant l'investiture à celui qui défend la thématique du handicap, force est de constater, s'indigne-t-elle, que la représentativité des personnes handicapées et les politiques publiques en faveur de nos concitoyens les plus faibles ne sont plus une priorité." Selon Matthieu Annereau, "On sent qu'il y a cette fragilité dans la société française, et le politique qui doit montrer l'exemple ne joue pas ce rôle. Mais les Français ont eux aussi encore certainement du mal avec l'idée d'être représentés par un élu handicapé".
Sur le banc de touche
La pétition en faveur de Matthieu Annereau a été adressée à François Fillon et aux instances dirigeantes des Républicains. Mais n'a visiblement pas suffi à modifier le cours des choses. Le 17 janvier au soir, la commission nationale d'investiture du parti relègue sur le banc de touche celui qui est inscrit sur la liste des cas "litigieux". Sans aucune explication. A tort ou à raison ? Jeux d'influence au sein de son parti ? Discrimination ? Difficile de trancher sur un cas particulier mais le nombre insignifiant d'élus en situation de handicap conduit néanmoins à un constat sans équivoque. La Convention des Nations unies, ratifiée en février 2010 par la France, précise pourtant que "tous les États doivent s'engager à faire en sorte que les personnes handicapées puissent participer à la vie politique et publique sur la base de l'égalité avec les autres" et qu'elles ont "le droit et la possibilité de voter et d'être élues". Or, parfois, la loi s'y oppose ; en effet, en France, les majeurs sous tutelle ou curatelle ne peuvent pas se présenter aux élections.
Des quotas en politique ?
Rappelons que près de 12 millions de Français sont concernés par le handicap. Une part suffisamment colossale pour que Julien Delamorte, délégué en charge des questions de handicap pour le candidat Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France !), lui-même malentendant, propose d'imposer un quota de personnes handicapées sur les listes électorales, au même titre que dans les entreprises. En 2012, déjà, il adressait une lettre à ce sujet à François Hollande avant qu'il ne compose son premier gouvernement, l'incitant à appliquer cette règle. 6 %, soit deux ministres ! Et d'ailleurs pas forcément dédiés au handicap. C'est également le cheval de bataille de Frédéric Bouscarle, président de Handi'pop, mouvement affilié à l'époque à l'UMP (article en lien ci-dessous). Pourraient-ils obtenir gain de cause ? En effet, le 10 mars 2017, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopte une résolution prônant l'instauration d'un quota d'élus handicapés dans les parlements des pays membres (article complet et résolution en liens ci-dessous).
Comme pour la parité homme/femme
"J'aimerais que le handicap ne soit plus reconnu comme tel ni comme un avantage mais simplement comme une situation de vie normale pour une présidence normale, écrivait Julien Delamorte. "Pourquoi les engagements en faveur de la parité homme/femme ou la mixité culturelle ne seraient-il pas mis en œuvre pour le handicap ?" Son courrier n'a jamais reçu de réponse... "Je serais vraiment heureux que François Hollande nous offre ce cadeau de départ", confie-t-il. Quant à Matthieu Annereau, il ne lâche pas l'affaire et compte bien donner encore quelques coups de pied dans la fourmilière : "Je veux que le handicap soit inscrit à l'ordre du jour de cette présidentielle, il est temps d'ouvrir les yeux des politiques sur le retard accumulé de la société française".
© shocky/Fotolia + Matthieu Annereau