Par Pascale Juilliard
La 19e Semaine de l'emploi des personnes handicapées (SEPH) s'ouvre le 16 novembre 2015 dans un contexte morose : encore plus touchées par la crise que les valides, leur chômage bat des records, le cap du demi-million de demandeurs d'emplois étant en vue. "La situation est catastrophique", estime le président de l'Association des paralysés de France (APF), Alain Rochon. A l'occasion de cette semaine de mobilisation (16 au 22 novembre), il a demandé aux pouvoirs publics "un plan d'action pluriannuel de lutte contre le chômage", lors d'une conférence de presse.
Bientôt 500 000 chômeurs ?
La dernière étude de la Dares (ministère de l'emploi) chiffre à 468 426 le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap en juin 2015, soit 8,5% de l'ensemble des chômeurs. "Nous pourrions terminer l'année à près de 500 000, redoute le président de l'APF, soulignant que depuis 2007, le nombre de demandeurs d'emplois handicapés a plus que doublé (+130%)". "Cette forte hausse est imputable en partie à une croissance du nombre de personnes ayant la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), explique Véronique Bustreel, conseillère nationale à l'APF". Mais surtout, "l'effet crise fait qu'on licencie beaucoup plus, et en particulier les personnes en situation de handicap".
Pôle emploi : +9.5 % en un an
En 2014, la hausse annuelle du nombre de personnes handicapées inscrites à Pôle emploi a été de 9,5%, presque deux fois plus rapide que celle de l'ensemble des demandeurs d'emplois, selon le fonds d'insertion Agefiph. "La courbe a suivi l'augmentation du chômage en général, mais ce qui est inquiétant, c'est que ça continue à un rythme très élevé", ajoute Mme Bustreel. "On ne sent pas une véritable volonté politique" de lutter contre cette situation, "parce qu'il n'y a pas de moyens nouveaux, exceptionnels", pour cette population "fragilisée". Les demandeurs d'emploi handicapés cumulent en effet les difficultés, étant plus âgés, moins formés et plus affectés par le chômage de longue durée que la moyenne : 46% ont plus de 50 ans, 25% seulement ont au moins le niveau bac et 57% sont au chômage depuis plus d'un an.
Licenciés pour inaptitude
L'APF déplore que le gouvernement ait inscrit, dans le projet de budget 2016, une nouvelle "ponction" totalisant 56 millions d'euros sur les fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph pour les entreprises privées, FIPHFP pour la fonction publique), après un prélèvement similaire en 2015. Accès, mais aussi maintien dans l'emploi : cette semaine organisée par l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Adapt) est axée sur la "sécurisation des parcours". Rythmée par plusieurs événements tels que "jobdatings" et autre forums pour l'emploi, elle est élargie cette année à d'autres pays européens (Espagne, Italie, Angleterre ou encore Belgique), selon son directeur général Eric Blanchet. "De nombreuses personnes qui ont eu des accidents liés au travail sont licenciées pour inaptitude, mises au placard ou mal reclassées", souligne auprès de l'AFP le secrétaire général de la Fnath (accidentés de la vie), Arnaud de Broca.
2.4 millions de RQTH
Les personnes lourdement handicapées ne sont pas les seules concernées. "Ce sont souvent des personnes de plus de 50 ans, qui souffrent par exemple de troubles musculo-squelettiques dus à des gestes répétitifs au travail : un employé d'abattoir qui ne peut plus bouger le poignet, une caissière...", explique M. de Broca. "Au-delà des beaux discours, la réalité est que les personnes handicapées ne sont pas toujours considérées comme compétitives et motivées, par leur encadrement comme par leurs collègues", regrette-t-il. En 2013, 2,4 millions de personnes de 15 à 64 ans disposaient d'une reconnaissance administrative de handicap. Si l'on ajoute les personnes déclarant souffrir d'un problème de santé durable les limitant depuis au moins 6 mois dans leurs activités quotidiennes, on estime que 5,5 millions de personnes sont concernées par le handicap, soit 14% de cette tranche d'âge, selon la Dares.