Le 9 mai 2022, c'était la journée de l'Europe. A cette occasion, quels enjeux et quelles perspectives pour l'emploi des personnes en situation de handicap dans l'Union ? L'Agefiph (fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans le privé) a mené l'enquête. Résultat, en une trentaine de pages, qui dessine un diagnostic précis sur les politiques en place et partage la vision des acteurs interrogés sur les enjeux, les difficultés et les marges de progrès (en lien ci-dessous).
Entre ambitions et contraintes
Prenant acte des effets limités de la précédente stratégie, l'Union européenne a inscrit la question de l'emploi dans la nouvelle stratégie adoptée en mars 2021 (jusqu'en 2030) afin de permettre à davantage de personnes handicapées de gagner leur vie sur le marché du travail ordinaire ; elle s'appuie essentiellement sur la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (2006). Le Forum européen des personnes handicapées y voit de « l'ambition » mais peu de « contraintes », réclamant « un cadre minimum pour faire 'monter' les Etats membres récalcitrants ». Mais comment parvenir à l'harmonisation ? « L'Europe se conjugue à 27 avec une diversité de cultures, d'appréhension des réalités sociales et de réponses pour développer et sécuriser l'emploi », observe Christophe Roth, président de l'Agefiph. Quota ou pas, obligation d'emploi ou pas, milieu protégé ou pas, politique décentralisée ou pas... La promotion de l'emploi des personnes handicapées prend des formes très diverses.
Une grande diversité de politiques...
Il peut s'agir d'allégements de cotisations sociales (Espagne, Italie, Autriche, etc.), de subventions à l'aménagement de l'environnement de travail (Autriche, Finlande, Danemark, etc.) ou de compensations de salaire sous forme de subventions publiques (Belgique, Pays-Bas, etc.). Aux Pays-Bas, l'aide au financement du salaire de la personne handicapée nouvellement employée court pour la période de six mois suivant l'embauche. En Bulgarie, plusieurs programmes prévoient l'octroi d'une subvention salariale, également au Danemark et à Chypre. D'autres avantages fiscaux sont également inscrits dans les législations nationales pour inciter à l'embauche ; il s'agit notamment de la baisse ou de l'exonération des cotisations à la Sécurité sociale à la charge des employeurs en Allemagne, Espagne, Pays-Bas ou Bulgarie. Les 87 millions d'Européens en situation de handicap doivent donc s'adapter aux particularités de chaque Etat.
... mais les mêmes constats !
Mais, « quelle que soit la situation, aucune des solutions existantes ne permet le plein emploi des personnes handicapées », conclut l'enquête de l'Agefiph. Les constats restent les mêmes... En Europe, seules 51 % des personnes handicapées (à titre de comparaison, 61 % en France) occupent un emploi (contre 75 % pour le grand public), surreprésentées dans les métiers précaires et à bas salaires. La proportion de personnes handicapées sans emploi équivaut au double de la proportion de personnes sans handicap. A peine un tiers d'entre elles ont un diplôme du second degré contre près de la moitié de la population générale. L'enquête note l'insuffisance de la progression du taux d'emploi, ainsi que des difficultés, encore trop nombreuses, pour accéder et se maintenir dans un emploi stable, durable et de qualité à la hauteur de leurs compétences.
Pour la Commission européenne, « le cadre et les outils ont évolué, mais les changements ne sont pas significatifs sur dix ans et pas visibles dans les statistiques ». Pourtant « l'attention, politique et du secteur privé, portée aux personnes en situation de handicap est beaucoup plus forte qu'il y a trente ans, c'est le jour et la nuit », tempère l'Organisation internationale du travail (OIT), qui a mis en place une charte « Entreprise et handicap » en dix engagements. L'enquête met donc à jour un décalage entre les « valeurs des institutions européennes et leur capacité à les incarner via des exemples, des bonnes pratiques ».
Quelles pistes ?
Des pistes communes à suivre ? Un changement de paradigme est réclamé, en privilégiant une entrée par les compétences, l'engagement fort et nécessaire du top management, ainsi que le télétravail, une nouvelle donne à expertiser. Les entreprises ont également été interrogées, qui promeuvent la mobilisation et l'accompagnement des managers par la sensibilisation, la formation, l'appui opérationnel et le partage de bonnes pratiques. « Nous aurons véritablement fait un grand pas lorsque les missions handicap n'existeront plus ! », explique Orange. Par ailleurs, les PME sont une cible stratégique qui nécessite un accompagnement et une sensibilisation particulière.
Un paquet emploi commun en 2024 ?
Rappelons que, dans le cadre de la présidence française de l'Union (du 1er janvier au 30 juin 2022), Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, a réuni à Paris le 9 mars ses homologues pour un temps d'échange, notamment, sur le thème de l'emploi (article en lien ci-dessous). « Le manque d'accessibilité, les discriminations multiples et répétées et les préjugés entravent leurs accès à des emplois ou à des études de qualité », observait à cette occasion Helena Dalli, commissaire européenne à l'Egalité. Elle exigeait alors un engagement coordonné. Pour y parvenir, un « paquet emploi ». Il s'agit d'un ensemble de mesures non législatives, 64 au total dans six domaines, pratiques, portant par exemple sur les aménagements raisonnables, la sécurité au travail, les stéréotypes en emploi... L'objectif étant d'améliorer l'insertion professionnelle, grâce à la coopération du réseau européen des services publics de l'emploi, des partenaires sociaux et des organisations représentatives des personnes en situation de handicap. Il doit voir le jour en 2022, avec ses premiers effets attendus dès 2024.
Enfin, la 26e édition de la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), désormais européenne, aura lieu du 14 au 20 novembre 2022 (article en lien ci-dessous). Le Conseil français des personnes handicapées part du principe que « l'accès au travail est une composante essentielle de la citoyenneté ». Alors, au boulot !