À deux pas du centre-ville, rien ne différencie cette jolie boutique des autres. Très colorée, la vitrine du magasin associatif Witoa est décorée des 24 drapeaux des équipes de l'Euro 2016. À l'intérieur, des étagères de jeux, des livres, des BD... beaucoup d'idées pour des cadeaux d'anniversaire de dernière minute. La particularité de ce magasin unique en France ? Ses vendeurs stagiaires, autistes ou porteurs de troubles apparentés génétiques ou neurologiques. Avec, pour les encadrer, Carine Mantoulan, docteur en psychologie et directrice d'InPACTS, l'association toulousaine qu'elle a fondée pour accompagner des familles d'enfants autistes.
« Chacun peut trouver sa place »
« Voulez-vous un sac ? », demande Sébastien Roucayrol, un vendeur au visage poupin, au moment de donner un paquet cadeau confectionné avec soin. « Tu as parlé fort, c'est parfait ! », le félicitera plus tard Carine Mantoulan. « Ce sont des gens qui ont des défauts dans les rapports humains mais qui ont des compétences. » Pour une cliente, Elsa Vanderstroesen, « Nous sommes dans une société où le handicap est caché mais chacun peut y trouver sa place ». Elle a été informée de la nature du magasin uniquement par un document distribué à la caisse. Sébastien, 34 ans, est diagnostiqué comme porteur du syndrome d'Asperger depuis seulement quatre ans ; pour lui, c'est une libération. « Pendant des années, on me trouvait intelligent, mais on se demandait pourquoi je ne parvenais pas à faire certaines choses. Depuis le diagnostic, ça va mieux. Je suis moi-même », explique-t-il, déplorant, comme bien des familles, le temps qu'il a fallu pour identifier son trouble autistique.
Encore des progrès à faire en France
On compte 650 000 personnes autistes en France. « Partout chez nos voisins en Europe, il y a des progrès face à l'autisme, sauf en France. On est en retard », regrette Mme Mantoulan, dont l'association soutient quelques 78 familles qui ne bénéficient d'aucun accompagnement de l'État. Et de souligner que « l'autisme concerne une naissance sur cent, dont environ 10% d'Asperger ; mais l'État ne met aucun moyen en place pour eux ». Florence Pézous, présidente d'Autisme 31, une association partenaire du magasin, admet : « On travaille avec deux francs six sous », avant d'ajouter « même sans déficience intellectuelle, une personne autiste souffre d'isolement. Souvent, les personnes handicapées font peur et leurs compétences ne sont pas mises en avant ». Les troubles du spectre de l'autisme sont nombreux mais présentent souvent des difficultés communes : problèmes d'organisation, gestion du bruit, incapacité à gérer des relations entre collègues etc.
Une formation « sur le terrain »
L'objectif de Witoa est de former professionnellement ces personnes à tous les aspects du commerce. Depuis son ouverture, le 5 décembre 2015, ils sont une dizaine de stagiaires à venir s'installer autour de la table ronde pour apprendre la vente, la gestion des stocks, l'informatique, la gestion de la caisse etc. « Nous travaillons sur le savoir-faire, l'accueil, le ton de la voix, la politesse, le savoir-vivre », détaille Mme Mantoulan, précisant que la mission de Witoa est « de favoriser l'accès à l'emploi et de développer des compétences qui pourront être valorisées dans un CV ». Encore faut-il avoir les capacités nécessaires pour se concentrer et travailler plusieurs heures consécutives. Christine Hayward sait que son fils de 15 ans ne les a pas. Cette mère se retrouve démunie faute de places en structures spécialisées. « D'un département à l'autre, il n'y a pas d'égalité par rapport à l'autisme », constate-t-elle avec amertume.
Un premier CDI
Dans les prochaines semaines, Sébastien, lui, va bénéficier du premier CDI du magasin. « J'avais du mal à entrer dans le monde professionnel. Ce magasin est une opportunité », assure-t-il, bien décidé à aider les autres. Pour tous les acteurs et partenaires du projet (CAP emploi, HandiPro Conseil 31, Trisomie 21...), le magasin promet d'aider à diminuer les freins à l'embauche. D'autant que l'employeur bénéficiera de conseils dans les adaptations à faire pour les accueillir. « On se donne plus de chances pour que l'embauche se passe bien, ajoute Mme Mantoulan. C'est important parce que c'est bon pour leur estime personnelle ».
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