Les jeunes de toute l'Europe grandissent à l'ère du « tout numérique ». Dans le monde, un internaute sur trois a moins de 18 ans. Quid des enfants handicapés ? Si les études portant sur les pratiques digitales des adolescents « ordinaires » foisonnent, celles sur leurs pairs en situation de handicap se font rare. Pour combler ce manque, le Conseil de l'Europe présente le rapport « Deux clics en avant et un clic en arrière », à l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre 2019. Il vise à examiner, avec les enfants en situation de handicap, leurs expériences dans l'environnement numérique, explorer les possibilités qu'il offre, les obstacles pour y accéder et les difficultés auxquelles ils font face. L'objectif : formuler des recommandations aux Etats, acteurs de l'industrie numérique, services de santé et établissements universitaires pour garantir un accès égalitaire, partout en Europe.
Outil facilitateur
Au total, 97 enfants porteurs de handicaps variés (mental, physique, visuel et auditif) et originaires de six pays (Belgique, Allemagne, Moldavie, Portugal, Turquie et Royaume-Uni) ont participé à l'étude sur laquelle s'appuie ce rapport. Selon ce dernier, la vie en ligne des enfants handicapés « ressemble beaucoup » à celle des « valides » : tester de nouveaux jeux vidéo, apprendre à jouer d'un instrument de musique, à cuisiner ou encore à jardiner. Par ailleurs, nombre d'entre eux perçoivent le digital comme un outil « facilitateur », comme en témoigne un jeune Allemand avec un handicap physique : « Sur mon ordinateur portable, j'ai un programme de reconnaissance vocale. Je l'utilise aussi pour le travail et les activités scolaires. Je peux parler dans le casque et il écrit à ma place. C'est vraiment cool ! »
Obstacles technologiques et financiers
« L'environnement numérique peut, en effet, être un outil 'habilitant' et 'égalisant' qui leur offre plus de possibilités d'accéder à l'information, de communiquer, d'apprendre et de jouer, consent Marija Pejčinović Burić, secrétaire générale du Conseil de l'Europe. De multiples obstacles les empêchent pourtant d'y accéder et risquent de nuire à leur sécurité. » Selon elle, ils sont de nature technologique, financière et même linguistique, l'anglais étant la langue dominante « online* ». Mais ils varient considérablement selon le type et la nature du handicap. « Les considérer comme un groupe indifférencié les dessert », affirme le rapport. « J'aimerais qu'on améliore l'accessibilité des informations en ligne et hors ligne en les reproduisant en format audio », demande un jeune homme déficient visuel. « Certains jeux nécessitent d'être très réactif, ce qui me pose problème à cause de la spasticité de mes mains... », déplore un autre. « Les problèmes de conception et d'accessibilité des sites, jeux et applications, et leur caractère inadapté ont été signalés à maintes reprises », certifie le rapport.
Impliquer les enfants handicapés
« Nous devons créer un environnement numérique à la fois sûr et inclusif et doter les enfants en situation de handicap de bons outils et d'un matériel adapté qui les aident à s'intégrer dans la société, tout en préservant leur droit au respect de la vie privée », réclame Marija Pejčinović Burić. Selon le rapport, cela relève, « pour une large part », de la responsabilité des gouvernements et des parlements. Il recommande ainsi d'impliquer les enfants concernés « dans la conception et le déploiement des politiques et des services qui ont une influence sur l'accès et le recours à l'environnement numérique ». Certains semblent déjà parés, à l'image de cette jeune Portugaise malvoyante qui suggère, par exemple, de réprimander les sites qui ne seraient pas accessibles aux personnes déficientes visuelles. « 500 000 euros d'amende pour financer l'éducation des jeunes concernés ! », réplique-t-elle.
Industrie numérique, au boulot !
Le rapport recommande également aux gouvernements de communiquer « des informations sur la sécurité et la protection en ligne sous une forme accessible », y compris en facile à lire et à comprendre (FALC). Autre demande : « Des conseils, des orientations et des ressources doivent être fournis aux écoles afin de s'assurer qu'elles utilisent le plus large éventail possible de technologies d'assistance ». Pour atteindre cet objectif, « dans le cadre de ses responsabilités en matière de protection des droits de l'Homme », l'industrie numérique doit « systématiquement consulter la communauté des personnes handicapées », notamment les enfants, concernant les aspects suivants : « identifier les adaptations conceptuelles nécessaires, en tenant compte des divers types d'incapacité, et rendre compte de la manière dont elles ont été réalisées pour en faciliter l'accès », mais aussi « adapter la conception et l'évolution des dispositifs de signalement en ligne, des outils de vérification de l'âge et des filtres de l'information, pour s'assurer qu'ils soient d'emblée accessibles et adaptés ». Autres requêtes : toutes les écoles doivent examiner et, dans toute la mesure du possible, fournir les technologies d'assistance, les installations et l'équipement numérique nécessaires pour assurer la pleine participation de chaque enfant ; les sites web consacrés à la santé doivent être accessibles à tous les types de handicap ; les enfants handicapés doivent être dûment informés de l'existence d'informations de santé accessibles en ligne, notamment concernant la sexualité...
* En ligne