La déficience auditive touche des milliards de personnes à travers le monde. 1,5 milliard, peut-être (selon l'Organisation mondiale de la santé), probablement 2,5 milliards d'ici 2050. Combien exactement ? Difficile de le savoir. Difficile de savoir aussi combien sont équipées d'aides auditives. Et en France ? Pour tenter de répondre à cette question, des chercheurs* ont mené l'enquête.
Et en France ?
Résultat, 25 % des adultes français sont touchés par une forme de déficience auditive. Par ailleurs, 4 % sont concernés par une forme invalidante. Cette prévalence varie selon l'âge et d'autres facteurs (niveau de vie, bruit au travail, pathologies cardiovasculaires…). Quant aux appareils auditifs, les scientifiques observent qu'ils « demeurent largement sous-utilisés ». Ainsi, seuls 37 % des patients touchés par une déficience auditive invalidante en portent.
Quels facteurs de risque ?
Les chercheurs ont également tenté d'identifier les facteurs de risque. Conclusion, les personnes âgées, les hommes, les individus avec un indice de masse corporelle (IMC) élevé, la présence d'un diabète, des facteurs de risque cardiovasculaires, des antécédents de dépression ou le fait d'avoir été exposé à des nuisances sonores au travail présentent les probabilités les plus élevées de souffrir d'une déficience auditive. A l'inverse, le fait d'avoir un revenu ou un niveau d'éducation plus élevé, de vivre seul et d'habiter en zone urbaine est associé à des risques moindres. En ce qui concerne l'usage d'appareils auditifs, il est particulièrement faible chez les personnes âgées (celles-là même qui sont proportionnellement plus touchées par une déficience auditive invalidante), les hommes, les fumeurs et les personnes ayant un IMC élevé.
Une enquête d'envergure
Alors que d'ordinaire les enquêtes sont menées sur des petits échantillons dont il est difficile de tirer des généralités, celle-ci, publiée en juin 2022 dans la revue JAMA Open Network, porte sur des milliers de participants, issus d'une cohorte du nom de Constances. 186 460 volontaires au total, âgés de 18 à 75 ans, ont été soumis à des tests auditifs entre 2012 et 2019. « C'est la première fois en France qu'une étude est menée sur un échantillon aussi large et aussi représentatif de la population française », soulignent Quentin Lisan et Jean-Philippe Empana, qui l'ont coordonnée. L'objectif, via cet « état des lieux fiable », est « d'apporter des clés aux décideurs publics alors que des solutions efficaces (comme les appareils auditifs ou encore les implants cochléaires) existent pour prendre en charge ce problème de santé majeur ». En effet, la déficience auditive est associée à une dégradation de la qualité de vie, à l'isolement social et à d'autres problèmes de santé tels que la dépression, le déclin cognitif ou encore la démence. Or en l'absence de données disponibles, il est difficile de prendre toute la mesure du problème et d'améliorer les mesures de prévention, de dépistage et de prise en charge.
Rappelons que la France a adopté le 1er janvier 2021 une mesure permettant le remboursement des appareils auditifs par la Sécurité sociale, le 100 % audiologie (article en lien ci-dessous), mais ce dispositif n'existait pas au moment de la réalisation de cette étude. « Il serait intéressant que les recherches à venir en évaluent l'efficacité pour encourager le recours aux appareils auditifs », concluent les auteurs.
* Inserm et Université Paris Cité au PARCC (Paris Cardiovascular Research Center, unité Inserm 970), en collaboration avec l'AP-HP et l'hôpital Foch à Suresnes (92)