Les femmes en situation de handicap redoutent-elles davantage d'être enceintes ? C'est ce qu'affirme une étude américaine « inédite » menée par des chercheurs de l'université de la santé et des sciences de l'Oregon (OHSU, Etats-Unis), publiée dans le journal Perspectives on sexual and reproductive health. Ils ont passé au crible deux enquêtes menées auprès de 3 089 femmes, totalisant 5 861 grossesses. La proportion de grossesses décrites comme non désirées a été calculée à la fois chez les femmes en situation de handicap (53 %) et « valides » (36 %), faisant apparaître un écart manifeste, qui se creuse encore plus pour celles qui ne sont pas en mesure de vivre de manière autonome (62 %). Les femmes atteintes de surdité ou d'un handicap cognitif se déclarent également plus susceptibles que celles sans handicap de mettre un terme à leur grossesse.
Des besoins plus complexes
Selon Willi Horner-Johnson, professeur au sein de l'OHSU et auteur principal de l'étude, c'est le doute sur la capacité à élever un enfant qui freine certaines d'entre elles, renforcé par le poids du regard social et les nombreux clichés qui ne leur permettent pas de s'investir librement et sereinement dans leur maternité. « Si nous ne demandons tout simplement pas à une femme ses préférences en matière de reproduction parce que nous supposons qu'un handicap inhiberait les compétences parentales, nous limitons en fait l'accès aux connaissances essentielles et aux services de soins de santé qui garantiront un calendrier optimal de la grossesse et des résultats idéaux à la naissance », explique-t-il.
Or, selon lui, « en général, les femmes qui mènent une grossesse non planifiée ou non désirée ont moins de chances d'obtenir des soins prénataux en temps voulu. Malheureusement, des soins tardifs peuvent contribuer à des résultats de grossesse moins bons. Cette préoccupation est grandement exacerbée chez les femmes handicapées. Beaucoup d'entre elles ont déjà des besoins complexes en matière de soins et sont plus susceptibles de souffrir de complications liées à la grossesse ou de dépression post-partum ». Pour changer la donne, le chercheur réclame, notamment, « des programmes d'éducation sexuelle avec des outils appropriés, par exemple l'interprétation en langue des signes ».
Des aides en France
En France, le constat s'avère identique, et très peu de centres proposent un suivi de grossesse adapté aux femmes handicapées. Pionnière, une « Consultation mère-enfant parentalité handicaps moteur et sensoriel » a été ouverte en 2006 au sein de l'Institut mutualiste Montsouris, à Paris, sous l'impulsion d'une sage-femme, elle-même en situation de handicap (article en lien ci-dessous). Dans ce désert médical, et parce que la moitié des patientes ont été refusées dans les autres maternités, elle doit faire face à un afflux de demandes. Des initiatives locales ont, par ailleurs, vu le jour, comme par exemple le service d'accompagnement à la parentalité des personnes handicapées (SAPPH) Alsace, celui des Papillons blancs de Roubaix, « Parentalités singulières » mis en place par la Croix-Rouge française ou encore le Centre Papillon de Bordeaux, sans que cette problématique ne soit réellement prise à bras-le-corps et traitée de manière homogène au niveau national. C'est l'objet du combat de l'association Handiparentalité qui milite pour la prise en compte de la parentalité des personnes en situation de handicap dans la société.
Une annonce de Macron
Dans ce contexte, le gouvernement s'est, un peu, penché sur cette question. Lors de la Conférence nationale du handicap, le 11 février 2020, clôturée par Emmanuel Macron, il a dévoilé, parmi douze nouvelles mesures, une « aide à la parentalité » (article en lien ci-dessous) qui prévoit d'étendre la compensation individuelle des besoins et de reconnaître les personnes handicapées dans leur rôle de parents. Pour ce faire, certains besoins, comme l'assistance apportée par un tiers à un parent handicapé pour s'occuper de son jeune enfant, seront intégrés en 2021 dans la Prestation de compensation du handicap (PCH). Il s'agit d'éviter que « des personnes renoncent à devenir parents en raison de leur handicap », a souligné le chef de l'Etat. Il a par ailleurs annoncé l'organisation d'un débat sur l'accompagnement à la vie intime et sexuelle (article en lien ci-dessous), « qui ne doit pas être un tabou ». Pour toutes ces femmes qui manifestent le désir d'être mère, il suffit parfois d'une écoute bienveillante, non culpabilisante, et d'un suivi adapté pour « oser » ce projet.