L'animal ne ment pas, ne parle pas, ne juge pas et ne renvoie pas aux difficultés familiales et personnelles. Il se contente d'offrir sa présence rassurante, aimante, qui ne demande rien en retour. La thérapie par médiation animale, qui se pratique en individuel ou en petits groupes, cherche à éveiller des réactions visant à maintenir ou améliorer le potentiel cognitif, physique, psychosocial ou affectif. C'est aussi un outil pour développer la dextérité perdue, favoriser les capacités mentales, retisser le lien social et rompre l'isolement.
Ne manquent que les prisons
Au sein de la Ferme itinérante du Chaineau, on a pressenti le bénéfice thérapeutique de ce contact privilégié avec des animaux familiers soigneusement sélectionnés et éduqués. Ludovic Goury est à l'origine de cette initiative, plutôt rare en France. Il y a dans son cheptel deux chevaux et bien d'autres animaux qui vaquent à leur travail tempo piano. Ils sont source de réconfort, de stimulation sensorielle mais aussi d'apaisement et d'authenticité. Sa « ferme » se déplace au sein d'établissements qui accueillent des personnes âgées ou handicapées, des centres de réinsertion sociale ou des maisons de quartiers réputés difficiles. Ne manquent que les quartiers haute sécurité à son actif mais Ludovic ne désespère pas d'ouvrir les portes des prisons.
Une ferme en pleine cité
A la demande, sa ferme investit les lieux, plante le décor, pour un jour, deux ou trois, parfois davantage. Elle s'est par exemple installée durant quinze jours à Goussainville, une cité du Val-d'Oise pour, de l'aveu de Ludovic, « aller à la rencontre d'un public super difficile mais qui se comporte toujours bien avec les animaux et est capable de fondre devant un agneau. » Ce Bourguignon est sollicité le plus souvent par des communes d'Ile-de-France. Une tente, de la paille, des auges, des tables, quelques accessoires, disposés sur une centaine de mètres carrés… Tous les animaux de la ferme sont présents, sauf la vache. « Ce qui est important, c'est de recréer l'ambiance d'une ferme du début du XXe siècle ». A la différence de la zoothérapie, Ludovic ne considère pas seulement l'animal comme un « objet thérapeutique » mais comme un sujet à part entière. « On ne met pas l'animal d'office entre les mains des personnes. Le contact se fait naturellement, notre ferme propose tout un environnement. »
Deux colosses à la force tranquille
Le « dada » de Ludovic, ce sont les équidés. Cet ancien moniteur d'équitation a cessé son activité pour s'occuper de son cheptel. Dans sa maison bourguignonne, à Treigny (89), il possède deux ânes mais surtout deux solides percherons pour les promenades en calèche. De vrais pros qui, selon Ludovic, ont l'habitude d'être dans des conditions pas toujours faciles et dans des environnements très urbains. Il va parfois au-devant de publics qui ont du mal à communiquer… Adultes et enfants autistes ou handicapés mentaux sortent de leur bulle, ont envie de participer, de s'exprimer et de bien faire. Certains appréhendent de monter dans l'attelage mais les chevaux leur transmettent une force tranquille qui les apaise. On assiste parfois à de petits « miracles », comme ce monsieur handicapé qui n'a pas quitté son fauteuil depuis des années et se met debout pour pouvoir se hisser dans l'attelage, un grand sourire aux lèvres. Ou encore cette vieille dame très corpulente, presque grabataire, qui opère seule un transfert et va s'assoir à l'arrière de la voiture, sur son coussin anti-escarre ! « Elle pleurait de joie dans mes bras, se souvient Ludovic. »
Un moment nostalgie
Avec les personnes âgées, c'est différent ; de l'émotion, bien sûr, mais pour d'autres raisons. « Elles sont intriguées, curieuses, et toute cette agitation insolite leur donne envie de quitter leur chambre pour venir à notre rencontre, explique Ludovic. » Elles se souviennent d'une époque révolue, les langues se délient, avec nostalgie… « Après la balade en calèche, certaines me supplient : « Vous n'allez quand même pas me ramener là-bas ». Murielle est aux côtés de Ludovic. Une femme précieuse qui possède à la fois une formation d'AMP (aide médico-psychologique) et de technicienne d'élevage. Elle continue à travailler dans une maison de retraite lorsque la ferme lui accorde un peu de temps. S'il procure du bien-être à d'autres, le couple se fait aussi plaisir. Cette idée, initiée en 2009, c'était avant tout « leur » besoin. Une aventure décidemment gagnant-gagnant !