Par Frédéric Dumoulin
Q : En tant qu'ex député LR, vous êtes le "père" de la loi visant à éviter à la fois les pratiques d'euthanasie et l'acharnement thérapeutique. Pouvez-vous préciser cette notion "d'obstination déraisonnable", clé de voûte de ce texte ?
Jean Leonetti : La loi de 2005, votée à l'unanimité, prône le "non-abandon", la "non-souffrance" et le "non-acharnement thérapeutique". L'obstination déraisonnable est le terme utilisé en médecine et dans la loi pour désigner ce qu'on appelle dans le langage courant l'acharnement thérapeutique. La loi a donné une définition de l'obstination déraisonnable en précisant que l'on peut, en fonction de la situation et sans que ce soit une obligation, arrêter ou ne pas entreprendre un traitement s'il est jugé inutile, disproportionné ou qu'il n'a d'autre but que le maintien artificiel de la vie. Lorsque le patient (...) ne peut pas exprimer sa volonté, en l'absence de "personne de confiance" désignée ou de "directives anticipées" rédigées, un collège de médecins recueille, auprès de la famille et des proches, les témoignages et ses volontés exprimées antérieurement. Les procédures qui définissent au cas par cas -car chaque cas est particulier- l'obstination déraisonnable sont devenues fréquentes et aboutissent, dans l'immense majorité des cas, à des décisions consensuelles.
Q: S'agissant de Vincent Lambert, plusieurs rapports d'experts ont conclu à "un état végétatif chronique irréversible". La décision d'un arrêt des traitements couplé à la mise en place d'une sédation profonde s'inscrit-elle dans le cadre de votre loi ?
JL : Le questionnement concernant l'obstination déraisonnable dans le cas de Vincent Lambert relève bien de la loi de 2005. Cependant, le fait qu'il soit en état végétatif chronique confirmé n'est pas un élément en soi suffisant pour décider d'un arrêt des traitements de survie. Le Conseil d'Etat a précisé qu'il était également nécessaire qu'une expression de la volonté du patient ait été préalablement recueillie. Chaque décision concernant l'arrêt des traitements de survie tient compte, en dehors de la situation médicale, de la personne concernée et des circonstances dans lesquelles on se trouve. Le recours à la sédation profonde est défini dans la loi de 2016. Il s'agit de pouvoir dormir pour ne pas souffrir avant de mourir.
Q : Aux yeux des parents de Vincent Lambert, qui ont vu leurs nombreux recours en justice rejetés, le fait qu'il n'y ait pas d'espoir réaliste d'amélioration de l'état de leur fils ne permet pas de parler de fin de vie. Que leur répondez-vous ?
JL : En effet, Vincent Lambert n'est pas en fin de vie. La question de l'obstination déraisonnable qui se pose le concernant relève, cependant, de la loi de 2005. Est-il raisonnable ou déraisonnable de le maintenir artificiellement en vie ? Les décisions collégiales concernant l'arrêt des traitements doivent se baser sur deux types d'éléments: des éléments médicaux sous la forme d'expertises médicales confirmant, par l'avis de spécialistes et le recours à des examens complexes, l'existence de lésions cérébrales majeures et irréversibles entraînant un état végétatif chronique. (Ainsi que) des éléments non médicaux sous forme de recueils de témoignages établissant si le patient a clairement exprimé le souhait de ne pas poursuivre son existence dans la situation qui est la sienne aujourd'hui. Il est clair que si chacun d'entre nous veut éviter que le drame de Vincent Lambert se reproduise, il nous faut écrire nos "directives anticipées" et désigner une "personne de confiance", comme la loi le permet, afin que nos volontés soient transmises dans l'hypothèse où nous ne pourrions pas les exprimer.
Fin de vie : directives anticipées indispensables !
Il faut que chacun écrive des "directives anticipées" pour "éviter que se reproduise le drame de Vincent Lambert", qui "relève bien" de la loi de 2005 sur la fin de vie, explique l'artisan de ce texte. Trois questions à Jean Leonetti.
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