* Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique
Handicap.fr : Le 19 mai 2016, le chef de l'Etat accueillait à l'Elysée la 4e Conférence nationale du handicap. Quoi de neuf ?
André Montané : Cette CNH n'a pas, me semble-t-il, impulsé de nouvelles orientations ou de grandes innovations au niveau de l'accompagnement des personnes en situation de handicap mais a l'objectif de consolider et de moderniser ce qui est déjà en place.
H.fr : En matière d'emploi, François Hollande a réaffirmé son soutien à l'apprentissage. En quoi est-il important pour les travailleurs handicapés ?
AM : C'est un très bon moyen pour eux de rentrer dans l'entreprise et de se faire apprécier pour leurs compétences. Et puis, c'est une mesure très attractive pour l'employeur puisque, dans le secteur public par exemple, le Fiphfp peut financer jusqu'à 80% du salaire et des charges de l'apprenti.
H.fr : C'est un dispositif qui connait donc un franc succès ?
AM : Pour l'instant, cela ne concerne que 1% des travailleurs en situation de handicap. Or, 25 à 30% des personnes que nous accompagnons ont plus de 55 ans ; dans 10 ou 15 ans, ce sont plus de 50% de travailleurs en situation de handicap qui atteindront l'âge de la retraite. Il faut donc mettre les bouchées doubles sur la formation et l'accompagnement des jeunes, et l'apprentissage, avec des formations en alternance de 2 à 4 ans, en constitue le pilier fondamental. Au bout de 6 mois, 4 personnes en situation de handicap sur 10 issues de l'apprentissage sont en emploi. La problématique, c'est leur pérennité car ce sont souvent des emplois précaires.
H.fr : Lors de cette CNH, le handicap psychique a été souvent évoqué. Quelles actions le Fiphfp mène-t-il dans ce domaine ?
AM : Ce handicap a fait l'objet d'un travail de notre Conseil scientifique car il est difficile à appréhender pour les employeurs. Parce qu'il est manifeste que le travail, pour les personnes concernées, peut avoir un effet thérapeutique à long terme, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un sujet qu'il faut développer, notamment par le biais de l'emploi accompagné. Nous recensons en ce moment toutes les initiatives qui ont été mises en place sur notre territoire. Notre Fonds propose le financement de « job coaching » qui peut atteindre 30 800 euros par an et permet de soutenir à la fois l'employeur et l'employé. C'est un travail nouveau, très fin et extrêmement long qui oblige à rester vigilent, et surtout à valoriser le maintien dans l'emploi.
H.fr : A quand, pour sécuriser certains travailleurs, plus de passerelles entre le milieu ordinaire et protégé (Esat) ?
AM : Il est clair que ces passerelles ne sont pas facilitées et que les employeurs du milieu protégé sont parfois réticents à ce que certains de leurs ouvriers rejoignent le milieu ordinaire. En effet, on sait que les retours sont parfois nécessaires mais difficiles. Ce n'est pas encore dans notre culture mais il est important de pouvoir passer de l'un à l'autre. Les études le prouvent et doivent être mises en œuvre.
H.fr : Les nouveaux chiffres de l'emploi de personnes handicapées dans les trois fonctions publiques viennent d'être rendus publics (article en lien ci-dessous). Quel bilan ?
AM : Les résultats sont satisfaisants, même si la progression reste lente, puisqu'on est passé de 3,74% au moment de la création du Fonds en 2005 à 5,17% en 2015 (chiffres au 1er janvier 2014 portant sur l'année 2013). Certaines administrations (ndlr : on en compte 25 000 en France) continuent même à recruter alors qu'elles ont dépassé les 6%. Ces chiffres en hausse sont le témoin d'une société plus inclusive. Il y a d'ailleurs 5 ministères de tutelle qui nous donnent leurs orientations, ce qui atteste que la politique du handicap est bien menée de manière transversale.
H.fr : On ne gagne pourtant que quelques dixièmes par an. Y-a-t-il vraiment des raisons de se réjouir ?
AM : Le taux doit encore progresser mais notre Fonds a seulement 10 ans et il a fallu construire les fondements puis élever les murs. On a essayé de consolider la maison mais il faut maintenant lui donner une âme et envisager une autre politique du handicap. Et je suis porteur de ce changement de posture que nous devons avoir sur toutes les différences. Il faut inverser la vision et la parole que l'on porte sur le handicap… Alors, oui, cela risque de durer encore longtemps mais il ne faut pas pour autant se décourager et baisser les bras. Par exemple, pour les prochains Jeux paralympiques de Rio, ce sont 100 heures de direct annoncées par France télévisions. Ce n'est pas anodin car c'est ce type d'imprégnation qui, à terme, peut avoir un impact réel.
H.fr : A mesure que les entreprises embauchent, elles payent moins de contributions et le Fiphfp se retrouve donc face à une situation inextricable : plus de travailleurs handicapés en emploi et moins de ressources pour les accompagner. Ce système ne serait-il pas voué à l'échec ?
AM : Disons plutôt qu'il est nécessaire de penser à d'autres paradigmes et critères de calcul des contributions des fonctions publiques. Ce fonds a été conçu à l'origine comme un amorçage, or il est bien évident que le handicap ne va pas disparaître, d'autant que la loi de 2005 a permis de faire reconnaître certaines déficiences (handicap psychique, cognitif, mental..). Nous sommes donc dans une période où il faut donner un sens à l'accompagnement des personnes en situation de handicap vers l'emploi mais, en même temps, pérenniser le Fonds avec d'autres critères.
H.fr : Quelles sont vos pistes de réflexion ?
AM : Par exemple asseoir les contributions sur la masse salariale selon un système de bonus-malus et non plus de taux d'emploi. Nous sommes en train de réfléchir à de nouvelles modalités aux côtés des pouvoirs publics et nous nous donnons environ deux ans pour faire évoluer les choses vers de nouvelles assiettes ou mesures plus techniques.
H.fr : Mais ne faudrait-il pas assujettir plus d'employeurs publics ?
AM : Oui et le gouvernement a pris des mesures dans ce sens. C'est le cas pour les universités qui sont désormais assujetties, ce qui a permis de collecter 7 millions d'euros en 2015 et d'en attendre 14 en 2016. D'autres organismes comme la Cour des comptes ou le Conseil d'Etat sont également devenus contributeurs.
H.fr : Et l'Education nationale, toujours exonérée ?
AM : Oui car on part du principe que son absence de contribution est compensée par le financement des auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent les écoliers en situation de handicap. Cela représente une perte de 160 millions d'euros par an pour notre Fonds et nous œuvrons pour trouver un dispositif intermédiaire.
H.fr : Le Fiphfp n'aurait-il pas vocation à disparaître un jour ?
AM : Cette disparition pouvait être envisagée à l'origine parce qu'on espérait l'inclusion dans toutes les politiques publiques mais je pense que ce ne sera jamais le cas… Je suis persuadé qu'il y aura toujours des personnes en situation de handicap à accompagner vers et dans l'emploi et il faudra donc continuer d'assurer leur compensation.
H.fr : Et la fusion avec l'Agefiph (équivalent pour le privé) qu'on évoque depuis longtemps déjà ?
AM : Ce n'est pas d'actualité non plus mais le travail en commun : oui !
H.fr : Il ne vous reste que quelques jours à la présidence du Fiphfp. Votre successeur est en attente…
AM : Oui, j'ai achevé mon mandat mais je joue les prolongations. Le décret vient de passer en Conseil d'Etat ; nous attendons sa promulgation et l'arrêté qui doit mettre en place le nouveau Comité national.