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Le foot comme exutoire pour des soldats amputés en Ukraine

Ils ont perdu leur jambe, leur bras, mais pas l'envie de vivre et encore moins leur passion pour le ballon rond. Des soldats ukrainiens amputés réapprennent à jouer au football après leur blessure sur le front pour "continuer à vivre".

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Illustration article Le foot comme exutoire pour des soldats amputés en Ukraine

Par Emmanuel Peuchot avec Mykola Zavgorodniy

Sur un terrain de foot à Kiev, Ievguen rigole au moment de s'étirer les doigts : il lui manque un bras. A côté, Oleg perd l'équilibre et râle pour faire des pompes : il lui manque un pied. Ces deux soldats Ukrainiens ont été amputés à la suite d'une blessure sur le front contre les forces russes. Avec une dizaine d'autres "invalides", civils et militaires, ils participent une ou deux fois par semaine à un entraînement de football, un sport pratiqué par la majorité d'entre eux avant leur blessure. Des prothèses de jambes sont posées au bord du petit terrain en pelouse synthétique, éclairé par des projecteurs à la nuit tombée, dans le centre de la capitale ukrainienne.

Une perte difficile à supporter

Oleg a 46 ans. Il était officier dans la 46e brigade d'assaut, une unité en pointe dans la contre-offensive de Kiev en cours à Robotyné (sud). En décembre 2022, à Bakhmout (est), dans un combat "au corps-à-corps, un salopard (russe) m'a tiré dessus au lance-grenade à environ sept mètres", raconte-t-il à l'AFP, le visage perlé de sueur, les mains serrées sur ses béquilles, fixées aussi aux avant-bras. "Il a eu peur. S'il avait tenu fermement son arme, il m'aurait touché au milieu de la poitrine et je ne jouerais pas ici maintenant", poursuit après l'échauffement l'homme au crâne chauve, qui ne souhaite pas donner son nom de famille. "J'ai vu beaucoup de gars qui ont perdu leurs membres, comment ils se sont effondrés, ils ne pouvaient pas supporter cette terrible tragédie et ont commencé à faire de mauvaises choses, comme se droguer, explique-t-il. Ce n'est pas facile de supporter ça, croyez-moi !"

Un combattant acharné

"Je me souviens de la première fois : quand la morphine a arrêté de faire effet j'ai soulevé la couverture thermique, j'ai regardé et il n'y avait pas de jambe (...) J'ai eu l'impression que ma vie était finie (...) Mais je suis là !", lâche dans un grand sourire cet ancien officier de police. Blessé à deux reprises avant de perdre son pied, il est toujours revenu combattre. Une fois, il a même demandé à un médecin de produire un faux certificat pour rejoindre "ses gars" sur le front, "alors que je pouvais ne plus retourner dans cet enfer". Mais à la suite de l'amputation, "j'ai réalisé que j'avais peur de perdre la vie, d'être encore plus handicapé. Parce que j'ai deux enfants", explique-t-il.

Continuer à vivre

Lors d'un match à cinq contre cinq, Ievguen Nazarenko est intenable dans sa cage de gardien de but. Boule d'énergie, il a le T-shirt trempé de sueur, et sa manche gauche est vide, ballante. Sergent de 31 ans, c'est un pilote de drone de reconnaissance. En mai 2022, dans la région de Kherson (sud), il guidait les tirs d'un mortier. Un obus défectueux a explosé dans le tube, à 10 mètres de lui. Il a perdu un bras. Joueur de foot amateur depuis tout jeune, il s'y est remis récemment. Il faut "montrer aux autres gars qui ont été blessés que la vie ne s'arrête pas là et que vous n'êtes pas obligés de rester à la maison", dit-il, essoufflé, lors d'un arrêt de jeu. Ievguen a appris à piloter un drone avec un seul bras et veut reprendre du service une fois qu'il aura sa prothèse. La partie reprend, intense : ça crie, ça applaudit, ça rigole.

"Pas d'effet sur mon psychisme"

Habile, puissant et vif sur ses deux béquilles, Oleksandre Maltchevsky claque but sur but avec son pied gauche valide. Il a été amputé juste en dessous du genou droit après une blessure lors d'une frappe d'obus près de Kharkiv (nord-est) en mai 2022. "J'ai une femme, un fils de 9 ans. Je ne veux pas être dans un fauteuil roulant dans dix ans et qu'ils s'occupent de moi", explique-t-il à la fin du match. "Perdre une jambe n'a aucun effet sur mon psychisme. Personne ne m'a forcé (à combattre). J'ai été volontaire dès les premiers jours, je savais qu'il y avait un risque", assume l'homme de 31 ans. "Nous continuons à vivre et c'est tout", conclut-il.

Réapprendre à jouer au foot

"On s'adapte", abonde Volodymyr Samous, 42 ans, blessé par un éclat d'obus à Avdiïvka (est), que les Russes tentent de prendre depuis des mois. Blessé à 9h, il est arrivé à l'hôpital à 16h. "Je suis resté longtemps sous le feu, il n'y avait aucun moyen de sauver ma jambe", se souvient-il. Lui aussi a pratiqué longtemps le football. Mais avec une jambe en moins, "c'est une sensation complètement nouvelle. Comme un enfant qui apprend à marcher, nous réapprenons à jouer".

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