Depuis janvier 2017, handicap.fr réalise chaque mois un vaste dossier thématique. En avril, l'emploi et la formation des personnes en situation de handicap sont à l'honneur (autres articles du dossier en lien ci-dessous).
On ne peut pas dire que, dans le domaine de l'emploi des personnes handicapées, les initiatives soient foisonnantes et surtout ludiques… Pourtant, certains ont décidé de faire souffler un vent nouveau sur cette question, et de manière optimiste et novatrice. C'est le cas du Free handi'se trophy qui, depuis 6 ans, convie collaborateurs valides et en situation de handicap à unir leurs forces pour venir à bout d'un parcours qui traverse la France en canoë et vélo adapté. L'édition 2017 aura lieu du 12 au 20 mai entre Lille et Strasbourg. 738 km à l'assaut des Vosges et des Ardennes !
Les managers dans la course
À chaque année, ses nouveautés. En 2017, c'est le Codir'athon. En attendant le grand départ, le FHT s'est lancé ce pari fou de convaincre des grands patrons et membres de CODIR (comité de direction) de participer à une course d'un genre nouveau, le 13 avril. Une « Opération mobilisation » où des équipes handi'valid de top leaders et de salariés rameront de conserve et pédaleront en cœur pour faire bouger les lignes.
Quels bénéfices pour l'entreprise ?
Faire bouger les lignes, c'est l'ambition, notamment, de la Matmut. Cinq participations à son actif et trois partenariats qui en font un des piliers de cette aventure. Mais, au-delà de la prouesse physique, quel impact ce type d'évènement peut-il avoir sur la politique interne de l'entreprise en matière d'inclusion des travailleurs handicapés ? Nous avons posé ces questions à Olivier Dufour, responsable du pôle diversité au sein des RH du groupe Matmut…
Handicap.fr : Pourquoi vous engagez-vous dans cette aventure ?
Olivier Dufour : Sous prétexte d'une activité sportive, le Free handi'se trophy a un effet catalyseur qui dynamise des actions parfois timides et discrètes lorsqu'il est question de politique du handicap en entreprise. Il permet à chacun de trouver sa place. Et ce qui se passe sur ce raid, construit avec bienveillance et respect, nous aimerions pouvoir le valoriser dans l'entreprise. Ce n'est pas toujours facile.
H.fr : Sur ce raid, le handicap finit par devenir invisible…
OD : Oui, bien sûr. Plutôt que de véhiculer une vision souvent stigmatisante du handicap, on voit l'autre comme un co-équipier, et il n'est pas question d'aller au bout autrement qu'ensemble. C'est ça l'effet magique du FHT !
H.fr : Mais comment transmettre ce message en interne ?
OD : En 2017, deux équipes de concurrents seront sur le terrain mais elles sont soutenues par nos 6 200 collaborateurs. Tout d'abord via la « Course avant la course », un jeu en ligne qui remue les consciences et propose de soutenir les collègues. Le thème 2017, c'est le « Lâcher crise ! », avec l'objectif de détecter les facteurs de crise en entreprise.
H.fr : C'est quoi un facteur de crise ?
OD : C'est par exemple lorsque vous réduisez l'Autre à son handicap, que vous le sous-estimez ou le surestimez. Il faut gommer ces stéréotypes pour permettre à l'équipe d'être plus performante. Chacun a une place, et nul n'est remplaçable. C'est ça le message du FHT : affirmer que cette complémentarité de compétences constitue l'entreprise et fait sa force.
H.fr : Vous laissez entendre que tous les collaborateurs du groupe connaissent le FHT ?
OD : Non, pas tous. En réalité tous sont destinataires du message en interne mais tous ne sont pas forcément « touchés ». Néanmoins, la démarche de notre entreprise est clairement affichée par notre directeur général qui, cette année, va participer à deux étapes. Le FHT fait désormais partie du paysage de la Matmut sans pour autant s'y fondre. C'est pourquoi, chaque année, il est de notre devoir de remettre à l'honneur cette action de sensibilisation.
H.fr : Menez-vous d'autres actions en ce sens ?
OD : Oui, nous avons par exemple déjà formé un peu plus de 400 de nos managers à la question du handicap.
H.fr : Avez-vous du mal à recruter des concurrents ?
OD : Parfois oui car le défi porte tout de même sur plus de 700 km, et voir les Vosges se dresser devant peut en freiner quelques-uns. Ce n'est pas toujours facile de s'exposer, y compris avec ses fragilités, et dormir sous la tente durant une semaine n'est pas des plus séduisants… Sur les 90 personnes qui ont postulé en 2017, seules 5 avaient le statut de travailleur handicapé.
H.fr : Mais, pour ceux qui s'engagent, quel bénéfice ?
OD : Je vais vous citer l'exemple d'une concurrente qui a participé au raid il y a deux ans. Elle avait vraiment quelque chose à se prouver aussi bien personnellement que professionnellement ; elle est allée au bout d'elle-même et a ensuite été regardée autrement. Elle a réussi. Lorsqu'elle est partie à la retraite, elle a presque résumé ses 40 ans de carrière à la semaine qu'elle avait passée sur ce raid. Une semaine qui a bouleversé sa vie. Ce raid agit comme un révélateur car il s'inscrit dans un climat de confiance qui peut parfois manquer.
H.fr : C'est donc un précieux support pour sensibiliser à la question du handicap ?
OD : Oui, nous avons vraiment progressé sur ce sujet. Il fait du bruit, bouscule les habitudes, est un pied de nez aux idées reçues. Grâce à cet évènement, nos salariés sont plus nombreux à savoir qu'il existe une mission handicap, que nous menons une politique de maintien dans l'emploi et des actions bienveillantes en faveur des collègues. C'est une vitrine dynamique et joyeuse. Une manière originale d'évoquer la notion de handicap là où un assureur pourrait avoir tendance à l'aborder sous son aspect « sinistre ».
H.fr : Peut encore mieux faire ?
OD : Je l'espère car je suis un idéaliste… Le terrain de notre mutuelle est fertile pour travailler ce sujet mais nous aurions envie que les choses bougent plus vite encore. Notre objectif, c'est d'arriver à toucher ceux qui ne le sont pas. Ce qui me plaît dans le Free handi'se trophy, c'est qu'il propose une démarche très concrète. J'aime cette idée d'éveil de conscience partagé et on a beaucoup à gagner à y participer…