En février 2023, Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), propose qu'il soit, à l'avenir, composé à 100 % de personnes en situation de handicap représentantes d'associations, excluant, de fait, les associations de parents, les syndicats et autres personnes qualifiées (Lire : Futur CNCPH : des personnes handicapées et rien d'autre ?). Un gros pavé dans la marre !
Les injonctions de l'ONU
Premier président en situation de handicap de l'histoire du CNCPH, il s'inscrit pourtant dans la droite ligne -en ayant, certes, un peu forcé le trait- des injonctions du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU qui dit : les organisations de personnes handicapées sont « obligatoirement menées, dirigées et régies par des personnes handicapées », et « leurs membres sont en majorité des personnes handicapées ». Sophie Cluzel, alors secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées, mandate le CNCPH pour qu'il se saisisse de ces observations et formule des propositions.
C'est chose faite en vue du renouvellement de ce Conseil prévu le… 1er juillet 2023 -après déjà six mois de retard- (lire les dernières nouvelles en fin d'article) ! En mai, une enquête a été menée pour sonder l'état d'esprit et les humeurs de ses membres actuels face à ce cap plutôt radical, qui eut l'heur de déplaire à certains. Un sondage en vingt questions tout rond dans lequel 110 votants se sont exprimés. Les résultats ont été rendus publics le 28 juin 2023.
Priorité aux personnes handicapées !
L'une des propositions phares suggère de passer de six collèges à trois : 60 % des sièges pour celui des associations représentant les personnes handicapées, 20 % pour celles représentant les familles et 20 % pour les organisations patronales et syndicales, sachant que ce dernier collège n'aurait qu'une voix « consultative » et non pas « délibérative ». Seuls 55 % des votants y sont favorables, avec des disparités bien compréhensibles. Si 78% disent « oui » dans le collège des personnes handicapées et familles, les « syndicats et patrons » la rejettent à l'unanimité. Près de 62 % des votants estiment que les personnes dites handicapées et leur famille doivent être représentées par des associations dont le conseil d'administration est composé à 80 % de personnes concernées.
Dans cet élan, exit les personnes qualifiées (pour 58 % des votants), en situation de handicap ou non, qui avaient fait leur entrée pour la première fois en 2019 ; néanmoins, des « personnes expertes pourraient être associées aux travaux des commissions » mais sans droit de vote. Un écrémage est également réclamé à une courte majorité, avec un maximum de 80 à 100 membres contre 160 actuellement.
Dialogue maintenu avec la société civile
Ce virage très marqué du « Rien pour nous sans nous » n'exclut pas le dialogue avec la société civile puisque 82 % des votants ont confirmé que le CNCPH devait associer le plus grand nombre de citoyens et d'acteurs de la société à ses travaux. Ils se disent ainsi favorables à une « nouvelle plateforme de consultation permanente (qui pourrait être ouverte entre autres aux membres des CDCA et CDAPH) » et à l'organisation, chaque année, d'Universités d'été ouvertes au public.
Par ailleurs, si l'ONU exhorte à « garantir une représentation des personnes handicapées la plus fidèle possible à la diversité de notre société », une majorité timide (60 %) souscrit au fait que les futurs travaux et la composition du Conseil prennent en compte la jeunesse, les femmes, les usagers des établissements, les personnes LGBTI ou celles vivant en milieu rural !
Argent, nerf de la guerre
C'est aussi l'argent qui est au cœur des préoccupations. Alors qu'aujourd'hui tous sont bénévoles, pourquoi pas une indemnité pour assister aux séances plénières identique à celle des membres des conventions citoyennes du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou des jurés d'assises (entre 90 et 95 euros par journée). C'est un « oui » modéré à 62 % ! Un fond de soutien pour les petites associations non gestionnaires qui seraient impliquées est par ailleurs réclamé.
Pas seulement « consultatif » !
Si un large consensus (86 %) se dessine sur les objectifs et le positionnement du CNCPH, 39 % de votants proposent de retirer le mot « consultatif » du nom. Les trois-quarts estiment qu'il doit être rattaché au Premier ministre pour conforter son positionnement transversal et interministériel. Enfin, à 85 %, les votants proposent, chaque année, d'établir un rapport sur l'état de la France en matière d'accessibilité, d'accès aux droits et de mise en œuvre de la Convention des Nations unies mais aussi d'engager l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour formuler un avis ou des recommandations à soumettre aux ministères concernés et aux parlementaires.
Vers de nouveaux moyens ?
Les cartes sont maintenant entre les mains de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, à qui il revient de trancher. Interrogée par Handicap.fr, elle consent qu'il faut « une majorité de personnes handicapées représentées dans cette institution, et des familles aussi, car ce sont leurs affaires ». Ce qui n'empêche pas de « conserver le dialogue avec les partenaires et associations gestionnaires et tous ceux qui sont dans cet écosystème ». La ministre, dans une lettre adressée aux membres le 30 juin 2023 assure avoir « entendu les demandes » et « constate les besoins de renforcement de certains appuis ». Elle promet des « moyens nouveaux pour rédiger les avis, les rapports, pour vous soutenir et faciliter les démarches ».
Un renouvellement en septembre
Quant au renouvellement, il n'est prévu qu'en septembre, selon un décret paru au Journal officiel le 1er juillet. Un appel à candidatures va permettre à celles et ceux qui le souhaitent de postuler pour un nouveau mandat, qui doit ouvrir « dans les prochains jours ». L'examen des candidatures aura lieu courant juillet, avec des résultats au mois d'août. La nomination du président sera faite « dans les prochaines semaines ».