Il est souvent défini comme le « tueur silencieux de la vision ». Le glaucome détruit peu à peu le nerf optique, ce précieux « câble » qui relie l'œil au cerveau. En cause : une pression intraoculaire trop élevée, qui finit par endommager durablement les fibres nerveuses. En France, entre 1,3 et 1,8 million de personnes sont concernées, souvent sans le savoir. Et selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), elles devraient être 30 % de plus d'ici 2030. « Le glaucome est une maladie fréquente, silencieuse et irréversible mais, détectée à temps, elle peut être contrôlée », rassure le Professeur Antoine Labbé, ophtalmologue. « Ne pas attendre l'apparition des symptômes pour consulter, c'est la clé pour préserver sa vision. »
Un dépistage régulier pour préserver sa vision
Le danger du glaucome, c'est sa discrétion : dans la grande majorité des cas, la maladie reste asymptomatique pendant des années. Les premiers signes – réduction du champ visuel périphérique, sensation de vision « tubulaire », difficulté à percevoir les contrastes ou à s'adapter à l'obscurité, halos colorés autour des lumières, douleurs oculaires intenses – apparaissent souvent à un stade avancé. Le diagnostic repose sur trois examens simples et indolores : la mesure de la pression intraoculaire, l'analyse du nerf optique et le test du champ visuel. Trop souvent, les patients pensent à tort qu'une bonne acuité visuelle écarte tout danger. Faux ! « C'est pourquoi le dépistage régulier est crucial, surtout après 40 ans ou en cas d'antécédent familial », insiste le Pr Labbé.
Un nouvel espoir : l'Institut universitaire du glaucome
Pour répondre à ces enjeux, l'Hôpital national des Quinze-Vingts (Paris) a inauguré, au printemps 2025, l'Institut universitaire du glaucome (IUG). Sa valeur ajoutée ? « Il réunit dans un même lieu les soins, la recherche et la formation », indique le Pr Labbé, qui assure la direction médicale de cette approche « inédite en France ». Principale mission : offrir une prise en charge médicale et chirurgicale de pointe, adaptée aux cas les plus complexes, afin d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie chronique de l'œil. « Chaque patient bénéficie d'un suivi personnalisé, avec des examens complémentaires adaptés à l'évolution de la maladie permettant d'ajuster le traitement de manière précoce et précise », détaille-t-il.
Former, innover, transformer
Autre ambition : dynamiser la recherche clinique (qui teste de nouveaux traitements directement chez les patients) et fondamentale (qui explore les mécanismes biologiques à l'origine de la maladie). « Grâce à son approche translationnelle, l'IUG relie directement la recherche fondamentale aux soins cliniques. Cette intégration permettra d'accélérer le développement et l'application de nouvelles solutions thérapeutiques, plus adaptées et innovantes, issues des travaux de recherche menés sur place mais aussi des grandes avancées thérapeutiques internationales », détaille le Pr Labbé. L'enjeu : transformer plus rapidement les découvertes scientifiques en bénéfices concrets pour les patients.
Pour ce faire, l'institut entend aussi former les professionnels de santé grâce à des « programmes pédagogiques de haut niveau » qui visent à « renforcer la connaissance de la maladie » et à « diffuser les savoir-faire les plus récents ». Une mission essentielle sachant que le diagnostic précoce repose avant tout sur la vigilance des praticiens de terrain.
Guérir ? Pas encore. Freiner, oui !
Si la science n'a pas encore trouvé de remède, un traitement permet de ralentir la progression du glaucome, deuxième cause de cécité en France. « Le seul levier aujourd'hui pour préserver sa fonction visuelle, c'est la baisse de la pression intraoculaire, explique Antoine Labbé. Cela peut être réalisé avec des collyres, du laser ou via une intervention chirurgicale. » Mais encore faut-il que les patients suivent leur traitement. Or, l'observance reste le grand défi. « C'est une maladie chronique, avec des collyres à instiller chaque jour. Beaucoup finissent par relâcher leur vigilance, ce qui aggrave la maladie », observe le spécialiste. C'est pourquoi, à l'Institut, une attention particulière est portée à l'accompagnement du patient. « L'idée, c'est de créer un climat de confiance, en associant les proches et les soignants, afin que chacun devienne véritablement acteur de sa prise en charge », conclut le Pr Labbé. La vue se protège avant de se perdre, rappelle l'ophtalmologue au lendemain de la Journée mondiale de la vue, célébrée le 9 octobre 2025.
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