« Moins de dignité, plus de renoncements : voilà ce que ce budget promet à des milliers de personnes handicapées. » En quelques mots, Nadine Maudet, vice-présidente de l'Unapei – fédération qui représente les personnes handicapées et leurs proches –, résume ce que redoutent familles et associations face aux projets de loi de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026. Présenté dans un contexte d'inflation persistante et de déficit public record, le budget 2026 vise à contenir la dépense sociale et à réduire les aides jugées « trop coûteuses ». Une politique d'austérité que le gouvernement justifie par la nécessité de « redresser les comptes » d'ici 2027. Mais pour le principal mouvement associatif français, c'est tout l'équilibre du modèle social du pays qui est remis en cause. « Faire peser l'effort budgétaire sur les plus vulnérables, c'est un retour en arrière historique », fustige Nadine Maudet auprès de Handicap.fr.
Le gel de l'AAH précarise les personnes handicapées
Une mesure cristallise particulièrement les critiques : le gel de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Officiellement présenté comme une mesure « temporaire » pour maîtriser les dépenses, il suscite un tollé dans le milieu associatif. « Même 'temporairement', geler une prestation dont le montant maximal est déjà inférieur au seuil de pauvreté accroît immédiatement la précarité des bénéficiaires », dénonce Nadine Maudet. Cette mesure « nie la réalité du coût de la vie pour des personnes qui n'ont aucune marge de manœuvre ». Concrètement, « cela signifie des arbitrages sur l'alimentation, l'énergie, les transports ou les restes à charge en santé », illustre-t-elle.
ESAT : la prime d'activité en péril
L'Unapei dénonce également la modification de l'article 79 du PLF, qui prévoit de ne plus considérer l'AAH comme un revenu professionnel, « ce qui revient, en pratique, à priver du droit à la prime d'activité la majorité des bénéficiaires exerçant une activité en ESAT (Etablissements et services d'accompagnement par le travail) ». « Cela représente, en moyenne, une baisse de 10 à 12 % des ressources pour les personnes concernées, en plus de supprimer un levier d'incitation à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle », précise Nadine Maudet. Une mesure qu'elle juge contre-productive : « On fragilise ceux qui s'accrochent à l'emploi malgré les obstacles. C'est tout un modèle d'insertion qui vacille. »
Emploi : des coupes lourdes de conséquences
L'inquiétude s'étend au champ de l'emploi accompagné. Le réseau qui regroupe 550 associations alerte sur la baisse de 22,3 millions d'euros des crédits destinés aux entreprises adaptées (EA), qui pourrait entraîner la suppression de près de 3 000 postes. À cela s'ajoute la réduction des moyens du service public de l'emploi et une baisse de 41 millions d'euros de la dotation d'aides aux postes en ESAT. « Moins d'accompagnement, moins de passerelles, plus d'exclusion durable du marché du travail », résume Nadine Maudet. Dans un contexte où le taux de chômage des personnes handicapées demeure deux fois supérieur à la moyenne nationale, ces annonces font l'effet d'une douche froide.
Santé : le renoncement en toile de fond
Le doublement des franchises médicales, après une première hausse en 2024, est également au cœur des débats. « Un nouveau doublement accentuerait le renoncement aux soins, alors que 27 % des personnes handicapées déclarent déjà y renoncer et qu'une sur deux se dit en mauvais ou très mauvais état de santé », prévient Nadine Maudet. Autre source d'inquiétude : le durcissement de l'accès aux affections de longue durée (ALD). « Plus de 50 % des personnes handicapées sont en ALD. Restreindre les critères, c'est compromettre leur accès aux soins alors même qu'elles ont des besoins de santé supérieurs au reste de la population. »
« Un changement de paradigme intolérable »
Pour l'Unapei, ces mesures ne relèvent pas de simples ajustements budgétaires, mais d'un « changement profond de paradigme intolérable au sein d'une société ayant érigé la solidarité et l'inclusion au rang de ses valeurs fondamentales ». « On passe d'une politique d'inclusion et de compensation des vulnérabilités à une logique d'économies ciblant prioritairement ces publics », déplore Nadine Maudet. « Les effets cumulatifs sur le niveau de vie, l'emploi et la santé sont dévastateurs. » Et d'avertir : « En réduisant ressources, accompagnements et accès aux soins, on éloigne les personnes handicapées de la pleine citoyenneté et du droit commun. »
L'Unapei appelle à un sursaut politique
Face à une politique qui, selon elle, « pénalise durablement les personnes en situation de handicap et leurs familles », la fédération demande aux députés et sénateurs de corriger le tir lors du débat budgétaire. « Nous appelons à lever le gel de l'AAH, à amender l'article 79 pour préserver le droit à la prime d'activité, à rétablir les crédits des entreprises adaptées et à renoncer au doublement des franchises médicales », énumère Nadine Maudet. Ces requêtes, selon elle, ne relèvent pas du symbole : « Elles conditionnent la non-régression des droits et la cohésion sociale. » Dans les couloirs de l'Assemblée, le débat s'annonce tendu. L'Unapei espère que la mobilisation du secteur associatif pèsera dans les discussions... « Ce budget ne peut pas se faire sur le dos des plus fragiles », insiste-elle. La suite du débat parlementaire, débuté le 20 octobre 2025, dira si la France décide de changer de cap… ou d'assumer ce que l'association qualifie de « recul sans précédent pour les droits des personnes handicapées ».
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