Par Arnaud Bouvier
Répartis par petits groupes autour d'un animateur, dans une salle d'un foyer parisien de l'Arche - une association qui accueille des personnes avec un handicap mental-, les participants étaient invités le 25 février 2019 au soir à plancher sur deux des thèmes proposés par le gouvernement dans le cadre du "grand débat" : l'écologie et la citoyenneté.
Avec des mots simples
Pour les organisateurs, il s'agissait de permettre aux "invisibles" que sont les personnes déficientes intellectuelles de faire valoir la "singularité de leur point de vue" et de contribuer ainsi à faire "progresser l'ensemble de la société en apportant des idées novatrices". Pour que tous les participants -personnes handicapées, mais aussi valides et personnes âgées dépendantes- puissent comprendre les questions et s'exprimer, les organisateurs avaient imaginé des outils adaptés au handicap, tels que des pictogrammes et photos pour accompagner les discours, et veillaient à parler lentement et avec des mots simples. "Comment est-ce qu'on fait pour que cette Terre soit un peu moins malade ? On vous demande d'être innovant, d'imaginer, de rêver", a résumé au micro le sociologue Tanguy Châtel, cofondateur du "Cercle Vulnérabilités et Société".
Des formulations presque poétiques
Des débats autour des tables sont ressorties des formulations presque poétiques : "Les arbres aussi pleurent, ils ont un coeur comme nous, et personne ne les entend", a ainsi affirmé une participante à une table ronde sur l'écologie. "Etre citoyen, c'est laisser pousser les fleurs", s'est enflammé un autre, tandis qu'une troisième a suggéré de développer des "avions électriques". Autour des tables rondes, chacun vote avec des post-it pour choisir les idées qui seront retenues : "On est trop riches, on gâche trop", "chacun doit pouvoir dire son mécontentement en allant voter"...
Faire remonter les idées
"On va évidemment faire remonter une synthèse de ces idées sur le site granddebat.fr, et aussi restituer ce qui s'est passé ce soir, car c'est pas anodin, c'est assez rare", s'enthousiasme Edouard de Hennezel, l'un des organisateurs. Après la clôture officielle du débat, le micro continue à circuler car beaucoup veulent encore témoigner du plaisir qu'ils ont eu à prendre la parole. "C'est pas parce qu'on est différent qu'on doit pas exister, c'est ça aussi qu'il faut faire remonter : on est là, et on se battra pour faire valoir ce qu'on a de plus fort", souligne Arthur. "On s'est donné tous de l'amour aujourd'hui, si ça pouvait être tous les jours comme ça... que les gens prennent exemple sur nous !", se félicite Samuel. "En France, on n'écoute pas assez les personnes en situation de handicap mental, on en a peur. J'espère que ce débat aidera à changer ça", ajoute-t-il.
Leur vision du monde
Pour le sociologue Tanguy Châtel, écouter les personnes atteintes d'un déficit intellectuel est "rarissime". "Généralement on les écoute pour essayer de comprendre ce qu'on pourrait faire pour elles, mais pas pour retenir ce qu'elles ont envie de proposer au monde", déplore-t-il. "Ce sont des personnes qui ont leur vision du monde, et qui ont des choses à dire", confirme Anne Delaval, la directrice de l'Arche à Paris. "Bien sûr elles le disent différemment, avec des mots plus simples, elles ont besoin de supports pour étayer leur propos", mais elles ont "beaucoup d'aspiration à vivre comme des citoyens, comme chacun d'entre nous, et à être entendues", ajoute Mme Delaval.
© Twitter L'Arche en France