« Grâce aux consultations blanches, Agnès, une jeune femme de 20 ans avec autisme, a pu se faire retirer ses caries sans avoir recours à une anesthésie générale, comme elle en avait l'habitude chez le dentiste », explique Michel Delcey, médecin coordinateur de Handiconsult34, une unité médicale adaptée située dans l'Hérault. Le principe de ce premier rendez-vous sans soin ? Permettre au patient en situation de handicap de se familiariser avec son environnement, rencontrer le soignant et surtout se rassurer avant l'examen clinique et l'acte technique final. L'équipe du docteur Delcey reçoit en priorité des patients avec autisme et troubles du neurodéveloppement pour qui le parcours de soin en milieu ordinaire a souvent été chaotique « soit au niveau de l'expérience, soit par manque d'accessibilité de matériel », précise-t-il.
Remboursé par la CPAM
Chez Handiconsult, « le premier jour, les patients découvrent les lieux ; le deuxième, ils se dirigent spontanément vers la bonne pièce et, le troisième, ils s'assoient sur le fauteuil, face au médecin », décrit Séverine Liautaud, infirmière coordinatrice. Une approche progressive, qui, selon elle, « ne doit pas être considérée comme un échec mais comme une étape ». Elle précise que « la relation humaine est aussi importante que l'acte technique ». Dans ce centre de soins adaptés, on a le « luxe » de pouvoir prendre son temps puisque l'ensemble des prestations est pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie. Ce qui n'était pas le cas pour les cabinets en ville… Mais, bonne nouvelle, depuis le 1er avril 2022, ces derniers peuvent, eux aussi, bénéficier du remboursement des consultations blanches par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Selon l'avenant 9 à la convention médicale (article en lien ci-dessous), elles peuvent désormais être prises en charge à hauteur de 25 euros, comme pour une consultation classique. « Pour accueillir ces patients sans les brusquer et les mettre en confiance, vous pourrez coter une consultation dite blanche, même si vous n'avez pas pu réaliser un acte médical au sens général », avertit le Syndicat de la médecine générale (SMG). Ce décret a surtout été pris « afin d'inciter les médecins libéraux à participer aux dispositifs de consultations dédiés aux personnes en situation de handicap dans les structures de soins spécialisées », est-il écrit dans le texte publié au Journal officiel (en lien ci-dessous).
D'autres pro sur la touche ?
Si certains n'ont pas attendu l'entrée en vigueur de ce décret pour pratiquer la consultation blanche, elle était jusqu'alors réalisée « sans cadre », ajoute le syndicat. Et de préciser : « Il était illicite de facturer ces temps-là comme consultation. Cela va dans le sens d'une meilleure qualité de la prise en charge des patients lourdement handicapés ». Une avancée ? Pas pour tout le monde. Seuls les médecins libéraux conventionnés (généralistes et spécialistes) pourront jouir de ce décret négocié « au niveau catégoriel ». « Cette mesure de renforcement de la prise en charge des publics prioritaires n'a pas été déclinée dans les autres conventions de professionnels de santé », affirme le ministère de la Santé. Sont notamment « exclus » les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes. Parmi elles, Frédérique Perrotte, exerçant au sein du dispositif Handigyneco (article en lien ci-dessous) qui rend les soins gynécologiques accessibles à toutes, déplore un flou juridique qui les contraint à quelques tours de passe-passe : « Dans le cadre du parcours Handigynéco, il est prévu de réaliser des consultations longues (une heure) avec un financement complémentaire avec ou sans acte et de revoir la patiente si nécessaire avec une facturation normale. ». Une sorte de pis-aller qui ne rend service à personne. En effet, en gynécologie plus qu'ailleurs, ces rencontres préliminaires devraient être un passage obligé. « Certaines femmes n'ont jamais eu de rapports sexuels ou intimes, indique le docteur Catherine Rey-Quinio, directrice de l'autonomie de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France. C'est pourquoi il est indispensable d'y aller en douceur, avec l'aide de dessins, d'outils. Parfois, la simple image d'une femme avec les jambes écartées suffit à effrayer. »
Des consultations blanches bénévoles
Pas mieux lotis, les chirurgiens-dentistes ! Certains admettent pratiquer la consultation blanche mais de façon bénévole, voire avec des pertes sèches puisqu'il faut entretenir le matériel technique. C'est le cas de Nathalie Delphin, présidente du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) : « La consultation blanche nous paraît indispensable dans notre pratique pour montrer au patient -et à son accompagnant qu'il ne faut pas oublier- qu'on a du temps pour lui. Si on veut vraiment soigner au mieux tous nos patients, il faut accepter de rémunérer tous les praticiens », alerte-t-elle. D'autant que certaines incohérences administratives lui donnent raison. « Nous avons une classification des actes médicaux commune à toutes les professions. Logiquement, toutes les conventions de santé devraient évoluer dans le même sens et au même rythme », s'insurge-t-elle. Mais la présidente du SFCD ne perd pas espoir de voir un jour ce décret élargi : « On sent qu'il y a une volonté globale de ramener les gens vers le soin. Ce n'est qu'une question de temps ». En discussion avec la CNAM, elle espère obtenir des réponses dès la rentrée de septembre. Affaire à suivre…