Le handicap engendrerait un risque démultiplié de subir des violences sexuelles, selon l'AFFA (Association francophone de femmes autistes). Etre capable de les dépister, les signaler et les prévenir est donc l'objectif d'un tout nouveau module d'autoformation. Son credo : « Violences sexuelles et handicap - Briser l'omerta ». Réalisé en partenariat avec l'Association mémoire traumatique et victimologie (AMTV) et Skillbar, il a été lancé le 20 octobre 2020. Disponible gratuitement en ligne (lien ci-dessous) et agréé par le Secrétariat de l'Enfance et de la Famille, il s'adresse aux proches de femmes et d'enfants en situation de handicap ainsi qu'aux professionnels. A travers plusieurs volets, qui comprennent la stratégie des agresseurs, la fréquence des violences sexuelles, les bonnes pratiques de dépistage, l'identification des symptômes et les obligations légales de signalement, et s'appuyant sur des témoignages de victimes, il promet un « scénario engageant, qui incite à passer à l'action ».
Une situation effroyable
L'enjeu semble en effet majeur. Entrant dans le détail, l'AFFA explique que les enfants handicapés sont en première ligne avec trois fois plus de risques d'être victimes que ceux dits « valides », le handicap mental augmentant davantage cette menace. Les adultes ne sont pas épargnés puisque 35 % des femmes en situation de handicap subissent des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19 % pour les autres (Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne « violence against women an EU-wide survey », 2014). Quant à la situation des femmes autistes, elle s'avère « absolument catastrophique », selon Marie Rabatel, présidente de l'AFFA, mais resterait pourtant « totalement ignorée, y compris des professionnels de santé ». En France, on estime que près de 90 % d'entre elles subissent des violences sexuelles, dont 47 % avant l'âge de 14 ans (Congrès de l'encéphale 2019 - Paris, par le Dr David Gourion, Séverine Leduc et Marie Rabatel). Ces agressions peuvent avoir lieu dans la sphère familiale comme au sein des établissements, l'agresseur étant le plus souvent connu de sa victime. « Certains des professionnels n'ont pas choisi par hasard de travailler aux côtés de personnes vulnérables ; ce sont de véritables prédateurs multirécidivistes qui continuent d'opérer en toute impunité faute d'être empêchés de nuire », s'indigne Marie Rabatel.
Des parents en alerte
Dans ce contexte, elle tient à alerter plus particulièrement les parents sur ce qu'elle qualifie de « fléau », au motif que leur « déni ou la méconnaissance sur les conséquences psycho-traumatiques de ces proies idéales (adultes ou enfants) sont fréquents ». « Il est urgent que, dans le cerveau des professionnels ou du parent, la petite ampoule de l'hypothèse 'Victime de violence sexuelle ?' s'allume », poursuit-elle. Prévenir est primordial pour que les symptômes du traumatisme ne soient pas mis sur le dos des comportements en lien avec le handicap. C'est pourquoi Marie Rabatel juge « impératif » que ce module fasse partie de la boîte à outil « accompagnement à la parentalité » des 1 000 premiers jours mise en place par le secrétaire d'Etat à l'Enfance, Adrien Taquet, et qu'il soit transmis à chaque parent lors d'un diagnostic de handicap. Elle conclut : « Protéger n'est pas surprotéger, c'est aussi sortir du déni et briser l'omerta. Et les parents otages des institutions existent aussi... ».
Des signaux et des réponses
En 25 minutes, ce module donne donc de nombreuses pistes pour rester attentif à certains signaux d'alerte : détresse psychologique ou physique, troubles du comportement récents ou aggravés et symptômes psycho-traumatiques (conduites d'évitement, de contrôle et d'hypervigilance, troubles dissociatifs…). En cas de suspicion, des outils doivent être mis au point pour permettre à la personne de s'exprimer, par exemple des pictogrammes pour celles n'ayant pas l'usage de la parole. Une fois les violences avérées, la victime doit immédiatement être mise à l'abri de son agresseur et accompagnée tant sur le plan médical que judiciaire. A l'issue du module, une évaluation des acquis est réalisée sous forme de dialogue interactif entre une professionnelle de santé et l'apprenant tandis que des PDF sont à télécharger pour en conserver l'essentiel.
Un autre module de 18 minutes « Protection de l'enfant contre les violences sexuelles », visant à outiller les adultes en contact avec des enfants, est par ailleurs disponible depuis juin 2020 sur le site de l'AMTV.