Grenelle des violences conjugales : quelles mesures ?

Prise en charge psychologique des agresseurs, saisie de leurs armes, renforcement du 3919 : le gouvernement clôt son "Grenelle contre les violences conjugales" avec des annonces attendues de pied ferme. Les femmes handicapées sont en 1ère ligne.

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Au total, le Premier ministre Edouard Philippe, accompagné d'une douzaine de membres de son gouvernement, a présenté ou confirmé le 25 novembre 2019 au matin une « cinquantaine de mesures » en conclusion de cette concertation lancée début septembre pour endiguer le fléau des féminicides. Depuis le début de l'année 2019, au moins 117 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un décompte et une étude au cas par cas menés par l'AFP.

Femmes handicapées en 1ère ligne

Quelque 213 000 femmes majeures sont victimes chaque année de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint, selon les dernières données officielles. Rappelons que, parmi elles, celles en situation de handicap sont particulièrement exposées. 80 % seraient victimes de violences, c'est trois fois plus que les « valides », 60 % intervenant au sein du domicile. « La vulnérabilité attire l'homme violent. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : rapport de genre, phénomène d'emprise, conception de la violence... », explique Isabelle Dumont, de l'association Femmes pour le dire Femmes pour agir (FDFA) qui a mis en place un numéro national d'écoute dédié (01 40 47 06 06).

Le handicap au cœur du Grenelle

Lors de ce Grenelle, « les questions spécifiques des femmes victimes en situation  de handicap ont été abordées dans tous les groupes de travail mis en place, c'est un axe transversal », explique Céline Poulet, secrétaire du CIH (Comité interministériel du handicap), tandis qu'un groupe de travail spécifique était dédié à ce thème, qui, selon elle, « ne traite que des sujets qui ne seront pas pris en compte dans les autres groupes », par exemple les violences dans les établissements médico-sociaux ou encore les questions de la vie affective et sexuelle. « En 2019, être une femme et être en situation de handicap reste une double discrimination, le Grenelle doit être enfin l'occasion de mettre fin à l'intolérable face aux violences qu'elles subissent », assurait en septembre Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap.

Un milliard, pas des bobards

« Les attentes sont immenses », a martelé le 24 novembre le collectif féministe #NousToutes, à l'origine de manifestations ayant réuni la veille des dizaines de milliers de personnes dans toute la France pour dire « stop » aux violences sexistes et sexuelles. La date de ces marches comme celle de la fin du « Grenelle » n'ont pas été choisies au hasard : le 25 novembre est la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. « Nous avons marché pour dire notre colère. Pour exiger des mesures et des moyens à la hauteur. C'est maintenant au tour du gouvernement d'agir », a rappelé le collectif. Sur les réseaux sociaux, l'association a appelé ses sympathisants à afficher à leur fenêtre des slogans réclamant « un milliard, pas des bobards » en faveur de cette cause.

N° secours H24

« Les moyens sont au rendez-vous et toutes les nouvelles politiques publiques seront financées », a dit la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa dans une interview au Figaro publiée dimanche soir. Tout en soulignant que « la lutte contre les violences conjugales ne se résume pas à une question d'argent ».
Parmi les mesures concrètes, Mme Schiappa a d'ores et déjà annoncé que le gouvernement allait créer et cofinancer à 50%, dans chaque région, deux centres de prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales, afin de faire baisser la récidive. Par ailleurs, la ligne d'écoute dédiée aux victimes de violences conjugales, le 3919, fonctionnera désormais « 24 heures/24 et 7 jours sur 7 », a-t-elle indiqué.

Quelles mesures ?

Parmi les autres mesures attendues, certaines doivent figurer dans une proposition de loi que deux députés LREM, Guillaume Gouffier-Cha et Bérangère Couillard, comptent déposer dès janvier.
Il s'agira notamment de faciliter la suspension ou la déchéance de l'autorité parentale du père agresseur en cas d'homicide conjugal, et de renforcer les peines encourues en cas de suicide forcé, ont précisé les deux élus au Journal du Dimanche. Mais également d'assouplir le secret médical pour permettre aux professionnels de santé de signaler plus facilement des faits de violences, et de faciliter la saisie des armes détenues par un homme violent. Une dizaine de mesures avaient été annoncées dès l'ouverture du Grenelle, le 3 septembre, dont la création de 1 000 nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence pour les femmes victimes ou la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital. Figuraient également dans cette première liste l'identification de « procureurs référents spécialisés » dans tous les tribunaux, et la création d'une « grille d'évaluation » devant permettre aux forces de l'ordre de mieux estimer le danger encouru par les femmes qui se présentent au commissariat ou à la gendarmerie. Les députés ont par ailleurs adopté mi-octobre une proposition de loi visant à mettre en place, dès début 2020, le bracelet anti-rapprochement, qui permet de maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents.

Handicap : proposition de loi du Sénat

De son côté, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a souligné qu'elle était favorable à ce que les victimes de violences conjugales puissent débloquer leur épargne salariale « en urgence », afin d'être financièrement plus autonomes lorsqu'elles veulent « claquer la porte et se sauver ». Ce qui n'est pas aussi aisé pour certaines femmes handicapées, à cause d'une dépendance à la fois physique et financière… Selon la sénatrice Chantal Deseyne, membre de la délégation aux droits des femmes du Sénat, « renforcer l'autonomie économique de ces femmes est impératif ; cela suppose des efforts significatifs en termes d'accès aux études, aux formations et à l'emploi ». A ce titre, face à l'ampleur de la tâche, cette délégation dépose le 25 novembre une proposition de résolution dans ce sens, qui souligne aussi de mieux connaître les violences qu'elles subissent par des études régulièrement actualisées, d'intensifier la formation et la sensibilisation des différents acteurs et de progresser dans l'accès aux soins, notamment gynécologiques, ainsi que dans l'accessibilité tant de la chaîne judiciaire que des lieux d'hébergement d'urgence.

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