BOBIGNY,
L'Etat a proposé une place en centre spécialisé à Amélie Loquet, une jeune femme lourdement handicapée, comme le lui avait ordonné la justice, mais il a aussi fait appel de ce jugement sur lequel se penchera lundi le Conseil d'Etat, a-t-on appris mercredi de sources concordantes.
L'annonce de ce recours administratif intervient alors que la jeune femme doit être provisoirement accueillie au sein d'un centre spécialisé à partir du 4 novembre.
Dans un communiqué, le ministère déléguée aux Personnes handicapées dirigé par Marie-Arlette Carlotti, a fait part dans la soirée de son émotion face à la situation de la jeune handicapée, indiquant qu'elle serait "accueillie le 4 novembre dans une maison d'accueil spécialisée à Beaumont-sur Oise".
Le ministère souligne qu'il est de sa responsabilité "d'apporter des réponses adéquates à chaque famille, pas au juge", et que c'est la raison pour laquelle il "engage un recours devant le Conseil d'Etat".
"Ce recours marque le refus d'aller vers une judiciarisation de l'accueil et de l'accompagnement des personnes handicapées", souligne le ministère.
Le tribunal administratif de Pontoise avait ordonné le 7 octobre à l'Agence régionale de santé (ARS), émanation du ministère de la Santé, de "prendre toutes dispositions" pour trouver une place dans un institut spécialisé pour Amélie dans un délai de quinze jours, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard.
Cette décision était sans précédent: jusqu'alors les personnes handicapées qui saisissaient la justice sur ce sujet obtenaient au mieux des dommages et intérêts.
La jeune femme est atteinte du syndrome de Prader-Willi, anomalie génétique rare qui a entraîné un retard mental et l'a rendue obèse. Souffrant aussi de troubles autistiques et de troubles envahissants du développement, elle doit être surveillée 24 heures sur 24.
Lassés d'attendre en vain une place, ses parents avaient saisi fin septembre la justice par une procédure de référé-liberté (en urgence), au nom du "droit à la vie".
Or, l'Etat a fait appel devant la plus haute juridiction administrative, a indiqué dans un premier temps l'Unapei, fédération d'associations qui défend les personnes handicapées mentales et a épaulé les parents d'Amélie dans leur démarche. Un juge des référés du Conseil d'Etat examinera lundi sa demande d'annulation du jugement du tribunal de Pontoise.
Dans la requête en appel que l'AFP a pu consulter, l'Etat fait état d'"erreurs de droit" et dit "craindre" que la décision du tribunal de Pontoise ne "suscite un nombre considérable de demandes auxquelles l'administration ne pourra de toute évidence pas faire face".
"L'ARS n'a pas légalement le pouvoir d'imposer une personne à un établissement", a-t-on expliqué à l'ARS Ile-de-France. "C'est l'établissement qui décide, et cette décision pose donc beaucoup de questions", a-t-on ajouté.
Mercredi, la famille d'Amélie a néanmoins été informée qu'une place provisoire lui était proposée. "Nous avons reçu ce matin un recommandé qui nous assure qu'elle sera prise en charge dans une maison d'accueil spécialisée" à partir du 4 novembre, a dit à l'AFP son père, Jacques Loquet.
Pour l'Unapei, cette place "est un effet d'annonce" car "c'est une proposition de rendez-vous pour envisager la possibilité éventuelle d'une place" avec ensuite "un mois d'essai".
"La réalité, c'est qu'Amélie vit toujours chez ses parents sans solution d'hébergement, ni accompagnement: aucune aide n'a été apportée depuis le jugement, la famille s'enfonce progressivement dans une mort sociale", affirme la fédération dans un communiqué.
Elle appelle à manifester lundi matin devant le Conseil d'Etat pour protester contre "le mépris inacceptable des personnes handicapées et de leurs familles" dont fait preuve, selon elle, le gouvernement.