Fin 2013, le gouvernement lançait un dispositif visant à résoudre les cas les plus "critiques" de personnes handicapées n'ayant pas de solution d'accompagnement adapté. Un an après, des familles tirent un bilan très sévère de l'initiative. En octobre 2013, les parents d'Amélie Loquet avait saisi la justice afin d'obtenir une place en institut spécialisé pour leur fille de 19 ans lourdement handicapée, dont ils devaient s'occuper à domicile depuis un an. Au lendemain d'un jugement en leur faveur, et afin d'éviter d'autres actions judiciaires de ce type, Marie-Arlette Carlotti, alors secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, avait annoncé un dispositif d'urgence aux échelons départemental, régional et national (article en lien ci-dessous). Il visait à trouver des solutions pour les cas les plus lourds d'enfants et adultes n'ayant pas de prise en charge adaptée (atteints d'autisme sévère, de handicaps mentaux, polyhandicaps ...).
Epuisement physique et moral des familles
"Ce n'est pas grâce au dispositif Carlotti que j'ai trouvé pour début janvier une place pour ma fille. C'est grâce à mon énergie, mon réseau, parce que j'ai fait du bruit", dit à l'AFP Jeanne Auber, mère de Julie, une jeune fille de 23 ans porteuse d'un handicap complexe, dont le dossier faisait partie des "cas critiques" qui avaient été retenus. "On nous a proposé une structure pour personnes de plus de 50 ans à pathologie psychiatrique", déclare Mme Auber. Auteur du livre "Les exilés mentaux, un scandale français", ce médecin a publié il y a quelques semaines dans Libération une tribune pour dénoncer la situation et évoquer l'épuisement physique et moral de sa famille. Depuis plus de deux ans en effet, Julie vit à domicile dans le Val-de-Marne. Leur charge est tellement lourde que ses parents avaient envisagé un temps de l'envoyer dans un établissement en Belgique. C'est une structure des Hauts-de-Seine qui l'a finalement acceptée pour janvier. Il y avait "36 places pour 101 demandes", dit Mme Auber.
Peur d'une mère
L'Unapei, fédération de familles de personnes handicapées mentales, salue "l'énergie déployée dans un certain nombre de départements", mais se montre globalement critique. Sur la dizaine de dossiers transmis aux agences régionales de santé (ARS) par la fédération, "Huit ont trouvé une solution au bout d'un an", précise la directrice, Christel Prado. Mais "plusieurs sont encore sans solution, dont une situation extrêmement grave où la personne handicapée est très grande et corpulente, et où la maman a peur" face à ses accès de violence. "On pourrait être obligés de retourner en justice", dit Mme Prado. Amélie Loquet pour sa part a obtenu une place "à 400 kilomètres", contraignant ses parents à déménager.
Une quarantaine de situations déclarées
"Un peu moins d'une quarantaine de situations très critiques, les plus lourdes" sont remontées jusqu'à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), a précisé sa directrice, Geneviève Gueydan, le 10 décembre 2014 devant l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis). "Un tiers" seulement ont été résolues, une "réponse transitoire" a été donnée pour un autre tiers. Au-delà des situations d'urgence, le conseiller d'Etat Denis Piveteau a remis en juin 2014 au gouvernement un rapport intitulé "Zéro sans solution", proposant des mesures pour éviter les ruptures de prise en charge. Marie-Sophie Dessaulle, ancienne directrice d'Agence régionale de santé, est chargée de conduire sa mise en oeuvre. Le 11 décembre 2014, lors de la Conférence nationale du handicap à l'Elysée, François Hollande a assuré que "l'objectif est qu'aucune famille, aucune personne ne se retrouve sans solution", "ne soit entravée dans son projet de vie".
Premières mesures en 2015
Selon le relevé des conclusions de la Conférence, les premières mesures issues du rapport Piveteau seront appliquées "en 2015 avec les territoires volontaires, en vue d'une généralisation en 2017-2018". "La situation des enfants et des jeunes entrant dans l'âge adulte fera l'objet d'une attention prioritaire". D'après l'Unapei, "13 000 enfants handicapés sont aujourd'hui sans solution éducative", et "6 500 enfants et adultes sont exilés en Belgique". La fédération déplore aussi que "presque 6 500 jeunes (soient) maintenus au-delà de leurs 20 ans dans des établissements pour enfants" et que "30 500 personnes handicapées mentales vieillissantes" soient "sans accompagnement adapté".