Handicap : la DDD appelle à sortir de l'approche médicale

Vingt ans après la loi Handicap du 11 février 2005, il est urgent de sortir de "l'approche médicale" et de se concentrer sur l'accès aux droits, estime la Défenseure des droits Claire Hédon. Entretien.

• Par
Logo du Défenseur des droits et photo de Claire Hédon dans la rue.

Par Marine Pennetier

L'écart entre les ambitions affichées et l'effectivité de la mise en œuvre de ce texte emblématique est "particulièrement flagrant", souligne la Défenseure des droits Claire Hédon. La dirigeante de cette autorité indépendante, qui fait chaque année l'objet de saisines de citoyens sur des sujets portant notamment sur les discriminations liées au handicap, apporte son éclairage sur la loi de 2005.

Question : Quel bilan dressez-vous de la loi handicap ?
Claire Hédon : Il y a eu évidemment de nombreux progrès, il n'y a pas de doute. Mais ce que nous constatons, c'est quand même un écart entre les ambitions qui étaient affichées par la loi, qui étaient de belles ambitions, et l'effectivité de la mise en œuvre. Là, l'écart est particulièrement flagrant. 

Sur la question de la scolarisation des enfants en situation de handicap, on a progressé. A la rentrée 2024, 490 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, contre environ 120 000 en 2005. Mais, pour certains, c'est juste quelques heures par semaine. Combien d'heures sont réellement scolarisés les enfants en situation de handicap et combien ne sont pas scolarisés ? Il faudrait plus de transparence. 

L'accessibilité est encore loin d'être effective dans la plupart des domaines, que ce soit le cadre bâti, les transports, le numérique... Or, c'est une condition préalable essentielle à la jouissance effective des droits fondamentaux par les personnes handicapées.

Les droits des personnes en situation de handicap ne sont pas suffisamment respectés, ces personnes restent encore stigmatisées en raison d'une représentation qui est stéréotypée, souvent négative, du handicap. Il est donc aussi indispensable de changer le regard sur le handicap. L'approche reste encore assez médicale, pas suffisamment basée sur les droits. Les Jeux paralympiques ont été sur cet aspect très utiles mais le chemin à parcourir est encore long. 

Q : Quelle part représentent les saisines portant sur les discriminations liées au handicap ?
CH : Le handicap est resté en 2024 le premier critère en termes de saisine sur les questions de discrimination, devant l'origine, l'état de santé ou encore le sexe. Cela ne veut pas dire que c'est le domaine où il y a le plus de discriminations mais c'est le domaine où nous sommes le plus saisis en discriminations. En 2023, le handicap représentait 21 % de nos saisines en matière de discrimination, 15 % des saisines relatives aux droits de l'enfant, et 8 % des réclamations reçues en matière de protection sociale.

L'emploi est le premier domaine dans lequel s'exerce les discriminations fondées sur le handicap. Ce qui me frappe le plus, c'est la question de l'aménagement raisonnable qui reste très mal comprise. Dans la plupart des situations, les employeurs ne respectent pas leur obligation. Au moment de l'embauche, par exemple, l'aménagement est souvent mis en place tardivement, ce qui empêche les travailleurs handicapés de montrer leurs compétences.

Q : Que faut-il faire pour changer la donne?
CH :
Pour moi la priorité des priorités, c'est l'accès à l'éducation. Tout ne passe pas par les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap, ndlr), évidemment il en faut plus, mais il faut aussi lever les nombreux freins à l'inclusion scolaire, augmenter notamment les moyens donnés aux enseignants pour pouvoir accueillir des élèves avec des besoins particuliers. Nous demandons aussi de rendre effectifs les contrôles et les sanctions en cas de non-respect des exigences en matière d'accessibilité des établissements recevant du public.

Sur les transports, il y a eu un véritable recul en 2015 : l'obligation d'accessibilité des infrastructures de transport est désormais limitée aux seuls points d'arrêt considérés comme prioritaires. Il faut inscrire dans la loi une programmation de mise en accessibilité de l'ensemble des points d'arrêt du réseau de transport. L'obligation d'aménagement raisonnable doit également être reconnue par la législation dans tous les domaines, au-delà de l'emploi.

On manque par ailleurs de statistiques précises. Si on n'a pas de chiffres précis, je ne vois pas comment on peut mener une politique à la hauteur des besoins. Le recueil de données fiables et actualisées permettant d'identifier les besoins et les situations rencontrées par les personnes handicapées constitue un enjeu majeur de la prévention et de la lutte contre les discriminations.

© Instagram Defenseurdesdroits

Partager sur :
  • LinkedIn
  • Facebook
  • Blue sky
  • Twitter
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© (2025) Agence France-Presse.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations ».
Commentaires0 Réagissez à cet article

Thèmes :

Rappel :

  • Merci de bien vouloir éviter les messages diffamatoires, insultants, tendancieux...
  • Pour les questions personnelles générales, prenez contact avec nos assistants
  • Avant d'être affiché, votre message devra être validé via un mail que vous recevrez.