Le handicap, indétrônable sur le podium des discriminations. En 2023, encore, il occupe la première place, avec 21 % des saisines adressées au Défenseur des droits (DDD), devant l'origine (13 %) et l'état de santé (9 %).
Inquiétudes sur l'état des droits
C'est ce que révèle le Rapport annuel d'activité 2023 de l'institution qui, en une centaine de pages, dessine le paysage de la discrimination en France. Elle constate une hausse régulière des réclamations. D'une manière générale, Claire Hédon, Défenseure des droits, dit « porter un regard inquiet sur l'état des droits et libertés dans notre pays », Elle mentionne « plusieurs réformes législatives ou règlementaires qui ont restreint le bénéfice de certains droits, dans le domaine du logement, de l'accès aux prestations sociales ou encore de l'immigration », « rompant des équilibres existant parfois de longue date », et « entravant le quotidien de milliers de personnes pour lesquelles le Défenseur est souvent le seul et dernier recours ». « Cette fragilisation des droits n'est pas nouvelle et s'inscrit dans une tendance de fond », ajoute l'institution avec un « fossé qui s'est considérablement creusé entre les usagers et les services publics ».
Emploi et handicap en 1ère ligne
Les réclamations dans le champ du handicap portent principalement sur l'emploi public (21 %), l'éducation et la formation (19 %), l'emploi privé (16 %) et les biens et services publics (15 %). Comment mieux faire ? La Défenseure a rendu son avis sur la « loi pour le plein emploi », jugeant l'amélioration de l'accès des personnes handicapées au milieu ordinaire « positive » ; néanmoins, ces « progrès ne seront effectifs que s'ils sont accompagnés des moyens humains, techniques et financiers nécessaires à un accompagnement efficient et de qualité aux demandeurs d'emploi handicapés ». Pour les travailleurs d'Esat, malgré l'extension de nouveaux droits, elle regrette « l'absence de dispositions destinées à définir des critères objectifs de fixation de la rémunération directe versée aux travailleurs handicapés ».
D'autres actions…
En matière de santé, après un testing téléphonique, elle déplore le refus de soins de certains professionnels de la santé aux patients, notamment handicapés, qui bénéficient de prestations telles que la complémentaire santé solidaire (CSS) ou l'aide médicale d'Etat (AME). Mais aussi des difficultés dans la scolarisation des élèves handicapés.
L'année 2023, qui s'est accompagnée d'une augmentation nette des saisines du DDD au titre de sa compétence en matière d'accompagnement des lanceurs d'alerte, notamment dans le médico-social, confirme le renforcement de la protection issue de ce nouveau cadre légal et le rôle pivot de l'institution. Pour s'adapter à ces évolutions, elle a créé une cellule dédiée (Cécile Barrois, nouvelle défenseure des lanceurs d'alerte).
Une médiation fructueuse
Ce rapport est illustré de nombreux cas qui, à 76 %, ont pu trouver un règlement amiable grâce à la médiation du DDD. « C'est par là que nous pouvons obtenir qu'un commissariat accepte d'enregistrer la plainte d'une victime qu'il avait d'abord refusée, l'adaptation des modalités de scolarisation d'un élève en situation de handicap ou encore le versement d'une allocation logement qui était bloquée en raison d'une erreur dans la base de données », explique Daniel Agacinski, délégué général à la médiation.
Un exemple concret
Interpeller le DDD, ça sert à quoi ? Réponse à travers un exemple concret. Du fait de son handicap, une réclamante possède une voiture aménagée pour avoir « toutes les commandes à la main ». A la suite d'un accident, sa voiture est immobilisée plusieurs semaines. Son contrat d'assurance prévoit la mise à disposition d'un véhicule de remplacement mais son assureur lui explique qu'aucun véhicule aménagé n'est disponible à la location dans son département. La réclamante propose d'autres options : louer un véhicule à un particulier ou rembourser les frais de transports en commun ou les trajets en taxi. Refus ! Le DDD intervient faisant valoir que si aucune solution n'est trouvée, la situation est susceptible de constituer une discrimination fondée sur le handicap, déjà rappelée à d'autres assureurs par le passé. Face à ces arguments, il accepte de prendre en charge les frais de transport et décide même de lui verser 400 euros pour la dédommager de ce désagrément.
Un site plus accessible ?
La nouvelle version du site Internet defenseurdesdroits.fr, élaborée en 2023, est désormais en ligne. « Un travail a été mené à chaque étape pour maximiser la conformité au référentiel d'accessibilité et la prise en compte des handicaps », assure Emmanuel Sarazin, chargé de projet numérique.
Comment joindre le DDD ?
Pour joindre le DDD :
• Appel aux plateformes téléphoniques (09 69 39 00 00 / 31 41), service également accessible aux personnes sourdes ou malentendantes grâce à la solution Acceo (LSF ou par visio codage en langue française parlée complétée).
• Via la plateforme Antidiscriminations.fr (ou au téléphone 39 28), qui a vu ses appels augmenter de 25 % en 2023.
• RDV avec 600 délégués dans près de 1 000 lieux d'accueil.
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