Par Florence Panoussian
Déterminés à devenir astronome, chercheur ou médecin, des étudiants ont fait fi de leur handicap et intégré la fac. "Je vais en cours avec mon fauteuil électrique, en 20 minutes maximum pour les plus éloignés", se félicite Pierrick Dubreuil, 27 ans, étudiant en 3e année de physique. Ce passionné "des étoiles, des planètes", atteint du syndrome de Little, infirmité motrice cérébrale, rejoint ensuite son studio de 33 m2, décoré de posters et figurines Marvel et Star Wars, au rez-de-chaussée d'une résidence universitaire adaptée. "Tout est domotisé. Les portes s'ouvrent automatiquement avec mon badge. Plans de travail réglables en hauteur, même pour cuisiner, douche de plain-pied (...) J'ai la chance d'avoir beaucoup de place. C'est plus facile quand j'utilise le déambulateur", précise-t-il à l'AFP, regard pétillant derrière des lunettes asymétriques à carreaux noirs et blancs.
Logements, soirées et ateliers
Sa résidence de 250 logements aménagés est gérée par le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) qui compte 197 autres chambres, studios ou T2 adaptés dans diverses résidences, et 20 domotisés pour les handicaps lourds. "Nous travaillons aussi à accompagner les étudiants par de l'animation (...) ateliers théâtre, soirées (...) L'objectif, c'est de lutter contre l'isolement", explique Dominique Froment, directrice générale du Crous d'Occitanie. L'université de Toulouse compte plus de 100 000 étudiants sur divers sites de la région, dont 1 800 avec un handicap. Leur nombre s'accroît : la première génération à avoir bénéficié, dès la maternelle, des dispositifs de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances vient d'entrer à la fac.
Des aménagements en classe
Comme ailleurs en France, les étudiants peuvent demander un secrétaire pour rédiger les épreuves, une aide à la prise de notes en cours, un casque pour atténuer le bruit, etc. "Je fais partie de ceux qui ont droit à une salle isolée parce que j'ai une concentration de bulot", plaisante Pierrick. Elle aussi à l'université Paul Sabatier, en première année de sciences de la vie, Manon Ohayon, 18 ans, sourit : "Je pensais qu'en arrivant à la fac, le suivi que j'avais au lycée ne serait pas prolongé, mais en fait il l'est". Souffrant d'un handicap "invisible", l'émétophobie -peur de vomir, cause de troubles alimentaires, hospitalisations et régime strict- elle a "droit à la prise de notes par d'autres étudiants" en cas d'absence, "à un temps compensatoire" pour rattraper celui perdu lorsqu'elle quitte une salle d'examen si elle se sent mal. "Et mes enseignants sont au courant", explique-t-elle, en déjeunant au restaurant universitaire Le Canal. Là, il est possible d'utiliser un coupe-file et "il y a des aménagements au niveau phonique pour éviter que les étudiants autistes soient dérangés par le bruit (...), des places réservées au fond de la salle, plus tranquille", ajoute son directeur Frédéric Calmettes, dont le personnel est formé afin d'aider ceux risquant de ne pas s'alimenter plutôt que d'affronter les agressions sensorielles générées par la foule.
Mais des difficultés encore palpables
Si les dispositifs se sont multipliés, des progrès restent à faire. Selon une enquête de l'université, 64,4 % des étudiants en situation de handicap disent rencontrer des difficultés en raison de leur condition. Ainsi, si Pierrick se dit "très aidé pour les démarches administratives" par l'assistante sociale dédiée et les référents handicap de la fac, il reste "des choses à changer". "Quand j'ai demandé à avoir certaines notes de cours ou s'il existait d'autres ressources qui pouvaient m'aider, il n'y en avait pas forcément (...) Peut-être que dans l'avenir il y aura plus de cours soit en PDF, soit en vidéo", cite-t-il. Aubin Delaveau, 26 ans, titulaire d'un master 2 en mathématiques appliquées et président de l'association des étudiants autistes La Bulle !, abonde dans le même sens. "Il y a encore des enseignants qui ne savent pas comment nous accompagner (...) Ils ne sont pas malveillants, c'est juste qu'ils ne savent pas, constate-t-il. De bonnes choses ont été faites mais on peut aller plus loin pour rendre l'université plus inclusive".